Lors du dernier conseil des ministres, le chef de l’Etat, Macky Sall, a insisté sur l’amélioration du fonctionnement des structures sanitaires et l’accès des populations à des soins de qualité. Il a ainsi demandé au ministre de la Santé et de l’Action sociale, Awa Marie Coll Seck, d’accélérer la mise en place des services d’accueil et d’urgence (Sau) dans les établissements publics de santé.
Une mesure qui favoriserait, peut-être, un meilleur accueil des patients et de leurs accompagnants dans les structures sanitaires du pays. Un reporter de seneweb a été témoin de la mésaventure d’une fillette de 9 ans à l’hôpital Aristide Le Dantec.
Sur une natte étalée à même le sol, une fillette de 9 ans, couchée, attire l’attention de plus d’un. Elle se trouve au milieu de plusieurs malades et d’accompagnants, attendant leur tour. Ces derniers ont fini d’élire domicile dans un couloir qui fait face à la porte d’entrée des Urgences de l’hôpital Aristide Le Dantec. Deux dames procèdent à l’appel des malades. Le visage ravagé, les cheveux défaits, les yeux rouges, la fillette se tord de douleur. Sa jambe droite est enflée et jaunâtre de pus. Elle traîne une tumeur, apprend-on. Elle a visiblement mal. Un mal qu’elle essaie d’étouffer. Mais elle est trahie par des larmes qui perlent sur ses joues.
Cancéreuse, transportée de Ziguinchor à Dakar à bord d’un car de transport en commun
A côté d’elle, un jeune homme, la trentaine (son oncle), essaie de la consoler. Une dame (sa tante) lui tient le pied, le massant avec finesse, histoire d’adoucir la douleur qui la tenaille. «C’est la seule solution qu’on peut adopter pour lui permettre de s’endormir. Elle a fait beaucoup de nuits blanches parce qu’elle a constamment mal. Malgré la gravité de son cas, elle dit à toute personne qui se présente à elle : “ne pleure pas, sinon je n’aurai pas la force. Je ne veux pas vous voir pleurer”. Elle est brave, très brave, mais sa maladie s’aggrave et l’affaiblit de jour en jour», confie à Seneweb son oncle Papis, incapable de retenir ses larmes.
Ibou, un autre oncle de la patiente, explique que la fillette, son oncle Papis, et sa mère sont arrivés de Ziguinchor. Ils ont emprunté la route à bord d’un car de transport en commun avec toutes les tracasseries que nous connaissons et les rigueurs du trajet. “A leur arrivée à la maison, lorsque j’ai vu Ndèye (prénom de la fillette) portée par Papis qui l’amenait dans la chambre, j’ai versé de chaudes larmes, tellement cet enfant a souffert. Elle a dépéri. Elle a perdu son beau sourire, son charme», soutient Ibou.
A l’hôpital, tous les autres patients, sensibles à son cas, en ont même oublié leur maladie, tellement le sort de la petite Ndèye, ravagée par la maladie, a préoccupé toute personne qui pose les yeux sur elle.
Renvoyée sans consultation
09 h 30. Les deux dames préposées à la tâche, procèdent à l’appel. Les accompagnants aident les malades appelés à se déplacer. Tous reviennent avec une feuille à la main puis vident les lieux. Ndèye prend toujours son mal en patience. Vers 10 heures passées, le nom de Ndèye est appelé. La fillette ne pouvant pas se déplacer, c’est son oncle qui va à la pêche aux informations et qui revient avec un bout de papier. “Elle doit revenir dans un mois pour se faire consulter. Nous sommes venus pour voir un médecin, mais la secrétaire nous dit qu’il faut un rendez-vous et ce rendez-vous est fixé dans un mois», déplore l’oncle de la fille, dépité.
Les autres malades et leurs accompagnants s’emportent. «Ce n’est pas normal. Comment peuvent-ils fixer un rendez-vous à cette fillette dans un mois, sans qu’un spécialiste ne prenne la peine de la consulter pour s’assurer de la gravité de son cas ? C’est grave ce qui se passe dans ce pays !», soutiennent en choeur les témoins.
La fillette amputée de la jambe
Face à une telle situation, Ibou reste zen et cherche une solution alternative. Il appelle un de ses amis infirmiers qui accourt. Face à l’enfant, l’infirmier reste bouche-bée, pendant un moment. Il se rend ensuite auprès de ses collègues, pour les sensibiliser. Ces derniers campent sur leur position, intransigeants : «Elle n’est pas la seule dans ce cas. Elle n’a qu’à revenir à la date indiquée». L’infirmier revient, tête basse.
Ibou n’abdique pas. Il sait que sa nièce souffre terriblement. Il n’a pas le droit de s’emporter, même s’il s’étrangle intérieurement de rage. Il étouffe sa colère. Situation oblige. Il lui faut chercher des solutions pour faire soigner la jeune Ndèye. Il appelle une de ses connaissances, médecin, et lui explique la situation, en des termes assez convaincants. Ce dernier, qui n’est pas dans cet hôpital, mais sensible au cas de la fillette, appelle un de ses camarades de promotion, l’invitant à aller s’enquérir de la situation de l’enfant. Quelques minutes plus tard, le toubib arrive. Il lui a fallu quelques secondes, en bon spécialiste, pour savoir que Ndèye est rongée par la douleur et qu’il faut une intervention urgente. Sans attendre, il demande à Papis de porter l’enfant et de le suivre. L’oncle ne se le fait pas répéter. Ils empruntent un long couloir de 10 mètres avant d’arriver dans le bureau d’un médecin, professeur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Plusieurs patients attendent leur tour pour se faire consulter. Le médecin s’approche du professeur, lui murmure quelque chose à l’oreille et deux minutes plus tard, l’enfant est étalé sur un lit. Séance tenante, le professeur prend sa décision : la jambe de la fille doit être amputée, le plus rapidement possible. Direction, le bloc opératoire. Ndèye perd ainsi une jambe, mais a la vie sauve. Une vie qu’elle aurait perdu si son oncle n’était pas tenace et si le rendez-vous d’un mois qui lui était fixé était respecté.