«La chance aide parfois, le travail toujours.
Cette citation résume à mon sens les deux échecs subis par le peuple sénégalais durant ces dernières heures, à savoir notre manque de professionnalisme dans notre système de management. En effet, durant ces dernières 96 heures, notre pays a subi deux gros échecs : l’élimination de notre équipe nationale à la Can 2016 et la défaite de M. Abdoulaye Bathily à la présidence de l’Union africaine. Je m’insurge contre les déclarations du ministre des Sports qui qualifie notre défaite au Gabon de manque de chance, et de certaines presses partisanes, qui analysent la défaite de M. Bathily comme étant le résultat de l’ingratitude de certains pays de la sous-région. La suite de mes propos va montrer que pour ces deux événements, nous n’avons pas été rigoureux dans le management.
A – Défaite de l’équipe nationale de football
La défaite de l’équipe nationale a été un choc pour moi et pour beaucoup de Sénégalais. Mais, j’avais noté un certain nombre d’errements. Premièrement, j’avais constaté, lors la publication de la liste des 23 joueurs, un manque de professionnalisme dans la couverture de cet événement. En effet pour une conférence de presse de l’entraîneur, il y avait presque tous les membres de la fédération autour de la table. On avait du mal à entendre l’entraîneur tellement c’était la cacophonie. Cette situation, vous ne la rencontrerez plus dans le football moderne où tous les rôles sont bien distribués. Je regarde le football au niveau mondial et je n’ai jamais vu un Joachim Löw ou Didier Deschamps publier leur liste avec plus de trois personnes autour de la table (lui et le chargé de la communication). Le principal enseignement que j’en avais tiré, c’est qu’on est toujours dans l’amateurisme. Nous sommes toujours à l’ère du pilotage à vue.
Le deuxième fait qui est plus ahurissant, est la prolongation du contrat de Aliou Cissé en pleine compétition de la Can. C’est unique dans les annales du football. Maintenant, les contrats des coachs sont prolongés à la veille des compétitions afin qu’ils puissent se concentrer uniquement sur leurs objectifs. Mais nous, nous sommes à part.
Le troisième fait qui m’a plus choqué concerne les réactions après notre élimination. Certains acteurs du football disent qu’on n’a pas démérité, tandis que le ministre évoque le facteur chance. Pourtant, nous avons été éliminés par un pays qui a failli être battu par la Guinée Bissau (1ère participation) et qui n’a marqué que deux buts. Un échec pour rappel est le fait de ne pas atteindre ses objectifs. Dès lors, la responsabilité fédérale (au premier chef le président qui, comme à son habitude, réagit toujours pour garder son fauteuil et ses privilèges) et celle du staff technique sont engagées. Au total cette défaite de l’équipe nationale n’est pas un manque de chance, mais un ensemble de décisions mal prises qui ont abouti à cette humiliation.
B – Défaite de Abdoulaye Bathily
C’est la défaite la plus humiliante, car celle de l’équipe nationale de football, c’est devant 8 nations, alors que celle là c’est devant 54 nations. Cette candidature fut un échec de la diplomatie sénégalaise, comme l’a rappelé l’analyste Babacar Justin Ndiaye. Et elle fut handicapée par un ensemble de facteurs à mon avis.
a) – Son parcours diplomatique : Bathily n’a jamais été diplomate et manquait terriblement de stature pour ce job. Il n’a jamais été à la tête d’un grand ministère qui lui aurait permis de voyager et de rencontrer les grands dirigeants africains. Dès lors, il ne pouvait que s’appuyer sur le leadership du président Macky Sall.
b) – Son succès mitigé dans les Grands Lacs : Ses missions dans cette zone n’ont pas été franchement d’une réussite totale. Les exactions supposées commises par les autorités burundaises et l’impasse constitutionnelle en Rdc en sont les preuves palpantes.
c) – La diplomatie hésitante du Sénégal : Face aux foyers de tensions au Mali et en Gambie, j’ai noté une diplomatie hésitante que certains qualifient de prudence. Au Mali, certains diplomates ont soulevé le retard enregistré dans l’arrivée de nos troupes et, en Gambie, la décision de fermeté prise par les autorités nigérianes nous ont poussé à revoir notre position hésitante dans cette crise. Nous sommes entrés tardivement au Mali et avons hésité sur l’option à prendre contre Yahya Jammeh.
d) – Relations fortes avec la France : Beaucoup d’observateurs ont remarqué que le Sénégal s’est beaucoup rapproché de la France sous l’ère Macky Sall. On parle de la renaissance de l’axe France – Afrique. Ce nouvel axe de notre diplomatie a été un facteur bloquant pour l’élection de M. Bathily. D’ailleurs, dans le quotidien Le Soleil du mercredi 01/02/17, le président tchadien Idriss Deby parle de revoir en profondeur les accords monétaires avec Paris, en quelque sorte la survie du FCfa devrait être posée. Rappelons que M. Macky Sall, lors de sa visite officielle en France, défendait les bienfaits du FCfa, donc divergence de vue avec certains chefs d’Etat de la zone monétaire. Aussi les pays anglophones sont-ils hésitants, voire même réticents à mettre à la tête de l’Union africaine un candidat qui peut être à la solde des Français. Parce que le Président de la Commission de l’Ua représente la diplomatie de l’Afrique dans le reste du monde.
De tout ce qui précède et pour nous éviter cette humiliation, est-ce qu’il ne fallait pas retirer la candidature du Sénégal ? Je ne parlerai pas des sommes astronomiques dépensées pour promouvoir cette candidature qui était vouée à l’échec, car M. Abdoulaye Bathily est sorti dès le 3ème tour de scrutin. Mais nos autorités ont manqué d’humilité, et je les renvoie à cette citation : «L’humilité épargne les affres de l’humiliation».
En définitive les deux échecs subis par le Sénégal ces dernières 96 heures étaient évitables, si les autorités avaient fait preuve de pragmatisme et une bonne analyse des situations. Mais, comme d’habitude, nous privilégions toujours des approches simplistes comme d’évoquer toujours le facteur chance en cas de défaite.
Cheikh Mbacké FALL