« De ce que j’en sais, le Président ne protège et ne protégera personne » Aminata TOURE (Mimi)

Ces derniers jours, elle a passé le plus clair de son temps hors du pays à diriger des missions d’observation au Kenya, au Libéria ou à participer à des foras avec d’anciens Présidents des Etats-Unis. Mais à chaque fois qu’elle se pose, elle parle avec passion des affaires domestiques du Sénégal. Retrouvailles Wade-Macky, le perchoir qui lui est passé entre les mains, l’autorité du Président Macky… Mimi peut parfois être désagréable, mais elle dit ses vérités à elle.

 

Je sais que je serai lourdement condamné», Khalifa dément ces propos qui lui sont attribuésSélectionné pour vous :
« Je sais que je serai lourdement condamné», Khalifa dément ces propos qui lui sont attribués

Cheikh Bass Abdou Khadre, le Porte-parole de la communauté mouride, a appelé à des retrouvailles Wade-Macky, qu’en pensez-vous ? Est-ce que ce serait une très bonne chose ?

Je pense que dans une civilisation aussi avancée que celle du Sénégal, il faut qu’il y ait des rapports civilisés entre les acteurs politiques. A fortiori entre des hommes qui ont occupé des positions suprêmes, comme Présidents de la République, je pense que c’est le sens de l’appel du porte-parole du Khalife. Civilité, c’est ce qui est recommandé dans tous les rapports humains. De ce point de vue, je pense qu’il nous faut réviser nos curricula scolaires et qu’il y ait une éducation à la civilité dès la garderie d’enfants. Quelles que soient nos divergences, que l’on puisse quand même dépasser les problèmes, que la courtoisie soit toujours là, même si on est d’opinions différentes. Et je pense que le Président Macky Sall, de ce point de vue-là, n’a pas de difficultés.

Est-ce qu’il n’y a pas de faucons qui s’activent en coulisses pour que ces retrouvailles n’aient pas lieu ?

Je ne sais pas ce que vous entendez par retrouvailles. Ce que j’ai compris du message du Khalife, c’est la nécessité de rapports civilisés entre deux Présidents. Qu’il fallait cultiver ces rapports civilisés, il fallait aussi les cultiver au sein de l’ensemble de la classe politique, que l’on soit de l’opposition ou du pouvoir. Et la meilleure manière de le faire, c’est d’avoir des discussions ou des débats contradictoires sur les problèmes qui intéressent les Sénégalais. Aujourd’hui, l’opposition devrait pouvoir nous dire si elle est en divergence sur la politique économique du gouvernement, quelles sont les alternatives qu’elle met sur la table ? Est-ce qu’ils sont pour ou contre la Cmu ? S’ils sont contre, qu’est-ce qu’ils proposent à la place ? Je crois que c’est ça fondamentalement qui doit être au cœur des activités des acteurs ?

Dans l’affaire Khalifa Sall, certains accusent le Procureur d’acharnement contre le maire de Dakar, est-ce que le terme est approprié ?

Je fais un commentaire minimum sur les dossiers de justice en cours. C’est ça aussi un principe républicain. Je considère que les magistrats sénégalais font leur travail, je considère aussi que les avocats qui défendent leurs clients, savent faire leur travail et il faut laisser la justice suivre son cours. En rappelant quand même qu’il ne s’agit pas d’un procès politique. Il s’agit d’une affaire de détournement de deniers publics. Je crois que je l’ai toujours dit, il est important également que les politiques, la majorité présidentielle comme l’opposition, sachent qu’ils sont redevables de la manipulation des deniers publics. Il ne faudrait pas que le débat de procédure fasse oublier qu’au départ, on a parlé de 1 milliard 800 millions FCfa.

Depuis quelque temps, on parle de lever son immunité parlementaire pour être jugé, alors qu’il n’a pas été installé comme député ; est-ce qu’il n’y a pas paradoxe ?

Je considère qu’il y a des juges et il y a des avocats de la défense. Je pense que c’est entre eux que ces questions doivent être réglées. Si les avocats de la défense estiment que les intérêts de leur client n’ont pas été respectés, qu’ils saisissent les juges et que les juges tranchent selon leur âme et conscience. Il ne faudrait pas que la forme tue le fond dans ce dossier, pour avoir été ministre de la Justice, je tiens à faire ce rappel. Maintenant, il faudrait que le procès soit libre et équitable. Et puis, le Procureur est dans son rôle, il défend le ministère public.

Le procureur a été un de vos collaborateurs et on l’accuse de s’acharner contre Khalifa Sall en le maintenant en prison, estimez-vous qu’il s’acharne contre le maire de Dakar ?

J’ai travaillé avec l’ensemble du système judiciaire comme Garde des Sceaux, quasiment les 500 et quelques magistrats, il est l’un d’entre eux, tout ce que je sais de lui, c’est que c’est un bon magistrat. Lorsqu’il travaillait avec moi comme conseiller technique et ceci étant dit, je ne vois pas pourquoi il aurait un intérêt particulier à s’acharner contre Massamba ou Mademba. Il fait son travail de procureur, tout comme les avocats font leur travail d’avocat et en face, il y a des juges qui, sur la base de l’instruction du dossier, prennent leurs décisions.

Au même moment, madame, on accuse le Président d’avoir mis le coude sur des dossiers comme celui du Coud, de la Poste, du Port…est-ce qu’il n’y a pas traitement inéquitable ?

Sur cette question, je reste sur ce que je vous ai toujours dit. C’est que d’abord, et le Président l’a souvent dit, «personne n’est protégé», il faut que l’ensemble des dossiers qui sont dans le circuit judiciaire soient traités de la même manière. Franchement, je pense qu’aujourd’hui, la justice du Sénégal a atteint un tel niveau de sophistication qu’elle n’est plus sous influence. C’est une vue de l’esprit de penser que des juges sénégalais, on peut leur dicter une quelconque conduite. Et je pense encore une fois que la reddition des comptes doit être au cœur de la gouvernance des pays en voie de développement, je crois que c’est important. On ne doit pas dire : pourquoi on poursuit untel et pas les autres. Ce qu’on doit dire, c’est qu’on doit poursuivre l’ensemble des manipulations frauduleuses.

C’est clair pour vous, le Président ne protège personne ?

De ce que j’en sais, le Président ne protège et ne protégera personne. Il l’a clairement dit et je le soutiens à 100% dans sa démarche. Sinon avec quoi on va travailler ? Si à chaque fois que vous confiez une gestion à quelqu’un, l’argent est dilapidé, avec quoi on va travailler… ?

Sur un plan plus personnel, on dit de vous que les élections législatives vous sont restées en travers de la gorge parce que vous étiez destinée au perchoir ?

(Sourire) En politique, j’ai un engagement de départ. Evidemment, il y a des moments où vos objectifs ne sont pas atteints, c’est mineur. Et ce que je dis, je l’adresse aussi à mes camarades de l’Alliance pour la République (Apr) : nous avons dépassé la phase des élections législatives, avec son lot de frustrations. Parce que chacun estime qu’il méritait d’être à telle position ou à telle autre. Mais c’est terminé, c’est derrière nous, nous avons une Assemblée installée etc., il faut se remobiliser pour soutenir l’action de la Majorité présidentielle. L’important est que le bilan soit porté à la connaissance de nos concitoyens. Il y a des difficultés, mais le bilan est largement positif.

Quelques agitateurs de la chronique locale ont d’ailleurs estimé que le Président vous aurait trahie, est-ce le cas ?

Le terme est exagéré, vous savez en politique, il y a beaucoup de fantasmes. Beaucoup d’interprétations. Cette page est tournée. C’est ça qu’il faut retenir. Dans ma relation avec le Président, ce mot n’a pas sa place. Je ne le vois pas comme ça. L’engagement, il vient aussi avec son lot de désagréments, mais le plus important, c’est la trajectoire. Je fais la politique quand même depuis que je suis jeune. La vie est faite de hauts et de bas. En politique notamment, il faut le comprendre, mais ce qui est important, c’est la trajectoire. Une vision où il faut réduire les inégalités, apporter le progrès aux populations…

Disons que vos ambitions politiques ne passent pas avant le Sénégal…

On ne fait pas la politique pour laisser passer les trains. C’est ce qu’on appelait nous à l’époque, les questions essentielles, et les questions secondaires. Par exemple la question des jeunes, comment il faut aujourd’hui accompagner les politiques du Président de la République pour que les jeunes, qui représentent la majorité de la population, puissent avoir l’espoir et être confiants en l’avenir. Le programme de création d’emplois, programme d’emplois d’urgence, maintenant les questions politiques, elles ne doivent pas dominer les questions du pays. Si ça continue, les populations vont tourner le dos aux politiques.

Est-ce qu’on ne peut pas reprocher parfois au Président Macky Sall de manquer de poigne, quand on voit les sorties musclées de certains de ses collaborateurs, qui démissionnent avec fracas parfois ; est-ce que ce n’est pas son autorité qui est remise en cause ?

Ceux qui connaissent le Président savent que c’est un homme d’autorité. On l’appelle en wolof, par un terme qui m’étonne (Niangal*, Ndlr), le Président de la République sait exercer son imperium, c’est également un homme très ouvert, qui comprend les comportements humains. De ce point de vue-là, il a une capacité exceptionnelle. Maintenant, il y a des moments comme ça, comme les élections législatives, où il y a de la surchauffe. Parfois l’émotion peut dominer, mais il a de la hauteur pour comprendre cela. Ces gens qui ont ces réactions sont d’anciens amis du Président, qui étaient avec lui à des moments extrêmement délicats. C’est pourquoi j’appelle à ce qu’on tourne la page des Législatives et qu’on défende le bilan, qui est exceptionnel. Et ce n’est pas dans l’intérêt de l’opposition que nous parlions du bilan.

Madame, vous n’êtes plus majoritaires, parce que l’opposition réunie a plus de voix que vous, est-ce que ce n’est pas une menace pour le régime Macky en prévision de la Présidentielle ?

Laissez-moi vous dire que les élections législatives et l’élection présidentielle, ce sont deux élections différentes, parce qu’on juge le bilan d’un individu. Je pense que cela n’a absolument rien à voir. Comme un référendum n’a rien à voir avec une élection législative. Là également, il faut faire la différence. Je reste convaincue qu’aujourd’hui, le Président a toutes les cartes pour passer haut la main au 1er tour.

Thierno Alassane Sall a procédé dernièrement au lancement de son mouvement : La République des valeurs, il en a profité pour taillader la gestion de Macky Sall : quelle appréciation faites-vous de la sortie de Tas ?

Je ne fais pas de commentaire particulier, Thierno était un camarade de l’Apr avec qui j’entretenais de très bons rapports. Il a choisi sa voie à lui, on est en démocratie, on prend acte, c’est tout. Depuis 2012, pour qui est objectif, il faut reconnaitre qu’on a fait des avancées significatives, des progrès restent encore à faire, je ne suis pas une technicienne du perfectionnisme. Ce sont des entreprises humaines, il y a des mécanismes qui sont en place, il faut les améliorer… quand Macky Sall ne sera plus là, ces mécanismes vont continuer.

Ca vous fait quoi, Idy qui drague Thierno Alassane Sall ?

Je n’ai pas entendu Monsieur Idrissa Seck parler de valeurs, parce qu’en matière de manipulation de fonds publics, il n’a pas de leçons à donner. En tout cas, il peut courtiser qui il veut, mais il s’est abstenu très sagement de ne pas parler de valeurs dans ce cas-là. Parce qu’il y en a qui ne sont pas bien placés pour évoquer certains sujets.

Aéroport International Blaise Diagne (Aibd), en fin de compte, c’est le bilan de Wade ou de Macky, selon vous ?

C’est le bilan des deux. Parce que c’est comme ça qu’il faut le prendre. Le développement, il est cumulatif. Le Président quand il fera ses deux mandats, il fera de belles réalisations, d’autres viendront… C’est comme les cathédrales en Europe, elles ont été construites sur plusieurs siècles. Et je ne suis pas là pour enterrer les réalisations des Présidents précédents.

Du népotisme a été constaté au Port, où des femmes de ministres, des parents ont été recrutés, est-ce que cela ne fait pas mal, surtout qu’on parlait de gestion sobre et vertueuse ?

Vous pensez que le Président de la République est impliqué dans la gestion de toutes les entreprises ? Je pense que le nouveau directeur général est en train de revoir ça, il y aurait même des remous. Personnellement, je n’ai ni frère ni sœur, encore moins mari qui travaille au Port. Je ne connais pas le dossier, j’ai regardé à la télé, mais le nouveau Dg est en train de revoir tout ça. Mais de manière générale, il faut préserver ces outils, qui sont importants pour le développement et qu’à chaque niveau, ministère comme direction, la bonne gouvernance soit une réalité. Et que lorsqu’on recrute les gens, qu’ils aient des compétences. Ceci étant dit, ce n’est pas parce que vous êtes femme de ministre que vous ne devez pas travailler non plus…, mais si la seule raison valable pour qu’on vous embauche c’est que vous êtes la femme de…, c’est là que ça devient grave.

Vous avez dirigé des missions d’observation au Kenya, au Libéria, présidé des forums sur des questions de développement aux Etats-Unis avec de grandes sommités, l’international, c’est une robe qui vous va bien ?

Ce qu’il faut aussi comprendre, c’est que j’étais quand même avant 2012 dans ce circuit, en tant fonctionnaire des Nations Unies. Mais c’est aussi l’occasion de partager l’expérience du Sénégal. Donc je suis un peu Vrp pour le pays où je présente les programmes que le Président initie au Sénégal. Lorsque je dirige des missions d’observation au Kenya, au Libéria, je partage beaucoup l’expérience sénégalaise. Puisque c’est une démocratie qui est hautement reconnue. Le Sénégal, pour sa stabilité, sa capacité à changer de régime dans la paix, cela aussi renforce la crédibilité de notre pays. Nous avons également à apprendre de certains pays, notamment avec le bulletin unique, ce sont des éléments de technicité. Je pense que c’est l’image de notre pays qui est rehaussée. Il en est de même pour des questions plus pratiques sur des forums, qu’il s’agisse du droit des femmes ou de la bonne gouvernance. Je disais toujours aux Occidentaux que le centre de lutte pour les droits des femmes avait quitté les pays occidentaux pour se déplacer vers l’Afrique et que le Sénégal était également un exemple mondialement reconnu, parce que nous avons un taux de représentation des femmes dans les institutions beaucoup plus élevé que dans certains pays avancés.

IGFM (L’OBS)

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