Par Demba Ndiaye
On aurait souhaité que 2018 nous fasse oublier les drames de la défunte 2017, comme le repos éternel de plusieurs de nos guides religieux, des artistes de renommée et, tous ces anonymes victimes de nos routes meurtrieres, de nos fleuves. Même nos daakas ont réclamé leur part. Oui, nous avons souhaité et espérer un Sénégal qui retrouve les chemins de la citoyenneté responsable, de la gouvernance épurée des scories d’une délinquance politique devenue insidieusement une valeur référencée.
Nous souhaitions tellement la paix des couleurs et des esprits, le consensus politique retrouvé autour d’un « dialogue » qui allait en quilles après avoir démarré sur une jambe chancelante. Le président, pour la première fois, commença son adresse à la nation par le Kassa meurtri par une imbécile guerre de plus trente ans. À notre connaissance, la plus vieille guerre aujourd’hui en Afrique !
À chacun ses records. Il proposa pour cela, une « paix sans vainqueurs ni vaincus ». Hasard ou calcul politique, on annonça 48 heures après, la libération de deux combattants du Mfdc, tendance Salif Sadio. Comme une consigne politique malheureuse ou un activisme de rampants prompts à vouloir faire plaisir au chef, plusieurs radios et journaux clamèrent la paix… « Spécialistes » de tous poils de la Casamance nous enfumèrent l’esprit avec leurs sirènes tonitruantes. Et le ciel leur tomba sur la tête et ramenèrent leurs analyses savantes à leur juste place: au bûcher des prétentions.
Ce qui s’est passé ce samedi 6 janvier dans la forêt de Boffa, renvoie à une gestion catastrophique d’un conflit qui s’enlise sans s’épuiser, du fait d’un jeu de dupes qui préfèrent des combines aux démarches directes et claires de négociations. Mais pour cette fois, il faut chercher les raisons de la tuerie de samedi dans la gestion « territoriale », et moins dans une réaction de dépit d’une aile du Mfdc (le front sud de Cesar Atoute Badiate) frustrée par une démarche de médiation qui semble unilatérale. Des sources proches d’Atoute Badiate contactées quelques heures après le drame, balaient cette thèse de la main.
Selon eux, (personne n’est obligé de les croire) la forêt, leur forêt, est sacrée et vitale pour leur région et le Sénégal. Ils le défendraient contre les bandes prédatrices au service de réseaux mafieux qui se nourrissent et s’enrichissent à partir de la coupe et le trafic du bois. Et au passage, ils indexent l’incapacité de l’Etat à sauvegarder et la forêt en faisant respecter les textes et lois adoptés par nos institutions.
Mais, il faut le dire et répéter, la défense de la forêt, de notre environnement ne peut absolument pas justifier le massacre de Boffa. Il ne peut non plus justifier l’appel « à la guerre totale » contre le Mfdc. Cette guerre dure depuis 35 ans maintenant. Si elle pouvait être gagnée militairement, ce serait chose faite depuis longtemps, ce qui aurait évité des décennies de tragédies entrecoupées d’espoirs toujours déçus.
Tout le monde se rappelle encore (ou devrait) les années de braise. De Babonda à Mandina Mancagne, en passant par Diogue et, la disparition des couples Cave et Gagnaire (dans cette même zone), les villages rasés et des puits empoisonnés, du bétail volé aux rizières minées pour des décennies, ce conflit est passé par toutes les étapes dramatiques d’un conflit absurde. Absurde comme cette idée saugrenue de « réunifier » le Mfdc avant d’aller aux négociations !
L’Etat n’a pas à choisir « ses » rebelles, à trier les « bons » et les mauvais, les « radicaux » et les mous. Il doit négocier avec ceux qui veulent négocier ! Que les différentes factions viennent avec leurs propositions et les représentants de l’Etat seront en face d’eux. Le différend entre ce qu’on appelle le « front nord » et le « front sud », date de presque deux décennies. Du vivant de l’abbé Diamacoune qui, même en tant que patriarche reconnu par les uns et les autres, est mort sans avoir pu réunifier son mouvement.
Rappelons quand même l’histoire : les seules négociations (Banjul 1 et 2) ont ont eu lieu de son vivant.
La division a été aggravée par le régime du président Wade lorsqu’il il sous-traita à un moment donné son travail à la Guinée Bissau. C’est suite a cette erreur « militaro-politique » que Salif Sadio rejoignit le nord, la frontière gambienne, et Cesar Badiate, s’installa seul au front sud historique. Ils se connaissent et se haïssent désormais. Comme seuls des anciens frères d’armes peuvent se haïr: Jusqu’à la mort. Seul un miracle (pour ceux qui y croient) pourrait les réunir dans une même délégation. N’en déplaisent aux « médiateurs » qui vivent de cette division fratricide. Avec son sourire espiègle, Diamacoune appelait cette race de profiteurs des « casa-manqués « . Belle et dramatique formule.