Le président Macky Sall rêvait de respecter sa principale promesse de campagne électorale visant la création de près de 500.000 emplois par année. Cette ambition devait être portée par, entre autres, le Programme des domaines agricoles communautaires (Prodac) lancé depuis 2014 par le président de la république et qui devait générer en 5 ans près de 300.000 emplois. Cinq ans plus tard, le Prodac n’a généré que… 3.000 emplois, soit 1 % l’objectif poursuivi.
Le chef de l’Etat a affiché le weekend dernier un enthousiasme débordant lors du lancement du dac (domaine agricole communautaire) de Sangalkam. Dans son discours, il a bien expliqué qu’en décidant d’installer un dac dans la région de Dakar, plus précisément à Sangalkam, il entend redonner aux Niayes, zone agricole par excellence, toute son importance. Mieux, a-t-il soutenu, ce dac va contribuer à restaurer la vocation nourricière des Niayes, au bénéfice des populations de Bambilor, Diamniadio, Sangalkam, Sebikotane et de tout le département de Rufisque et de la région de Dakar.
« Je rajoute que le domaine agricole communautaire de Sangalkam sera une vitrine pour montrer les bienfaits de ce concept (dac avec un centre de services et de formation agricoles de haut niveau), pour des productions de qualité, en grande quantité, et générateurs de revenus durables pour des milliers de jeunes filles et garçons ». Mieux, le chef de l’Etat a donné à son Premier ministre des instructions fermes pour que le dac de Sangalkam soit fonctionnel dans quatre mois. Tout le monde aura remarqué cependant que le président de la république a systématiquement évité d’évoquer la polémique relative au financement du Prodac pour un montant de 29 milliards de francs.
Un financement qui avait valu à son actuel ministre du tourisme, après avoir assuré la tutelle des dac en tant que ministre de la jeunesse et de la construction citoyenne, Mame Mbaye Niang d’être incriminé par les services de l’inspection générale des finances du ministère de l’économie pour mauvaise gestion.
Lorsque la polémique avait éclaté, Mame Mbaye Niang avait même fait dans la démission-spectacle pour, disait il, laver son honneur. après ce spectacle, jusqu’à présent les sénégalais attendent encore d’être édifiés sur ce détournement allégué mais surtout sur les responsabilités de l’ancien ministre de la Jeunesse et de la société locafrique de Khadim Ba chargée de financer le Prodac. Ce lundi, Mame Mbaye Niang a été encore interpellé par les députés lors de la session budgétaire de l’assemblée nationale sur ce dossier.
« J’ai l’obligation d’être loyal, c’est ce qui a expliqué mon engagement de me soumettre à la justice populaire. C’est ce que j’ai appris de mon leader. Cependant, je suis dans un gouvernement et je dois répondre aux questions. 29 milliards, il n’y a jamais eu de scandale.
Ce n’est pas le ministre de la Jeunesse qui choisit Locafrique. Je pense que vous avez raté l’occasion de poser la question au ministre des Finances », a dégagé en touche le ministre. Faible création d’emplois a Sangalkam, le président Macky Sall ne s’est pas prononcé non plus sur les faibles résultats obtenus en matière de création d’emplois par les dac malgré l’importance des financements décaissés.
En lançant les dac en 2014, le chef de l’Etat estimait que ceux-ci allaient créer près de 300.000 emplois en cinq ans. De ce point de vue, c’est un échec total d’après les informations en notre possession. « A propos des emplois générés par le Programme des Domaines agricoles communautaires, d’aucuns notent que, lancé en 2014, le PRODAC, qui s’était engagé à créer 300.000 emplois en 5 ans, n’a généré que 1 % de ce chiffre. Moins de 3000 emplois. 2 DAC fonctionnels sur 5, alors que les potentialités sont énormes pour résoudre le chômage des jeunes de l’intérieur du pays.
Il faut dire que cette affirmation lors du lancement en 2014 est très importante car elle permet de comprendre que le Programme des Domaines agricoles communautaires a démarré ses activités bien avant l’arrivée de l’expertise israélienne dans ce Programme » souligne une source préférant garder l’anonymat. a l’en croire, en effet, « ce n’est qu’en 2015 que le PRODAC a jugé utile d’intégrer dans les Domaines Agricoles communautaires le concept ASTC (Centre de services et de formation agricoles) qui est une propriété exclusive de l’entreprise Green 2000 ».
Notre expert dans les domaines agricoles explique qu’ « en Afrique, des centaines de milliards ont été investis dans divers projets qui, au bout du compte, se sont révélés des gouffres. L’une des causes principales de ces échecs est l’absence de formation pour les paysans. Les équipements les plus modernes ne garantissent pas le succès et la durabilité d’un projet agricole.
Les ASTC installés par Green2000 dans chaque DAC sont des incubateurs qui permettent de former et de fournir des services aux membres des Groupements d’entrepreneurs agricoles actifs dans le DAC. Selon les normes de la FAO, sur chaque hectare peuvent intervenir 4 paysans. Ainsi, sur un DAC de 1000ha, interviennent 4000 paysans.
Les 1000 restent membres et acteurs du DAC, alors que les 3000 autres, qui ont été incubés et formés pendant au moins 18 mois dans le DAC, vont rejoindre les villages avec un projet en main pour exploiter des terres avec des connaissances avérées, et pourront toujours bénéficier des services de l’ASTC » poursuit notre source.
« Le processus de création d’emplois dans les DAC dotés d’ASTC est très clair. 300.000 emplois agricoles en 5 ans, ce n’est pas un rêve. La Côte d’Ivoire a créé 1 million d’emplois agricoles et ça ne surprend personne. L’entreprise israélienne Green2000 a livré il y a tout juste deux mois l’ASTC du DAC de Sefa, à Sedhiou, après plus de 3 ans de patience pour recevoir le financement prévu à cet effet.
Les centres de services et de formation agricoles des DAC de Keur Momar Sarr, Keur Samba Kane et Itato quant à eux attendent d’être finalisés à cause de factures impayées. Le président de la République a raison de féliciter Green2000, qui comme il l’a dit dans son discours à la cérémonie de pose de la première pierre du DAC de Sangalkam, «a maintenu le cap malgré toutes les difficultés rencontrées».
Le DAC de Sefa disposant de son ASTC fonctionnel, il suffit aux responsables du PRODAC de dérouler le schéma générateur d’emplois. Il en sera ainsi avec les autres DAC, à condition que le temps de l’action prenne dès à présent le pas sur celui de la parole » souligne cet expert onusien.
Qui met par ailleurs l’accent sur le bon management qui est tout aussi indispensable pour le succès des dac. « Un bon management, c’est même primordial. Une agriculture moderne exige un management professionnel. Je suis convaincu que celui qui est à l’origine du concept de DAC l’avait très bien compris. J’ai entendu dire qu’il avait placé la qualité des ressources humaines au rang de priorité.
Au DAC de Sefa, qui est opérationnel mais fonctionne en-dessous de son potentiel, les experts israéliens sont présents pour l’encadrement mais sans une équipe locale au fait de l’esprit et de la lettre des DAC, résolument engagée pour la constitution des Groupements d’entrepreneurs agricoles composés de jeunes garçons et filles motivés.
Or, sans la conception et la mise en œuvre d’un système efficace de commercialisation, les nombreuses tonnes de produits de qualité issus des DAC, seraient bazardées si elles ne sont pas purement et simplement perdues » conclut notre interlocuteur.
Par Abdou Karim Diarra