Un gros nuage d’incertitude semble planer sur l’horizon du dialogue politique que le chef de l’Etat, Macky Sall, veut tenir avec l’ensemble des acteurs politiques, y compris ses prédécesseurs à la magistrature suprême. En effet, depuis la sortie du président Sall ayant fait suite à la proclamation des résultats définitifs de la présidentielle, l’appel au dialogue peine à enregistrer des candidats dans le camp de ses adversaires politiques, qu’ils soient ex-candidats à présidentielle ou candidats à la candidature recalés à l’étape de contrôle des parrainages.
Le dialogue «constructif et inclusif» que le chef de l’Etat, Macky Sall, veut tenir serait-il en train de tomber dans une impasse ? On pourrait bien répondre par l’affirmative si on s’en tient aux différentes réactions déjà enregistrées dans le camp de l’opposition, face à cette main tendue du chef de l’Etat. En effet, depuis la sortie du président Sall dans la foulée de la confirmation de sa réélection dès le 1er tour par le Conseil constitutionnel, l’appel au dialogue peine à enregistrer des voix favorables, aussi bien chez ses principaux adversaires lors de la dernière présidentielle qu’au niveau des anciens candidats à la candidature recalés à l’étape du contrôle des parrainages. La plupart des membres de l’opposition qui ont réagi sur cette question ont soit exprimé leur refus catégorique de répondre à cet appel soit posé des conditions préalables. La dernière réaction en date est la sortie du candidat de la coalition Idy2019 qui était entouré de la plupart de ses alliés. S’exprimant avant-hier, mercredi 13 mars, lors d’un point de presse tenu en marge d’une réunion avec les leaders de sa coalition, Idrissa Seck a préféré centrer son intervention sur la contestation de la victoire dès le 1er tour du président Sall, en se gardant de tout commentaire sur l’appel au dialogue.
Idy refuse de «reconnaître» Macky et… son dialogue
Face aux journalistes, le président du parti Rewmi dénonçant la «confiscation de la volonté populaire» par Macky Sall a fait savoir qu’il entendait rester mobilisé avec «responsabilité, fermeté et détermination, pour la prise en charge de ce désir de changement et pour la défense des acquis démocratiques de notre peuple». Sous cette lancée, invitant «les forces politiques et sociales du pays à l’unité pour faire face à la volonté de confiscation de la volonté populaire», il a exigé la libération immédiate et sans condition de l’ancien maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall et de tous ses militants.
«Sonko Président» taxe le dialogue de «non-évènement»
Il faut dire qu’avant l’ancien Premier ministre, arrivé deuxième lors de la présidentielle, c’est l’autre candidat de l’opposition, Ousmane Sonko, classé troisième à l’issue du scrutin présidentiel du 24 février qui avait exprimé en premier son refus catégorique de répondre à la main tendue du président Sall. En effet, interpellé sur cette invitation au dialogue, El Hadji Malick Ndiaye, un des proches collaborateurs du candidat de la coalition Sonko-président avait laissé entendre que «nous sommes passés à autre chose parce que c’est un non-événement et nous ne souhaitons pas réagir».
Issa Sall et Madické Niang posent des préalables
Pour sa part, réagissant à propos de l’appel au dialogue, le Secrétaire permanent du Parti de l’unité et du rassemblement (Pur) avait informé qu’il n’avait aucune difficulté à répondre au dialogue de Macky Sall. Cependant, les compagnons du Pr Issa Sall avaient tout de même tenu à préciser que la participation du Pur serait possible « si et seulement si le dialogue était inclusif et constructif ». Arrivé dernier à l’issue de la présidentielle avec 1,48 % des suffrages, le candidat Madické Niang, quoique se disant favorable à ce dialogue, préférait attendre de connaitre les termes de référence avant de dégager sa position et celle de sa coalition, Madické 2019, après toutefois concertation avec tous les autres candidats.
Le Pds étale ses suspicions
A côté des réactions de ces candidats à la dernière élection présidentielle, il y a aussi celles des autres acteurs politiques membres de l’opposition. Parmi eux, figure en bonne place la position du Pds de Me Wade. Interpellé par nos confrères de Vox Populi, Babacar Gaye, porte-parole du Pds estimant douter de la finalité de cet appel relevait que son parti restait à l’écoute de l’offre de ce dialogue et de la réaction de la classe politique. «Je doute que l’appel au dialogue procède d’une réelle volonté de décrispation. Mais, dans tous les cas, nous attendons l’offre de dialogue du Président et la réaction de la classe politique significative», avait-t-il indiqué.
Tekki parle de … Stratégie de division
Réagissant lui aussi sur cette question, nonobstant sa position de membre de la coalition Idy2019, Mamadou Lamine Diallo, président du mouvement Tekki, n’y est pas allé par quatre chemins. Soulignant que Macky Sall n’a jamais caché sa volonté de réduire l’opposition à sa plus simple expression, le leader de Tekki avait dit voir dans cet appel au dialogue une tentative de division de l’opposition et surtout de l’affaiblir. Sous ce rapport, il a clairement affirmé son intention de ne pas y participer. «Macky Sall a déjà appelé au dialogue, toujours pour diviser et affaiblir l’opposition. Une première fois, c’était pour couvrir le transfert du prisonnier Karim Wade au Qatar. Une deuxième fois, pour imposer le parrainage corrompu destiné à sélectionner les candidats à la présidentielle d’abord et ensuite les maires. Jamais deux sans trois. Cette fois-ci, c’est pour faire avaliser quoi ? Surtout avec l’onction de Diouf et Wade. Plusieurs hypothèses sont sur la table. Pour sûr, ce ne sera pas à l’avantage de la démocratie sénégalaise », a fait savoir l’ancien candidat à la candidature recalé à l’étape des vérifications du parrainage citoyen.
Abdoul MBaye et TAS aux abonnés absents
Toujours dans cette liste des personnalités de l’opposition qui ont déjà annoncé leur intention de boycotter cet énième dialogue appelé par l’actuel chef de l’exécutif, figurent également ses deux anciens proches collaborateurs dans le gouvernement devenus aujourd’hui ses plus virulents opposants. Il s’agit entre autres de l’ancien chef du gouvernement, Abdoul Mbaye, et de l’ancien ministre de l’Energie Thierno Alassane Sall. Réagissant à cette main tendue du président Sall, l’actuel patron de l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (Act) a fait savoir qu’il préférait «rester dans une posture de sentinelle et de lanceur» et «laisser gouverner dans la continuité» son ex-patron. «Nous avons considéré qu’il nous revenait de continuer à jouer le rôle de sentinelle et d’être critique, puisque nous aurons en face de nous une continuité dans la politique qui a été menée jusqu’à présent. Donc, nous allons rester dans l’opposition. Nous n’irons pas au dialogue. Ça, c’est clair. Je crois qu’il faut le laisser gouverner dans la continuité et rester par contre dans une posture de sentinelle et de lanceur», a martelé l’ancien Pm. Abondant dans le même sens, la République des Valeurs dirigée par son ancien collègue dans le gouvernement, Thierno Alassane Sall, a également dit niet. Dans un communiqué rendu public sur cette question du dialogue, la République des valeurs soutient qu’elle est dans «l’opposition et restera dans l’opposition, pour continuer à dénoncer les dérives du pouvoir, d’apporter des propositions pour aller dans le sens des intérêts du peuple sénégalais».
Nando Cabral GOMIS