Des designers sénégalais plaident pour une meilleure valorisation de leur secteur d’activité

Les designers sénégalais Joëlle Le Bussy Fall et Sadiya Guèye, invitées à faire l’état des lieux du design au Sénégal, ont plaidé mercredi à Dakar pour une plus grande valorisation de ce secteur d’activité dont les différentes branches comptent parmi les plus dynamiques des industries culturelles.
« L’accent n’est pas mis sur la valorisation du made in Sénégal », tranche Joëlle Le Bussy Fall, chargée de cours de design à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (UGB) et fondatrice de la galerie ’’Arte’’.
« Il faut que l’on fasse quelque chose sur les métiers d’art, la valorisation et la transmission’’, recommande-t-elle dans son intervention au cours d’un séminaire de recherche sur les politiques culturelles au Sénégal, une rencontre organisée au musée Théodore Monod d’art africain, à l’initiative de la Direction des arts.
Un préalable toutefois, selon Mme Fall : il faut d’abord, avant de parler de design au Sénégal, « construire ses fondations’’, base à partir de laquelle se fera la valorisation de l’artisanat, des beaux-arts et des arts appliqués.
Elle a évoqué, dans la même perspective, la sensibilisation et la formation des jeunes à l’esthétique, regrettant l’absence de structures de formation par lesquelles se transmettrait le savoir-faire acquis de génération en génération.
« Il est en effet urgent que le savoir-faire de nos artisans soit enfin réellement pris en compte par l’Etat ainsi que la redéfinition d’un nouveau langage esthétique », a dit Joëlle Le Bussy Fall.
Si l’on en croit la fondatrice de la galerie ’’Arte’’, « il n’y aura pas de développement du design mis à part une petite niche réservée à une certaine élite’’, tant que ne seront pas prises en compte des préoccupations relatives à la transmission du savoir-faire des artisans sénégalais.
D’autres branches du design méritent aussi meilleur traitement, a-t-elle ajouté, citant des questions relevant de la problématique de la formation et de l’organisation des acteurs du design suivant une vision internationale.
Citant des designers sénégalais en vue dont Ousmane Mbaye (mobilier) et Aïssa Dione (textile), Joëlle Le Bussy Fall déplore le fait que le design sénégalais, « très prisé » à l’extérieur, « ne soit pas identifié comme un secteur économique », surtout depuis que e Salon du design « n’est plus pris en compte par la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar’’, le Dak’art.
Dans le même sens que Joëlle Le Bussy Fall, Sadiya Guèye propose que les représentations diplomatiques du Sénégal offrent une vitrine à la créativité et que la commande publique s’oriente également vers la mode.
« Les rideaux et la décoration peuvent faire l’objet d’une commande publique comme le mobilier national », a souligné Mme Guèye, présidente des couturiers et créateurs associés du Sénégal.
De cette manière, les métiers liés au design seront mieux valorisés, a-t-elle estimé. « Rien n’est fait pour recadrer les choses » dans le domaine de la mode, par exemple, un sous-secteur du design « très saturé », déplore Sadiya Guèye.
Elle a insisté sur « les nombreux problèmes » de la mode sénégalaise, « un secteur très informel », à 99 % et où selon elle règne un laisser-aller. « On parle de mode africaine ou de pagne africain mais les matières ne sont pas africaines, car il n’y a pas d’usine de textile », a fait observer la styliste.
Elle s’est ensuite interrogée : « Le design africain que les gens prennent sans payer de droits, est-ce qu’il ne faudrait pas voir tous ces motifs que l’on dit africains, comment faire pour qu’ils reviennent à l’Afrique ? ».
Parlant de la question de la propriété intellectuelle, la fondatrice du « Complexe Sadiya » à Dakar soutient que « la mode sénégalaise est copiée partout, surtout dans la sous-région ».
Or, conclut la styliste, il est « difficile de créer des choses et de les protéger », étant entendu que « les moyens de protection coûtent chers ».

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