C’est dans la réponse du Gouvernement du Sénégal aux informations complémentaires apportées par Monsieur Karim Meïssa Wade, le 4 janvier 2018, à sa communication n°Z783/2016 que le Ministre de la Justice a explicité le sens de la contrainte par corps et a pris l’engagement devant les Nations Unies que Karim Wade ne sera pas arrêté à son retour au Sénégal.
Le Gouvernement du Sénégal entend naturellement répondre aux observations nouvellement déposées au nom de Monsieur Karim Meïssa Wade. Il s’agit du droit le plus élémentaire du Gouvernement du Sénégal. Avec une audace désarmante. Monsieur Karim Meïssa Wade prétend que le Gouvernement du Sénégal use de manœuvres dilatoires. Or, il y a lieu de constater que Monsieur Wade multiplie les observations devant Votre Comité.
Dans ces conditions, il est naturel et même requis par le principe élémentaire du contradictoire que le Gouvernement du Sénégal, État défendeur, puisse prendre connaissance et répondre aux observations nouvellement présentées par Monsieur Wade. Il en va du respect du principe du contradictoire, tel qu’il découle, du reste, de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. On ne voit pas ce qui autorise Monsieur Wade à considérer que ses paroles et allégations ne puissent souffrir la contradiction.
Sur la grâce accordée à Monsieur Wade et à son régime de liberté
Monsieur Karim Meïssa Wade ne conteste pas la mesure de grâce dont il bénéficie. Il convient de rappeler que la grâce n’est pas un droit. En l’occurrence, elle a été Octroyée à Monsieur Wade par décret présidentiel du 24 juin’2016. En revanche. Monsieur Wade se plaint d’une possible contrainte par corps. L’argument n’est aucunement recevable dans la mesure où il suppose que Monsieur Wade entend se soustraire à la décision de justice le concernant. Pareille argumentation est illégitime et ne peut être admise. Au demeurant, la procédure de contrainte par corps n’a pas de façon générale, pour effet direct, ni indirect d’ailleurs, d’emprisonner Monsieur Karim WADE, qui tente, de manière très maladroite, de personnaliser une question éminemment objective. En effet la contrainte par corps, au cas même où elle devrait être mise en œuvre, ne serait nullement une nouvelle peine d’emprisonnement. Elle n’est en réalité qu’une procédure ayant pour finalité exclusive l’appréhension des biens du débiteur. C’est ce qui justifie les différentes procédures initiées au Sénégal, à Monaco, Paris et Luxembourg et qui tendent à voir ordonner exclusivement la confiscation du patrimoine (colossal) de Monsieur Wade qui s’est enrichi de manière illicite.
La contrainte par corps n’est donc pas une procédure principale mais constitue seulement l’ultime étape d’un processus nécessité par une carence, une insolvabilité du débiteur ou encore une impossibilité absolue à recouvrer les sommes d’argent objet de réparations civiles mises à la charge du condamné. Toute personne définitivement condamnée par une juridiction répressive peut s’y soustraire, notamment en s’acquittant du paiement de sa dette dans les délais requis. Considérer que Monsieur Karim Wade serait dispensé de respecter les règles de l’État du Sénégal ainsi que les décisions de justice rendues par ses juridictions, est inadmissible. Monsieur Karim Wade ne pourrait être dispensé de l’application des règles de droit. Il ne peut se soustraire à l’exécution des décisions de justice. Il y va du principe d’égalité des citoyens devant la loi. Monsieur Karim Wade peut éviter les mesures de contrainte si. à l’instar de n’importe quel autre condamné, il s’acquitte du paiement de sa condamnation dans les délais requis. Monsieur Karim Wade perd de vue que l’exercice de la contrainte par corps n’est aucunement systématique.
Celle-ci est subordonnée dans tous les systèmes de justice au refus ou à l’insolvabilité du débiteur pénal devant être attesté par un procès-verbal de carence dûment dressé par un huissier de Justice. Faire allusion à de simples déclarations d’autorités politiques ou exécutives pour considérer que l’État veut lui appliquer la contrainte par corps, constitue une preuve de mauvaise foi et. en même temps, d’ignorance des règles de procédure d’exécution des décisions de justice, dont l’application est exclusivement réservée aux autorités judiciaires, comme l’a d’ailleurs si bien mentionné le requérant lui-même en faisant appel aux articles 709 et 710 du CPP. Monsieur Wade ferait sans doute mieux fait d’analyser ces différentes déclarations (qui ne manifesteraient que l’intention du Sénégal de recouvrer les fonds alloués à la nation par la procédure de la contrainte par corps) comme un rappel ou une inclination au respect de la décision de justice prononcée contre lui. L’État de droit suppose le respect par tous des règles de droit.
Dans la mesure où Monsieur Karim Wade entend faire des comparaisons avec la France où le régime de la contrainte par corps aurait positivement évolué en contrainte judiciaire dont la durée maximale ne saurait dépasser trois mois, la même logique devrait |e pousser à reconnaître que la grâce est accordée dans les mêmes conditions en France et au Sénégal et produit par ailleurs les mêmes effets. En effet, en France également, la grâce n’efface pas les condamnations inscrites au casier judiciaire. Elle dispense seulement, comme au Sénégal, de l’exécution de la durée de la peine restant à subir.
Il en ressort en définitive que Monsieur Wade a bénéficié d’une grâce et qu’il est actuellement libre. Ce point de fait doit être souligné. Sous peine de violer le principe de l’égalité des citoyens devant la loi. Monsieur Wade ne peut demander devant Votre Comité d’être dispensé de sa condamnation.
Au demeurant, pareille demande ne relève pas des attributions du Comité qui est exclusivement prié par Monsieur Wade de dire si l’article 14, § 5 du Pacte a été violé en l’espèce. Toute autre considération, notamment de nature politique, est irrecevable. Elle vise à éloigner Votre Comité de sa mission en obscurcissant la seule question soumise à votre examen.
Quant au fait que la Cour de répression de l’enrichissement illicite serait une juridiction d’exception, Monsieur Karim Meïssa Wade soutient à nouveau – il ne fait que répéter ses affirmations antérieures – que la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) serait une juridiction d’exception et qu’il est le seul homme politique à avoir été condamné par cette juridiction. Il convient de relever que la CREI comme toute juridiction répressive, examine, indistinctement, conformément à la loi, les cas qui lui sont soumis, sans avoir à tenir compte des qualités des personnes poursuivies devant elle. En effet, l’article 163 bis du Code Pénal sénégalais, issu de la loi n° 81-53 du 10 juillet 1981 et qui est relatif à la répression du délit d’enrichissement illicite, n’exige pas, pour la constitution de ladite infraction, que l’auteur de l’infraction soit ou non un homme politique.
Cet article vise, quelles que soient les fonctions assumées, « les titulaires d’un mandat public, les magistrats, les agents civils ou militaires de l’État, ou d’une collectivité publique, dune personne revêtue d’un mandat public, d’un dépositaire public ou d’un officier public ou ministériel, d’un dirigeant ou d’un agent de toute nature des établissements publics, des sociétés nationales, des sociétés d’économie mixte soumises de plein droit au contrôle de l’État, des personnes morales de droit privé bénéficiant du concours financier de lu puissance publique, des ordres professionnels, des organismes privés chargés de l’exécution d’un semée public, des associations ou des fondations reconnues d ‘utilité publique ».
L’on constate donc au regard des dispositions pertinentes de cette loi que sont justiciables de la CREI les personnes visées ci-dessus, peu importe que celles-ci exercent des activités politiques. C’est pourquoi la République du Sénégal conteste avec force l’affirmation de Monsieur WADE selon laquelle la CREI n’aurait été créée que pour le sanctionner; C’est totalement faux. Cette affirmation est, pour autant que de besoin, contredite par une récente décision de la Commission d’instruction de la CREI rendue à l’égard d’une femme publique et militante de la même formation politique. Il s’agit de l’arrêt de non-lieu prononcé en faveur de Madame Aissatou NDIONGUE dite Aida, joint en annexe. Par ailleurs, ainsi que le Gouvernement l’a souligné dans ses précédentes observations, il convient de ne pas confondre juridiction d’exception et juridiction spécialisée. Premièrement, la CREI est une juridiction établie par la loi (loi n°8l-54 du 10 juillet 1981). Elle n’a pas été créée pour empêcher Monsieur WADE de se présenter à une élection, comme celui-ci le soutient.
Deuxièmement, il n’est aucunement contraire au Pacte international relatif aux droits civils et politiques de confier à certaines juridictions certains types de contentieux. De même, il n’est pas davantage contraire au Pacte que certaines personnes ayant exercé des fonctions ministérielles soient jugées par certaines juridictions (voir, par exemple les règles relatives au jugement des ministres au sein des États membres du Conseil de l’Europe).
Troisièmement, et enfin. Monsieur WADE a pu dans le respect de l’article 14. § 5 du Pacte, « faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi » en l’occurrence en formant un recours devant la Cour suprême.
Pour autant que de besoin, le Gouvernement du Sénégal rappelle que l’objet de la présente procédure devant Votre Comité porte exclusivement sur cette question de savoir si en l’espèce, l’article 14. § 5 du Pacte a été respecté, autrement dit si en s’adressant à la Cour suprême. Monsieur WADE a pu « faire examiner par une juridiction supérieure sa déclaration de culpabilité et sa condamnation ». Quant à une supposée disculpation de Karim Wade par Votre Comité et par la Cour d’appel de Paris, Monsieur Wade multiplie les déclarations fallacieuses.
Il convient de relever à cet égard que dans un communiqué rendu public le 18 mars 2018 et joint en annexe. Monsieur Karim Meïssa Wade estime que tant Votre Comité que la Cour d’appel de Paris l’auraient déchargé de tout soupçon relativement aux faits d’enrichissement illicite pour lesquels il a été condamné par la CREI. De toute évidence. Monsieur Wade essaie d’instrumentaliser les procédures judiciaires qu’il exerce à des fins politiques. De surcroît, ses affirmations sont totalement mensongères. Votre Comité appréciera.
Au besoin, le Gouvernement du Sénégal précise que le Comité des droits de l’homme n’a pas encore statué sur la communication introduite par Monsieur Wade. Celle-ci n’a même pas encore été déclarée recevable. Le Gouvernement du Sénégal persiste à soutenir à cet égard que la communication est irrecevable pour les trois motifs déjà développés dans ses précédentes observations. En toute hypothèse. Votre Comité n’a pas le pouvoir de disculper un individu.
D’autre part, s’agissant de la Cour d’appel de Paris, l’arrêt rendu le 14 mars 2018 rappelle clairement dans sa motivation que l’objet de sa saisine porte exclusivement sur la possibilité ou non d’ordonner sut le territoire français la confiscation des avoirs de Karim Wade saisis dans le cadre de la procédure le concernant. La Cour d’appel de Paris n’a donc aucunement déjugé ce qui a été jugé par les juridictions sénégalaises et est coulé en force de chose jugée. Contrairement à ce que Monsieur Karim Wade soutient, la Cour d’appel de Paris n’a ni remis en cause sa culpabilité, ni les sanctions prononcées à son encontre, lesquelles questions étaient manifestement étrangères à l’objet du litige. La Cour d’appel a simplement jugé être dans l’impossibilité d’ordonner la confiscation des avoirs de Karim Wade en raison de l’absence de la double incrimination du délit d’enrichissement illicite sur les territoires sénégalais et français.
Sur la recevabilité de la communication
De manière on ne peut plus curieuse. Monsieur Wade reproche au gouvernement du Sénégal de maintenir ses exceptions d’irrecevabilité sans soulever d’élément nouveau. A cet égard, le Gouvernement du Sénégal réitère qu’à titre principal, la communication doit être déclarée irrecevable dès lors que la saisine de Votre Comité est intervenue le 31 mai 2016 soit plus de trois ans après l’achèvement de la procédure devant la Cour de justice de la Cedeao, le 22 février 2013 sans qu’aucune explication n’ait été présentée pour justifier un tel délai. C’est le droit de l’auteur de renoncer à répondre à cette exception d’irrecevabilité. C’est le devoir de Votre Comité d’en tirer les conséquences. Il convient partant de rejeter la présente communication dès lors qu’elle est manifestement irrecevable. A supposer, par impossible, que la première exception soit rejetée par Votre Comité, la communication doit également être déclarée irrecevable dès lors qu’elle n’est pas suffisamment étayée.
En effet, force est de constater que l’auteur reste toujours en défaut de dire et de démontrer en quoi l’examen pratiqué par la Cour suprême était prétendument insuffisant et inadéquat au regard des exigences de l’article 14. § 5 du Pacte. Le Gouvernement du Sénégal se réfère notamment aux constatations rendues dans l’affaire Jésus [-/errera Sousa c. Espagne (communication n° 1094/2002) :
«6.1 Avant d’examiner une plainte soumise dam une communication, le Comité des ‘ droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si elle est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
L’auteur affirme qu’il y a eu violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte dans la mesure où les faits pour lesquels il a été condamné en première instance n’ont pas été réexaminés par une juridiction supérieure étant donné que la procédure espagnole de pourvoi en cassation n’est pas une procédure d’appel, n’est ouverte que pour des motifs déterminés et exclut expressément un réexamen des faits.
Il ressort des arrêts du Tribunal suprême et du Tribunal constitutionnel que ces juridictions ont examiné avec soin l’appréciation des preuves à laquelle a procédé le tribunal d’instance et ont conclu que tes déclarations de Ici victime avaient fait l’objet d’une procédure contradictoire dans la phase de jugement et avaient été évaluées de manière raisonnable, et que malgré les incohérences évoquées pour l’auteur la déclaration avait été corroborée par d’autres indices. La plainte au titre du paragraphe 5 de l’article 14 n’étant pas suffisamment étayée aux fins de la recevabilité, le Comité conclut qu’elle est irrecevable en vertu de I article 2 du Protocole facultatif ». Il y a lieu de suivre cette jurisprudence en l’espèce.
Enfin, dans le prolongement de ce qui précède, la communication de Monsieur Wade est encore irrecevable dès lors qu’elle n’est pas compatible avec les dispositions du Pacte. L’auteur se méprend sur la portée de l’article 14, § 5, du Pacte, seul fondement de sa communication.
L’article 14, § 5 consacre le droit de « faire examiner sa déclaration de culpabilité et sa condamnation par une juridiction supérieure ». L’article 14, § 5 ne consacre aucunement un droit d’appel. C’est un autre examen par une juridiction supérieure qui est exigé.
Comme l’a indiqué Votre Comité dans l’affaire Rolando c. Philippines, l’article 14. § 5 n’exige ni « un nouveau procès sur les faits de la cause » ni une « nouvelle audience ». L’examen requis de la juridiction supérieure doit permettre d’évaluer les éléments de preuve et la conduite du procès ayant abouti à la décision de culpabilité et à la condamnation.
Or, tel a été le cas en l’espèce. Par un examen circonstancié et motivé, la Cour suprême s’est attachée à vérifier notamment si les règles du procès équitable ont été respectées, si les éléments de preuve ont été légalement recueillis, s’ils ont légalement fondé la déclaration.de culpabilité et la condamnation prononcée à charge de l’auteur et si plus généralement, la loi entendue au sens large a été correctement appliquée. Pour le surplus, la République du Sénégal se réfère à l’ensemble de ses précédentes observations sur la recevabilité, réputées être ici intégralement reproduites.
Sur le bien-fondé de la communication
Le Gouvernement du Sénégal note que M. Wade ne revendique aucunement un droit d’appel permettant un réexamen de l’affaire sur tous les aspects de fait et de droit (pp. 9 et 12 de ses dernières observations : « M. Wade répond une nouvelle fois que, nulle part dans sa communication, il n’invoque un droit d appel »).
Ce faisant. M. Wade s’incline devant l’argumentation du Gouvernement du Sénégal qui a rappelé qu’un tel droit ne pouvait se déduire de l’article 14, § 5 du Pacte. Il y a lieu d’en prendre acte. Il convient également de prendre acte de ce que Monsieur WADE reconnaît, dans ses observations sur le fond (p. 9), que la seule question qui se pose, est celle de savoir si l’article 14, § 5 du Pacte a été violé. Ceci est parfaitement exact.
C’est cependant à tort que Monsieur Wade croit pouvoir considérer sur la base de l’affirmation du Gouvernement du Sénégal contenue dans ses précédentes observations, selon laquelle « même une procédure en cassation, dont l’examen serait limité aux seuls points de droit, satisfait pleinement ci I exigence selon laquelle un examen ‘ doit pouvoir être effectué par une juridiction supérieure1», que «l’État du Sénégal reconnaît (enfin…J que l’arrêt de ta Cour suprême du 20 août 2015 n ‘est que le fruit d ‘un examen en pur droit et non pas en fait » et que « l’État du Sénégal confirme ainsi que M. WADE n’a pu faire réexaminer sa déclaration de culpabilité et sa condamnation conformément et l ‘article 14. paragraphe 5 du Pacte » (p. 11 de ses observations).
Faisant montre d’une grossière mauvaise foi, Monsieur WADE essaie de tronquer la portée des affirmations du Gouvernement du Sénégal.
Dans ses dernières observations en effet, le Gouvernement du Sénégal a déclaré qu’à la lueur de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. « même une procédure en cassation, dont l’examen serait limité aux seuls points de droit, satisfait pleinement à l’exigence selon laquelle un examen’ doit pouvoir être effectué par une ‘juridiction supérieure’ » (le Gouvernement du Sénégal souligne).
Autrement dit, à supposer même que la Cour suprême ait pratiqué, en l’espèce, un contrôle strictement limité aux seuls points de droit, l’article 14. § 5 du Pacte ne serait pas violé. Cependant, ainsi que l’a longuement rappelé ei souligné le Gouvernement du Sénégal dans ses précédentes observations, la Cour suprême ne s’est pas limitée à un contrôle sommaire de la décision de la CRE1 : «La Cour suprême s est attachée à vérifier notamment si les règles dit procès équitable ont été respectées, si les éléments de preuve ont été légalement recueillis, s’ils ont légalement fondé la déclaration de culpabilité et la condamnation prononcée à charge de l’auteur et si plus généralement la loi entendue au sens large a été correctement appliquée. Force est de constater que l’examen auquel la Cour suprême a procédé en l’espèce, n’était pas un contrôle factice ni purement formel, limité à la censure de l’arbitraire ou du déni de justice».
Tel est le contenu exact des affirmations du Gouvernement du Sénégal dans ses précédentes observations.
Par ailleurs, contrairement à ce qu’allègue Monsieur WADE, se référer à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en ce que celle-ci porte sur l’article 2 du Protocole n°7, est pleinement pertinent.
En effet, l’article 2 du Protocole n=7 à la Convention européenne des droits de l’homme (aux termes duquel « Toute personne déclarée coupable d’une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité à la condamnation ») est parfaitement identique à l’article 14. § 5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (« Toute personne déclarée coupable d’une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi »). Il est partant éclairant de lire la jurisprudence de Votre Comité à la lueur de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
Selon Votre Comité, l’article 14. S 5 du Pacte ne consacre nas un droit d’appel. C’est un autre « examen » par une juridiction supérieure qui est exigé. Comme l’a indiqué Votre Comité dans l’affaire Rolundo c. Philippines, l’article 14. § 5 n’exige ni « un nouveau procès sur tes faits de ta cause» ni une « nouvelle audience ». L’examen requis de la juridiction supérieure doit permettre d’évaluer les éléments de preuve et la conduite du procès ayant abouti à la décision de culpabilité et à la condamnation. Cet examen ne peut se cantonner au contrôle de l’absence du déni de justice ou de l’arbitraire. Mais ce recours peut être un recours de cassation (constatations Jésus Herrera Sousa c. Espagne, précitées, communication n° 1094/2002).
Dans ses précédentes observations, le Gouvernement du Sénégal a non seulement rappelé la jurisprudence de Votre Comité mais aussi la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme qui est particulièrement éclairante, nonobstant les affirmations contraires de M. Wade.
Le Gouvernement a ainsi cité au sein d’une abondante jurisprudence :
– la décision Bastone c. Italie du 21 octobre 2003.
– la décision Kwiatkowska c. Italie du 30 novembre 2000,
– la décision Deperrois c. France du 22 juin 2000,
– la décision Kotoujcmski c. France du 2p septembre 2008,
– la décision Dorado Bctulde c. Espagne du 1er septembre 2015,
– la décision Guala c. France du 18 mars 2003.
Il ressort de toutes ces décisions que « la procédure en cassation doit être considérée comme un examen au sens de Fortifie 2 du Protocole no 7 ».
A fortiori en va-t-il de même en l’espèce dès lors que par un examen circonstancié et aux termes d’un arrêt longuement motivé que l’on ne peut qualifier de « purement formel», la Cour suprême s’est attachée à vérifier notamment si les règles du procès équitable ont été respectées, si les éléments de preuve ont été légalement recueillis, s’ils ont légalement fondé la déclaration de culpabilité et la condamnation prononcée à charge de l’auteur et si, plus généralement, la loi entendue au sens large a été correctement appliquée.
La présente affaire doit, de toute évidence, être distinguée des affaires dans lesquelles un réexamen par une juridiction supérieure est soumis à une autorisation (a contrario Reid c. Jamaïque, communication n°655/l989). Elle doit encore être distinguée des affaires dans lesquelles l’examen pratiqué par la juridiction supérieure n’a fait l’objet d’aucune motivation.
Les références opérées par M. WAD d’une part, à la «Convention africaine des droits de l’homme et des peuples» (sans doute faut-il lire la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples) et, d’autre part, à la Convention américaine relative aux droits de l’homme sont vaines et irrecevables. La première ne contient pas de disposition identique à l’article 14, § 5 du Pacte. La seconde consacre en son article 8.2 h) un «appel», ce que ne consacre pas l’article 14, § 5 du Pacte. Enfin, contrairement à ce que soutient Monsieur Wade (pp. 12 et 13 de ses dernières observations), Votre Comité n’a pas la compétence d’annuler une décision rendue par une juridiction interne. Il est assez curieux que Monsieur Wade affirme le contraire, en prétendant que Votre Comité a déjà annulé des décisions internes. Fallacieuse, cette allégation est toutefois éclairante quant à l’objet réel de la demande de Monsieur Wade qui entend qu’un nouveau procès soit mené devant Votre Comité.
Monsieur Wade se méprend fondamentalement sur les fonctions de Votre Comité. De la même manière que Votre Comité ne s’immisce pas sur le terrain politique, le Comité ne se prononce pas sur la responsabilité pénale des individus, la question relative à la culpabilité relevant de l’appréciation des juridictions internes. Pour le surplus, la République du Sénégal se réfère à l’ensemble de ses précédentes observations sur le fond, réputées être ici intégralement reproduites.
PAR CES MOTIFS,
La République du Sénégal vous prie de :
– lui allouer le bénéfice de ses précédentes observations sur la recevabilité et sur le fond,
– déclarer la communication de M. Karim Wade irrecevable ou, à tout le moins, non fondée,
– rejeter tout autre chef de demande présenté par M. Karim Wade.
Ismaïla Madior FALL
Dakar, le 11 mai 2018
Dakartimes Quotidien