Le ministre de l’Agriculture et de l’Equipement rural, Papa Abdoulaye Seck, dans un entretien avec le journal Le quotidien, a mis en relief les efforts déployés par le Gouvernement pour arriver à une autosuffisance en riz. Morceaux choisis…
Maintenant, comment êtes-vous arrivés à ces performances, est-ce que ces résultats sont pérennes ?
En agriculture (qui relève de la biologie, c’est-à-dire des sciences de la vie et de la nature), savez-vous, il n’y a rien de pérenne. Il faut constamment avoir une veille, avoir une réactivité stratégique, et se dire qu’aucun acquis n’est éternel. C’est valable dans ce secteur comme dans d’autres. Pour notre part, nous sommes dans une dynamique de durabilité, c’est-à-dire, faire en sorte que les tendances lourdes que nous constatons aujourd’hui concernant la riziculture, et qui augurent de lendemains meilleurs pour notre agriculture en général, se confirment.
Néanmoins, on est assez curieux de savoir comment le Sénégal a pu accomplir ce grand bond en une année
Ce qu’il faut surtout noter, c’est que nous ne sommes pas dans un pilotage à vue. Nous organisons la filière rizicole en mettant en œuvre du Pnar (Programme national d’autosuffisance en riz) qui est un document consensuel, validé depuis le 12 février 2014, lors d’un Conseil interministériel ayant regoupé l’ensemble des acteurs. Dans ce document, on avait mis en relief le fait qu’il fallait procéder à des ruptures fondamentales si nous voulons aller de l’avant. Maintenant, en termes concrets, comment cela s’est traduit ? D’abord, nous avons tout mis en œuvre pour assurer une bonne diffusion de variétés adaptées et à haut rendement, aussi bien en zone irriguée qu’en zone pluviale. Le boom qu’on a eu en ce qui concerne la riziculture pluviale n’est donc pas le fait du hasard. Nous avons, grâce aux innovations technologiques, développé la riziculture de bas-fond et la riziculture de mangrove au Sud, à Kolda, à Ziguinchor, à Sédhiou, au Sud-est à Tambacounda et à Kédougou, ainsi qu’au Centre à Fatick, Kaffrine et Kaolack.
Une diffusion raisonnée de variétés, performantes et à cycle court, a été opérée en fonction des agrosystèmes : les Nerica 1, 4, 5 et 6 pour la riziculture de plateau ; L 19, S 44 pour la riziculture de bas-fond etc… Ces variétés ont un potentiel de 4 à 6 tonnes à l’hectare contre 1 à 1,5 tonne à l’hectare avec les variétés traditionnelles. Donc, nous avons mis l’accent sur l’amélioration génétique et les bonnes pratiques agricoles. Cela a payé concrètement parce qu’aujourd’hui, on est en train de voir du riz partout au Sénégal. Nous avons été dans des zones de production encadrées par nos projets où des producteurs nous ont dit : ‘’On n’a jamais produit du riz ici’’. C’est grâce à un facteur de succès, je veux dire l’innovation technologique, que nous avons réussi à faire cela.. Ensuite, on s’est dit qu’il fallait renforcer la solvabilité bancaire de nos producteurs. On s’est rendu compte que beaucoup de producteurs étaient surendettés et ne pouvaient pas aller en campagne parce que n’étant pas solvables. Pour lever cette contrainte majeure, l’Etat a pris la décision d’éponger à hauteur de 10 milliards de francs CFA d’arriérés pour la riziculture concernant la Vallée du Fleuve Sénégal et le Bassin de l’Anambé pour renforcer la base productive et permettre aux producteurs d’être éligibles.
Nous avons dit aussi qu’il faut absolument tout faire pour mieux maîtriser l’eau, intrant indispensable pour la pratique de l’agriculture durant toute l’année. Dans ce sens, Entre 2012 et 2015, on a réalisé plus de 127 ouvrages hydro-agricoles. Cela a permis de réhabiliter d’anciens périmètres et d’en créer de nouveaux pour un total d’environ 54 mille hectares en zones pluviales et irriguées. En plus de cela, je dois vous dire que nous allons démarrer incessamment, grâce à un projet majeur d’un coût de 38,8 millions de dollars, l’aménagement de 20 mille hectares dans le cadre de la coopération avec l’Inde. Ces 20 mille hectares vont concerner Bakel, Matam et Dagana. L’équipe indienne est déjà sur place en train de travailler avec mon Département et nos structures opérationnelles comme la Saed. Donc, c’est une réalité. Dans les régions de Ziguinchor, Sédhiou et Kolda, c’est l’aménagement de 30 000 ha qui est prévu grâce aux interventions du PPDC. Et dans ce cadre, l’aménagement des 1000ha du barrage d’Affiniam va démarrer ce mois d’Avril. Il y a une accélération du rythme de réalisation des aménagements hydro-agricoles. En plus de cela, nous avons dit qu’il faut élever le niveau de mécanisation de notre agriculture.
D’ici à 2017, on aura au moins 2 mille tracteurs équipés, en plus de moissonneuses batteuses, de batteuses à riz etc. Tout cela va représenter à peu près 85 milliards de francs Cfa. Ce matériel sera subventionné à hauteur de 60%. Là aussi, il ne s’agit pas de projets car le matériel commence à arriver et il est visible au niveau du pays. Dans le cadre des opérations, j’avais parlé tantôt du projet indien, ce projet a, en plus des aménagements, un volet équipement. Et dans ce cadre, nous allons acquérir des rizeries de grande capacité qui vont traiter 5 à 7 tonnes par heure. Toujours, avec ce projet, il y a aussi 500 tracteurs, des moissonneuses-batteuses, des stations de pompage, etc. Tout cela va être disponible au plus tard le 16 juin de cette année.
L’Etat a aussi constitué un fonds de commercialisation de 5 milliards et un fonds de garantie de 3 milliards. Tout cela aussi fait partie des mesures d’assainissement. Sans compter le Conseil présidentiel tenu le 2 février, et qui a permis de prendre, en matière de commercialisation, une décision importante. Dorénavant, en matière de commercialisation, les importations de riz sont soumises à autorisation préalable, et le quota que l’on peut importer dépend de sa contribution concernant la commercialisation du riz local. Donc, on essaie de faire en sorte que celui qui veut importer participe à la commercialisation du riz local. Et cela explique pourquoi il n’y a moins de mévente de riz local, contrairement à ce qui était observé les années antérieures. Il y a beaucoup de mesures prises de façon combinée, et qui explique le boom de la production locale.
Vous l’avez dit, il y a eu un taux de croissance de 62% entre deux campagnes. Mais si on se rapporte à la moyenne des 5 dernières années, on est à une croissance de 83%. Donc, il y a une volonté politique forte ; nous avons beaucoup investi dans cette riziculture ; il y a un engagement des acteurs, à vouloir produire plus et mieux ; il y a aussi l’utilisation des innovations technologiques pour exploiter de façon optimale nos écosystèmes. Tout cela explique précisément pourquoi il y a un boom de la riziculture au Sénégal.