La demande de Ousmane Sonko à débattre avec Aminata Touré reste toujours d’actualité. Même si actuellement les deux concernés n’en parlent plus, la presse en fait ses choux gras. Dans les débats à la télévision comme à la radio voire la presse en ligne et les quotidiens d’informations, l’affaire demeure à la Une. Dans un entretien accordé au journal Sud Quotidien, le Professeur Maurice Soudiék Dione donne son point de vue.
Une demande compréhensible mais des beaucoup de problèmes à y déceler.
A la question de savoir : Quelle lecture faites-vous de la demande de Sonko à débattre avec Mimi et la réponse de cette dernière qui a posé ses conditions?
Le professeur de répondre : Les débats programmatiques sont essentiels en démocratie. Cela permet de sublimer la violence qu’elle soit physique et/ou verbale, en lui substituant une confrontation d’idées. Dans cette perspective, la demande d’Ousmane Sonko de débattre avec Madame Aminata Touré est tout à fait compréhensible. Mais, il y a plusieurs problèmes à ce niveau. D’abord, au plan strictement juridique, la composante des titulaires de la liste Yewwi Askan Wi a été invalidée, donc les investis sur ce registre ne sont plus candidats. Il convient cependant de réaffirmer, à toutes fins utiles, le caractère illégal et illogique d’une telle décision, en raison du principe de l’unicité de la liste électorale. Ensuite, on ne peut pas comprendre qu’il puisse y avoir des suppléants sans titulaires, tout comme on ne saurait comprendre que le Conseil constitutionnel investisse de fait des suppléants pour en faire des titulaires, en se substituant à la coalition, alors qu’il n’a pas ce pouvoir. Mais, quoi qu’il en soit cette décision est devenue définitive. Dès lors, pour qu’un débat puisse être organisé entre deux protagonistes dans une campagne électorale, il faut qu’ils soient tous les deux des candidats légalement reconnus. Je crois que Madame Aminata Touré aurait pu opposer une fin de non-recevoir sur la base de ce motif.
Ousmane Sonko a des ambitions présidentielles et tel n’est pas le cas pour Aminata Touré
A votre avis pourquoi, elle ne l’a pas fait ? Relance le journaliste
Pr Maurice Soudieck Dione de répondre :
Cela risquerait de relancer le débat sur les décisions très controversées du Conseil constitutionnel alors que la période du dépôt et de la recevabilité juridique des listes est dépassée. Il y a également un autre problème politique. C’est qu’Ousmane Sonko a des ambitions présidentielles clairement affichées et défendues, ce qui n’est pas le cas de Madame Aminata Touré, tête de liste de la coalition Benno Bokk Yaakaar, certes ; mais la question de la candidature en 2024 au sein de cette coalition est encore une question taboue à laquelle le principal concerné a répondu de manière équivoque «ni oui, ni non», alors même que l’article 27 de la Constitution qui l’exclut du jeu est clair comme de l’eau de roche : «Nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs». Le Président Sall a eu un premier mandat de 2012 à 2019 et il exerce un second et dernier mandat depuis 2019 et qui se termine en 2024 ; et les deux mandats sont consécutifs, c’està-dire qu’ils entretiennent un rapport de succession immédiate. Le pronom impersonnel utilisé dans la rédaction de l’article est valable pour tout le monde. Donc, Madame Aminata Touré pourrait commettre une faute politique si elle acceptait en perspective des élections législatives prochaines de participer à un débat avec un leader de l’opposition qui se positionne pour la Présidentielle de 2024, alors que le Président Sall peut envisager de briguer une troisième candidature en violation de la Constitution.
Les arguments que donne Madame Aminata Touré ne semblent pas pertinents.
A vous entendre parler, on a l’impression que vous n’êtes pas convaincu par les conditions de Mme Touré?
Les arguments que donne Madame Aminata Touré ne semblent pas pertinents. Sur l’argument de la violence, il y a que c’est la violence d’État qui suscite une violence contre l’État. Il y a que le fait de renvoyer à Ousmane Sonko la crise casamançaise et les insinuations de rébellion ramènent à des considérations relatives au communautarisme d’exclusion, ce qui doit être absolument banni par tous les acteurs, de quel que bord politique qu’ils peuvent se situer, pouvoir comme opposition. Enfin, poser comme condition qu’Ousmane Sonko tranche lui-même un contentieux judiciaire dans lequel il est impliqué, n’est pas judicieux, puisque ce dernier ne peut pas être juge et partie. C’est dire que la réalisation des conditions qu’elle exige est impossible ; et dès lors cette forme de communication peut être interprétée comme un rejet du débat.
argument le Professeur agrégé en Science politique à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis.