Les habitants de Mbour 4, commune de Thiès, se sont réveillés, le samedi 23 janvier 2021 surpris. Le préfet de Thiès, Moussa Diagne et le patron de la Direction de la surveillance et de la conservation des sols (DSCOS) Papa Saboury Ndiaye, accompagnés d’une forte colonie de gendarmes, ont démoli des centaines de maisons, plongeant leurs occupants dans une tristesse indescriptible.
« On a vu des maisons, construites à coût de millions, tombées en ruines en moins de quatre heures », a déclaré Amadou Dia, vice-président des victimes de Mbour, invité sur iRadio. Contrairement au chef des Opérations qui a fait savoir que 258 sommations ont été servies aux occupants des lieux, Amadou Dia persiste qu’ils n’ont reçu aucune sommation, aucun arrêté et aucune ordonnance venant du juge.
Les dégâts matériels sont inestimables pour le moment même si un montant exact n’a pas encore été dénommé. « Nous sommes en train de faire le décompte. Les dégâts sont lourds, les familles impactées sont nombreuses. Des millions ont été réduits en poussière », a révélé Amadou Dia, révélant dans le même sillage, qu’une dame a perdu son bébé ce jour-là. « Paniquée, elle a accouché avant terme et le bébé est décédé. Je n’avais jamais vu une telle situation auparavant », a-t-il raconté.
« C’est la partie la plus convoitée qui est démolie »
En effet, les victimes pensent que quelque chose se cache derrière cette mobilisation. Elles pensent qu’on veut les déguerpir pour en installer d’autres. « Ils ont démoli les maisons qui sont très proches de l’aéroport. C’est la partie la plus convoitée. Nous pensons qu’il y a des non-dits dans cette affaire. Nous estimons qu’il y a des personnes pontes qui sont derrière cette démolition. Parce que des parcelles peuvent coûter jusqu’à 20 millions de francs CFA », a soutenu le vice-président des victimes. Il interpelle le président de la République en lui demandant de régulariser leur situation comme il l’avait promis en décembre 2017.
Juriste et expert foncier, Rosnert Ludovic Alissoutin relève un problème grave au Sénégal. Selon lui, les gens n’aiment pas dire la vérité et trouver des solutions durables à des problèmes béants.
« Il y a un conflit de logique parce que la coutume sénégalaise veut que les gens occupent des terres parce que les ancêtres étaient là. L’Etat a une autre loi qui veut que personne n’habite sur un terrain s’il n’a pas un papier qui porte, au moins, la signature de l’Etat. Mais cette loi n’est pas totalement appliquée. Donc pourquoi vouloir lever un jour et appliquer la loi », s’est-il interrogé.
Avant d’ajouter : « Il est vrai qu’un lotissement dans une forêt classée est illégal. On ne peut pas habiter dans une forêt tant qu’elle est classée même s’il n’y a pas d’arbres. Mais le chef de l’Etat avait promis de régulariser parce que c’est la seule solution. Je ne vois pas pourquoi se précipiter à casser des maisons dans le but de protéger une forêt. Il fallait passer par un autre chemin. Il faut appliquer la loi mais pas au prix de casser la paix sociale ».
« Il y a des autorités qui ont des maisons pied dans l’eau. Cela est illégal »
Toutefois, l’expert foncier renseigne que devant la loi, les victimes n’auront pas gain de cause puisqu’elles n’ont aucun papier attestant que les terres leurs appartiennent. Ainsi, demande qu’une enquête soit ouverte et que les prémoteurs immobiliers véreux qui ont morcelé les parcelles soient sanctionnés.
« Il faut sanctionner ceux qui ont eu l’audace de faire un lotissement dans la forêt classée. La loi est claire. Pour un lotissement, il faut une autorisation du ministère de l’urbanisme et une délibération de la mairie », plaide-t-il.
Très en verve, il dit ne pas comprendre qu’on laisse des gens vivre au bord de la mer et qu’on veuille déloger plus de 2500 familles de leurs maisons.
« Ici à Dakar, il y a des autorités qui ont des maisons pied dans l’eau. Cela est illégal. Pourquoi on ne casse pas ces maisons-là. Pourquoi on casse les maisons de pauvres gens. On ne peut pas chercher un troisième mandat et humilier les gens. La loi a dit qu’on ne peut pas habiter dans un domaine public de l’état », précise-t-il.