Le président désigné Donald Trump a laissé éclater sa colère mercredi contre les «fausses informations» diffusées par des médias sur d’éventuels liens secrets avec Moscou, tout en admettant le rôle de Vladimir Poutine dans les piratages du parti démocrate.
Lors de sa première conférence de presse depuis juillet, dans le hall bondé de la Trump Tower à New York, le milliardaire a également annoncé des mesures pour prévenir tout futur conflit d’intérêts, des garde-fous jugés insuffisants par ses opposants démocrates.
Le républicain a tenu à réagir personnellement à la publication par le site Buzzfeed de 35 pages de notes alléguant de liens de longue date entre son entourage et le Kremlin. «Ce sont des fausses informations. C’est bidon. Ces choses ne se sont jamais passées», a-t-il tonné.
Selon ces documents, à l’authenticité incertaine, les services russes d’espionnage disposent également d’informations compromettantes («kompromat») compilées au fil des années, notamment sur des rencontres avec des prostituées de l’homme d’affaires à Moscou. Le Kremlin a nié l’existence d’un tel dossier.
Devant plus de 250 journalistes, le magnat de 70 ans a tâché de projeter l’image d’un homme prêt à assumer les responsabilités, évoquant la réforme de la santé, la prochaine construction d’un mur à la frontière mexicaine, ou une prochaine réorganisation des appels d’offres pour l’industrie pharmaceutique.
«Tas d’ordures»
Mais, visiblement furieux de la diffusion des allégations russes, il a volé dans les plumes du site Buzzfeed – «un tas d’ordures» – et d’un reporter de CNN, à qui il a refusé d’accorder une question.
La chaîne d’information n’a pas publié les 35 pages mais a rapporté mardi que les chefs du renseignement américain en avaient présenté un résumé de deux pages vendredi lors d’une rencontre avec M. Trump, ce que l’entourage de ce dernier a démenti.
Ces notes ont été rédigées de juin à décembre 2016 par un ancien agent du renseignement britannique pour le compte d’opposants politiques au candidat Trump. Elles circulaient depuis des semaines à Washington, notamment dans plusieurs médias qui tentaient d’en confirmer les éléments indépendamment.
Le futur commandant en chef s’en est aussi pris aux services américains, se demandant à voix haute s’ils n’étaient pas la source des fuites de ces notes à Washington.
«Je pense que c’est scandaleux, scandaleux, que les agences de renseignements aient permis (la publication) d’une information qui s’est révélée être erronée et fausse», a-t-il dit. «C’est le genre de choses que l’Allemagne nazie faisait».
Cette attaque contre le renseignement a en retour déclenché une réponse cinglante de l’administration sortante. Ces critiques sont «très malavisées», a lâché le porte-parole de la Maison-Blanche, Josh Earnest.
Au Congrès, l’opposition démocrate continuait de sonner la charge. L’élu Jim McGovern a relevé que «Trump refus(ait) de dire si son équipe avait eu des contacts avec la Russie pendant la campagne».
«Respect» russe
Mais le successeur de Barack Obama a admis, pour la première fois clairement, que la Russie de Vladimir Poutine avait bien commandité le piratage informatique du parti démocrate d’Hillary Clinton pendant la campagne électorale. La divulgation sur Wikileaks de milliers de messages avait déstabilisé la candidate.
M. Trump doutait jusqu’à présent du consensus du renseignement américain, qui a publiquement accusé le président russe d’avoir lancé une campagne de piratages et de désinformation pour discréditer la démocrate et aider le républicain.
«En ce qui concerne le piratage, je pense que c’était la Russie», a déclaré M. Trump, ajoutant immédiatement: «Mais je pense aussi que nous avons été piratés par d’autres pays, d’autres gens».
Cela dit, il n’a pas modifié sa ligne consistant à prôner un rapprochement avec Moscou, encore récemment sanctionné par Barack Obama en décembre pour ses cyberattaques.
Poutine «ne devrait pas faire cela. Il ne le fera pas. La Russie aura beaucoup plus de respect pour notre pays quand je le dirigerai que lorsque d’autres gens le dirigeaient», a promis le républicain.
En même temps au Congrès, l’homme qu’il a nommé pour diriger la diplomatie, l’ex-PDG d’ExxonMobil Rex Tillerson, a pris le contre-pied de ceux qui l’accusent d’être trop proche de Moscou.
«La Russie représente aujourd’hui un danger», a déclaré Rex Tillerson lors d’une audition, évoquant les opérations russes en Crimée et Syrie.
Conflits d’intérêts
Le milliardaire a également annoncé qu’il confierait la direction de l’organisation familiale à ses fils adultes Eric et Donald Jr., ainsi que d’autres réformes destinées à empêcher d’éventuels conflits d’intérêts et présentées par une avocate de Washington.
L’homme d’affaires ne vendra pas ses actifs dans la Trump Organization, une nébuleuse non cotée en Bourse avec des activités dans 20 pays, principalement immobilières. Mais il en confiera la gestion à un «trust» et démissionnera de toutes ses fonctions.
«Mes deux fils, ici même, Don et Eric, vont diriger l’entreprise», a déclaré Donald Trump. «Ils n’en parleront pas avec moi».
La fille du magnat Ivanka, qui était comme ses frères vice-présidente de l’organisation, quittera aussi la direction pour se consacrer à ses jeunes enfants à Washington, où elle et son mari, Jared Kushner, vont déménager. Le gendre du président a été nommé haut conseiller à la Maison Blanche.
Selon Richard Painter, ancien juriste du président George W. Bush, ces annonces ne résolvent toutefois pas les possibles conflits d’intérêts car «le président conservera des intérêts dans ses affaires», a-t-il dit à la chaîne ABC.
Source: Lapresse.ca