A Diakhao, populeux quartier de Thiès, rien ne différencie le domicile de Cheikh Al Bécaye aux autres concessions : Sobriété, sans opulence, un toit comme les autres. Ici, les voisins de l’actuel khalife de Ndiassane ont longtemps vécu avec lui sans rien connaître de son futur, devenu si gratiné. Beaucoup l’ont fréquenté, mais n’avait pas imaginé que cet homme simple et effacé qui vivait à l’abri des regards portait un si grand destin, celui d’être à la tête de la Communauté Kountyou.
Chez la famille de Ablaye Kounta, qu’il couvait de ses prières et de son regard attendri, le vieil homme 89 ans devenu khalife par la grâce d’une règle de succession qui fait de l’aîné le Khalife de cette grande famille religieuse de Ndiassane. Les témoignages sont unanimes sur l’homme, et sur les emplois de chauffeur à l’Aps qu’il a occupés, sur sa capacité à vivre avec ses voisins, à aider les voisins. Une trajectoire du destin que seul Dieu peut en apprêter les lignes dissolues. Igfm s’est rendu à Diakhao, quartier de Thiès où les témoignages inédits de sa fille, de ses voisins permettent de mieux cerner le nouveau khalife de Ndiassane. Des révélations sorte de leçon de vie pour tous ceux qui sont attentifs aux signes divins.
Astou Kounta, fille du Khalife : «Mon père était le premier chauffeur de Baye Niass»
«Mon père est quelqu’un de pondéré qui a fait en sorte d’éduquer sa famille dans la religion musulmane. Il ne s’est jamais occupé d’autre chose que de son Coran. Le livre saint est le principal moteur de son existence. Mon père n’a connu que sa mère Astou Fall Bambado puisqu’il est orphelin de père. Mais j’ai l’impression que quand il me regarde, il a un regard attendri sur moi comme s’il voyait sa mère à travers sa fille. Mon père a été marqué dans sa vie par Baye Niass. Puisque même son fils aîné porte le nom de Baye Niass. Mon père a été le premier chauffeur de Baye Niass, qui avait une confiance totale en lui. Même quand ma mère m’envoyait à Kaolack, les talibés Niassènes n’acceptaient pas que je m’asseye par terre. J’étais traitée avec égard et respect. Le fait que mon père et son grand frère aient étudié à Kaolack ont renforcé les liens entre la famille Niassène de Kaolack et Kounta de Ndiassane. Mon père a été surpris par ce titre de khalife de Ndiassane. Le Khalifat ; il ne l’a jamais intégré dans sa vie. Il n’en a jamais fait une obsession.»
Awa Niang déléguée du quartier : «Il fut chauffeur à l’Aps»
«C’est une chance pour tout le quartier d’avoir un homme religieux de sa trempe dans ce quartier. Tant sa foi, son renoncement aux biens matériels est un exemple pour tous ici. Quand il ne me voit pas dans la journée, il demande après moi. Il prie pour tout le monde, les âmes en peine, les personnes en difficulté, les jeunes qui étudient. Il n’avait de problème avec personne. C’est vraiment un être très sociable, disponible pour tout le monde. Il manque déjà terriblement au quartier. Pourtant, il a longtemps travaillé dans l’administration, puisqu’il fut chauffeur à l’Aps (Agence de presse sénégalaise). C’est vraiment quelqu’un de bien. On prie pour que ce lourd fardeau soit léger. Hier quand je l’ai vu à Ndiassane, c’est comme s’il avait rajeuni. On prie pour que Dieu lui accorde longue vie et l’aide à porter la charge de cette communauté Kountyi.»
Tamsir Diouf voisin du Khalife : «Il ne montrait pas qu’il était issu de Ndiassane»
«J’ai 50 ans mais je l’ai trouvé dans ce quartier et il est resté le même. Jamais, il ne s’occupe des affaires d’autrui. Un homme qui a la foi et la patience. Il n’a jamais rien réclamé alors qu’il est issu d’une grande famille religieuse. On ne l’a jamais entendu dans des futilités. J’ai été surpris de savoir que c’est lui qui est devenu khalife. Parce que j’ignorais tout de l’ordre de succession chez les disciples Ndiassane. C’est à la télé que j’ai appris la nouvelle de son accession au khalifat.»
Bara Wade voisin du Khalife : «Il me confiait des tâches à faire…»
«Cheikh Al Bécaye est d’une grande générosité. Très utile pour la communauté de Diakhao. Il aimait me confier des travaux à faire. Et je ne rechignais pas à le faire. Il m’a dit qu’il était chauffeur de Baye Niass qui lui a appris le Coran. Je n’ai pas été surpris qu’il soit le successeur de Mame Bouh Mouhamed Kounta rappelé à Dieu. J’avais dit à mon épouse que Cheikh Al Bécaye allait devenir khalife pour être le plus âgé des petits-fils. Mais personne ne m’avait cru. Effectivement, j’ai eu raison.»
Oumy Guèye épouse du frère du Khalife : «Moy féral dom yi*»
«Cheikh Al Becaye est un produit de Baye Niass. D’ailleurs, c’est en l’accompagnant à Banjul qui l’a pu trouver épouse dans ce pays. Car c’est un des disciples de Baye Niass qui lui a donné la main de Moundaw Cor ou Mariama Cor. Son fils aîné né des fruits de cette union porte le nom de Ibrahima Niass Baye. Un de ses autres fils porte le nom de Mame Bouh Mouhamed le défunt khalife. Parce que Astou Fall Bambado sa mère et Aminata Fall Bambado la mère du défunt khalife ont le même père et la même mère. Cheikh Al Bécaye s’est toujours considéré comme un talibé (disciple), c’est ce qui explique son installation à Thiès. Sa maison à Diakhao est celle de sa mère Astou Fall Bambado. A son domicile, il a toujours le Coran comme compagnon. C’est quelqu’un qui a une vie effacée. Loin du tintamarre. Dans ce quartier, il est réputé prier pour les enfants qui arrêtent de téter. (Moy féral dom yi). Ils prient pour tous ceux qui ont mal.»
Igfm