Au moment où on parle de l’annulation de la dette ou d’un moratoire, l’Afrique tombe dans le piège de l’endettement, en pleine riposte contre le coronavirus. L’alerte est sonnée par Dr Pape Moussa Thior, consultant international et expert en santé publique, un des invités de la matinale spécial Covid-19, ce mardi, 28 avril.
« Dans cette épidémie qui a le plus souffert ? Ce sont les Occidentaux. Et paradoxalement, ils ont réussi à nous faire peur. Et nous, au lieu de rester debout, on est en train de s’affaler, et ils en ont profité pour nous prêter de l’argent. Le plan de 1000 milliards F CFA, combien la Banque mondiale et le FMI ont donné ? C’est un prêt que nous et nos enfants vont rembourser. C’est pour cela que je dis qu’il faut qu’on fasse attention aux décisions qu’on va prendre », a-t-il motivé.
IL EST TRÈS POSSIBLE QU’ON CONTINUE À AVOIR DES CAS COMMUNAUTAIRES
Justement, s’agissant des mesures sanitaires, l’ancien consultant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 2011 à 2018, a exclu le confinement, regrettant la psychose installée autour de la transmission communautaire.
« Qu’est-ce-qui se passe ? Aujourd’hui, on est en train de communiquer autour des cas communautaires pour dire aux gens que s’il y en a dans une communauté, c’est la catastrophe. Mais si on continue à compter tous les jours, à 10 heures, le nombre de cas communautaires, il faut qu’on soit prêt à le faire jusqu’au-delà de 2020. Il est très possible qu’on continue à avoir des cas communautaires. Alors qu’en réalité de quoi il s’agit, on a pris une personne qui ne peut pas lier sa contagion à une autre personne. Donc, on ne sait pas qui l’a contaminée. Il n’y a pas de souci pour cela dans la mesure où le principe de la vaccination, c’est d’inoculer un microbe vivant atténué ou mort dans un organisme pour que cet individu développe des anticorps et soit prêt à mieux lutter lorsqu’il y a une attaque réelle. Dans la maladie à coronavirus, c’est exactement la même chose.
Quand le virus circule, surtout si vous avez une population très jeune, ce qui est notre chance en Afrique, il y a ce qu’on appelle le développement d’anticorps chez cette population jeune. Et, cela va constituer un frein au réseau de distribution de la maladie, et protéger les personnes qui sont vulnérables. Donc, on ne doit pas limiter la circulation entre région, pour justement avoir cet effet de protection de masse. Tous les médecins le savent. »
D’autant plus qu’a-t-il indiqué, les Pays Bas, et la Suède n’ont pas confiné les populations. « Ils ont laissé les gens circuler, mettant en place un système de surveillance épidémiologique pour voir où en est la maladie, et contrôler. Au Sénégal, nous avons un excellent système de surveillance épidémiologique. Nous pouvons faire confiance en nos médecins de santé publique. Qui sont en train de voir tous les événements liés à l’épidémiologie mais ils ne peuvent pas travailler dans un environnement serein parce que l’atmosphère est polluée. On communique autour des cas communautaires qui n’ont aucune signification dans le réel. Il faut qu’on arrête à semer la peur parce que c’est contre-productif. »
Poursuivant, l’expert a rappelé l’expérience de la maladie à virus Zika. Car a-t-il argumenté : « Il y a de cela quelques années, j’étais en Haïti, je travaillais pour l’OMS, et j’étais l’incident manager quand le virus du Zika est arrivé. Nous étions confrontés aux mêmes types de problèmes. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui m’ont obligé à parler. Je ne peux pas assister à cet environnement où tout le monde à peur, et où on raconte beaucoup de choses inexactes, j’ai le devoir de parler, de donner mon opinion technique. Parce que quand nous avions géré l’épidémie de Zika, c’était exactement la même chose. On a essayé de nous faire peur pour derrière nous faire des prêts qu’on allait rembourser après. Tout cela, il faut que ça s’arrête. Nous ne sommes plus à une époque où on peut nous imposer des directives techniques. Le Sénégal regorge de cadres extrêmement compétents. Il faut juste les écouter. »
Selon lui, l’urgence est de protéger les personnes vulnérables dont les personnes âgées.
Au Sénégal, sur les neuf personnes décédées, la seule qui avait moins de 60 ans souffrait de diabète.