L’ancien président de la Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo demandera lundi devant la justice internationale à être acquitté de tous crimes contre l’humanité et libéré de prison, après avoir passé sept ans en détention.
Premier ex-chef d’État remis à la Cour pénale internationale (CPI), M. Gbagbo est jugé pour des crimes contre l’humanité présumés commis pendant la crise post-électorale de 2010-2011, qui a fait des milliers de morts en Côte d’Ivoire.
Après plus de deux ans de procès, la défense estime que le procureur de la CPI n’a pas été en mesure de prouver les accusations. Elle demande « un non-lieu total », un « jugement d’acquittement pour toutes les charges et pour tous les modes de responsabilité », ainsi que la « libération immédiate » de M. Gbagbo.
Quatre chefs d’inculpation
Les demandes sont similaires dans le camp de la défense de Charles Blé Goudé, ex-chef du mouvement des Jeunes patriotes fidèles à l’ancien président. M. Blé Goudé aurait été à la tête d’hommes ayant tué et violé des centaines de personnes dans le but de maintenir le président Gbagbo à la tête du pays.
Les deux hommes, dont les affaires ont été jointes en 2015 devant la CPI, sont accusés de quatre chefs de crimes contre l’humanité : meurtres, viols, persécutions et autres actes inhumains. Tous deux ont plaidé non coupable.
Les violences en Côte d’Ivoire ont fait plus de 3 000 morts en cinq mois, entre décembre 2010 et avril 2011, durant une crise née du refus de Laurent Gbagbo de céder le pouvoir à son rival Alassane Ouattara, reconnu vainqueur de la présidentielle.
Éléments « insuffisants »
Cette crise, émaillée d’exactions perpétrées par les deux camps, a paralysé pendant plusieurs mois le pays, premier producteur mondial de cacao et moteur économique de l’Afrique de l’Ouest.
L’ancien président ivoirien s’est accroché au pouvoir « par tous les moyens » et a fomenté une campagne de violences pour tenter de le conserver, a martelé l’accusation depuis le début du procès, en janvier 2016.
Malgré l’appel à 82 témoins, la présentation de milliers de documents et des centaines d’heures de vidéos, les éléments de l’accusation sont « insuffisants » pour prouver les charges « au-delà de tout doute raisonnable », rétorque la défense.
Dans les traces de Simone
S’il venait à être libéré, Laurent Gbagbo marcherait dans les traces de Simone Gbagbo, l’ancienne « Dame de fer » de Côte d’Ivoire, libérée en août après sept ans de détention. Elle a bénéficié d’une amnistie du président Ouattara, alors qu’elle purgeait une peine de vingt ans de prison dans son pays pour « atteinte à la sûreté de l’État » prononcée en 2015.
« Nous sommes sereins et confiants que le président Laurent Gbagbo sera acquitté, libéré et pourra regagner son pays », a déclaré Justin Koua, président de la jeunesse d’une coalition qui regroupe des partis politiques, des associations de la société civile et une partie du Front populaire ivoirien (FPI, fondé par M. Gbagbo). « M. Gbagbo subit une injustice », a-t-il ajouté auprès de l’AFP.
Dernière ligne droite
Un mouvement créé par Charles Blé Goudé organisera lundi la retransmission en direct de l’audience sur un écran géant dans un quartier populaire d’Abidjan, fief de l’ancien président et des Jeunes patriotes de M. Blé Goudé.
Plusieurs personnalités de l’opposition ivoirienne sont attendues à cet événement pour assister, espèrent-elles, à « la dernière ligne droite vers l’acquittement » des « leaders ».
Le gouvernement ivoirien voit quant à lui une « tactique d’audience » dans cette demande de non-lieu « extravagante ». « L’ancien chef de l’État ivoirien se prépare à demander un non-lieu avant même que le procès soit achevé et que les témoins de la défense aient été entendus. C’est un coup de bluff qui n’abusera personne », ont fustigé dans un communiqué les avocats qui représentent la Côte d’Ivoire.
Jeune Afrique