Depuis presque trois mois, les pharmacies sont confrontées à ce qui pourrait bien être une pénurie de médicaments antiépileptiques, notamment le produit de la marque « Gardenal » qui se trouve être le phénobarbital le plus vendu et le plus prescrit aux patients. Face à cette situation, pharmaciens et médecins-urgentistes sont confrontés à une avalanche de cas d’épilepsie chez de nombreux malades en phase de décompensation (manque). « Le Témoin » a enquêté…
A Dakar, comme sans doute ailleurs au Sénégal, les officines pharmaceutiques ainsi que les hôpitaux et autres centres de santé publique sont confrontés à une pénurie de médicaments antiépileptiques. Si la situation est alarmante, c’est parce que l’antiépileptique commercialisé sous le nom de « Gardenal » est introuvable. Sans doute, faute de concurrent ! Toujours est-il que dans certaines structures hospitalières comme l’hôpital psychiatrique de Mbao, Youssou Mbargane de Rufisque, le centre hospitalier universitaire de Fann, etc., on enregistre une augmentation inhabituelle de patients en crise d’épilepsie.
Dr Alioune Badara Pouye, médecin-urgentiste à l’hôpital Youssou Mbargane de Rufisque, s’alarme en ces termes : «Depuis quelques mois, nous n’avons pas de Phénobarbital, un médicament considéré comme étant le plus prescrit contre les crises d’épilepsie. Nombreux sont les patients en état de mal épileptique, c’est-à-dire qui souffrent d’une série de crises d’épilepsie puisqu’ils n’ont pas pris leur traitement quotidien », confirme ce praticien.
Une longue rupture
Tout en expliquant qu’il existe deux ou trois médicaments de substitution, il estime que leur qualité et leur efficacité contre tous types d’épilepsies laissent à désirer. « Vous savez, 80 % des patients prennent le Gardenal 100 mg ou 50 mg bien que je ne voulais pas citer le nom de ce médicament pour ne pas faire de publicité, mais force est de constater que ce phénobarbital est le médicament le plus efficace et le moins cher puisque la boite de 30 comprimés coûte 900 francs seulement. Il s’y ajoute que tout médicament de substitution ne peut pas s’adapter à l’organisme chronique du patient, surtout lorsque celui-ci prend Gardenal depuis 10, 20 ans voire davantage », explique Dr Pouye en invitant les responsables de la santé publique à résoudre rapidement l’équation de cette longue rupture.
« Pas plus tard qu’hier (Ndlr, dimanche), j’ai fait évacuer un malade à l’hôpital de Fann parce qu’il avait piqué une crise d’épilepsie prolongée pour arrêt brutal du traitement », se désole l’urgentiste. Des médicaments de substitution au Gardenal, Mme T., pharmacienne, dit en disposer mais regrette le fait que ces produits ne calment pas tous les types d’épilepsie contrairement à Gardenal. Mais le plus grave, selon elle, c’est que « même Artane, un autre médicament équivalent à Gardenal, est en rupture totale. » Le Dr Assane Ka, pharmacien à Thiaroye-Gare, confirme que la rupture en matière de phénobarbital est totale dans tout le département de Pikine. « C’est regrettable de le dire, mais depuis trois mois, il n’y en a plus ! Pour de nombreux patients, je ne cherche même pas à leur trouver un médicament de substitution. Tout ce que je peux leur conseiller, c’est de retourner voir leur médecin-prescripteur pour leur faire savoir que phénobarbital ou Gardenal est en rupture », dit-il avant de déplorer la situation.
Cherté des médicaments de substitution
Au Sénégal, on constate que peu de médicaments antiépileptiques sont commercialisés, certains anciens, d’autres plus récents. Cela permet aux médecins-traitants et médecins-psychiatres de pouvoir choisir celui ou ceux qui sont le plus adaptés aux particularités de chaque patient épileptique. En effet, nous renseigne-t-on, certaines substances sont utilisées pour traiter les épilepsies partielles, alors que d’autres conviennent mieux aux épilepsies généralisées.
De plus, certains antiépileptiques peuvent aggraver certains types d’épilepsies. « D’ailleurs, c’est ce qui explique que phénobarbital ou Gardenal est plus prescrit du fait qu’il traite pratiquement tous les types d’épilepsies », ajoute Dr Alioune Badara Pouye. Seulement, notre spécialiste a dû oublier de préciser que certains patients confrontés à une rupture de phénobarbital ne peuvent en aucun cas continuer leur traitement avec de nouveaux médicaments sans ordonnance ou avis de leur médecin. « Parce que la plupart des médicaments de substitution ou équivalents coûtent trop cher. Mieux, ils ne sont pas vendus sans ordonnance pour éviter qu’ils soient utilisés de manière détournée comme drogue », précise Mme T, docteur-pharmacienne ayant son officine dans les quartiers Sicap. Une chose est sûre, le temps que dure cette rupture, la santé publique est en crise d’épilepsie généralisée !