Plus de 98 % des réceptifs hôteliers fermés et trois-quarts du personnel en chômage technique. La pandémie de la Covid-19 a mis le secteur touristique Ko. Une situation qui pourrait conduire à une perte de plus de 110 milliards de francs Cfa sur le chiffre d’affaires.
A la date du 16 avril 2020, le coronavirus a tué plus de 135 000 personnes dans le monde. Et il continue à faire des ravages, avec des morts qui se comptent par dizaines de milliers par jour. Mais, au décompte final de cette randonnée mondiale macabre, le bilan ne serait pas qu’humain. En effet, l’activité économique est aussi très «infectée» et le taux de létalité est à redouter. Au Sénégal, le secteur «névralgique et stratégique» du tourisme et de l’hôtellerie est «fortement» touché par la pandémie.
Une contribution de plus de 6 % au Pib
Au pays de la Téranga, le tourisme est identifié comme moteur de croissance dans le Plan Sénégal émergent (Pse). C’est un secteur «très important» pour l’économie du pays dont la contribution à la formation du produit intérieur brut (Pib) est estimée à hauteur de 6,8 %. L’hôtellerie, quant à elle, apporte une part importante à l’économie nationale, en matière de recettes fiscales.
Mais, aujourd’hui, avec la propagation de la Covid-19, ce secteur est à terre. Contacté par Seneweb, Ismaïla Dione, Directeur de la Réglementation touristique, structure chargée de répertorier tous les réceptifs hôteliers du Sénégal, a souligné que la majeure partie des hôtels a cessé les activités. Ils ont fermé leurs portes depuis le début de la pandémie. Sauf ceux qui avaient des touristes avant la fermeture de l’aéroport international Blaise Diagne (Aibd).
Selon lui, c’est «l’arrêt total» des activités dans le secteur hôtelier, avec cette crise sanitaire qui n’a pas encore fini de secouer le monde. Et la région de Dakar est la plus affectée, car elle dispose du parc d’hôtels le plus important du pays, notamment dans le tourisme d’affaires.
Plus de 110 milliards de F Cfa de pertes envisagés sur le chiffre d’affaires
D’après M. Dione, les prévisions de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd) avancent des pertes sur le chiffre d’affaires de l’ordre de 56 milliards 82 millions de francs Cfa sur le service de l’hébergement et 56 milliards 284 millions de francs Cfa sur le service de restauration, si la pandémie de Covid-19 dure trois mois seulement. Ce qui fera un total de plus de 110 milliards de francs Cfa.
Abondant dans le même sens, le président du Patronat ouest-africain du tourisme et de l’hôtellerie, Mamadou Racine Sy, ne cache pas son inquiétude. «Aujourd’hui, on peut dire que l’un des secteurs les plus touchés par la Covid-19, c’est véritablement l’hôtellerie et le tourisme, et tout ce qui va avec. Les effets induits sont terribles. Il ne faut pas se voiler la face ; la situation est véritablement sérieuse. Il ne faut pas la négliger», a-t-il lancé sur le plateau de la Rts.
Mamadou Racine Sy croit savoir même que l’année 2020 est déjà perdue. «Chez nous, l’activité est saisonnière. Et je ne pense pas que le secteur du tourisme puisse reprendre ses activités avant l’année prochaine, parce que la saison touristique se prépare un an à l’avance».
De l’avis du patron du King Fahd Palace, le tourisme et l’hôtellerie est un secteur «transversal qui joue un rôle très important dans la formation du Pib et dans l’équilibre de la balance des paiements» du Sénégal.
100 milliards pour accompagner les secteurs les plus touchés
Face à cette crise économique qui a fini d’envoyer les 3/4 du personnel de ces réceptifs hôteliers en chômage technique, les acteurs du secteur, qui ont prévu de remettre un mémorandum au président de la République, sollicitent de l’État des «mesures d’accompagnement pour les soulager sur les plans fiscal, financier et social, et préserver leur outil de travail ainsi que les emplois».
Cette sollicitation a eu un écho favorable. En effet, le chef de l’État, Macky Sall, lors de son message à la nation du 3 avril dernier, a annoncé qu’une enveloppe de 100 milliards de francs Cfa sera «spécifiquement dédiée à l’appui direct des secteurs de l’économie les plus durement touchés par la crise, notamment les transports, l’hôtellerie, mais également l’agriculture».
De même, en rapport avec le secteur financier, il a fait savoir que l’État mettra en place «un mécanisme de financement à hauteur de 200 milliards, accessible aux entreprises affectées, selon une procédure allégée».
«Ces mesures permettront de sauvegarder un peu les emplois»
Et selon le directeur de la Réglementation touristique, les mesures d’accompagnement que l’État a prises en faveur du secteur sont des «mesures salutaires qui sont vraiment à la hauteur des menaces», même si elles ne peuvent pas être évaluées jusqu’ici pour savoir l’impact réel.
Pour lui, cette enveloppe, qui sera dégagée dans le fonds de riposte dénommé Force Covid-19, permettra de sauvegarder «un peu» les emplois et éviter ainsi une «crise sociale». Parce que, soutient-il, «en dehors des ressources financières allouées au secteur, les mesures sociales (eau et électricité) prises également par le chef de l’État auront aussi un impact positif sur la vie des acteurs en tant que pères ou soutiens de famille».
Mais pour Mamadou Racine Sy, outre ces «mesures très fortes et salutaires, il faut véritablement envisager des mesures de soutien sur le court et moyen terme». Car, selon lui, «plus de 90 % des réceptifs hôteliers du pays ont subi un arrêt total de leurs activités».
Ainsi, pour ne pas se laisser surprendre par l’après Covid-19, les hôteliers du Sénégal sont en train de travailler sur un plan de relance du secteur qui sera d’ailleurs soumis, dans les prochaines semaines, à l’État. Il s’agit ici, explique Ismaïla Dione, de collecter les données du secteur privé touristique pour savoir exactement comment les réceptifs hôteliers ont été affectés par la pandémie de Covid-19 et formuler des recommandations pour un «meilleur» accompagnement.
«Les 98 % des hôtels au Sénégal sont fermés»
La crise économique qui secoue l’hôtellerie et le tourisme à cause du coronavirus inquiète également les syndicalistes du secteur. Président de la Fédération nationale des offices du tourisme et syndicats d’initiatives du Sénégal (Fosits), Issa Barro a soutenu que «tous les secteurs» de l’économie sont touchés, mais dans celui de l’hôtellerie, c’est «l’effondrement complet». Parce que, souligne-t-il, «du jour au lendemain, tout a été arrêté. Les réservations annulées en pleine saison».
Selon le syndicaliste, depuis le 15 mars dernier, «les 98 % des hôtels au Sénégal sont fermés». Et même s’il n’y a pas encore eu de licenciement, la majeure partie du personnel est en chômage technique, pour le moment. A l’en croire, la situation est encore «plus dramatique dans les pôles touristiques à l’intérieur du pays, notamment en milieu rural, du fait que la majeure partie des réceptifs ne fonctionnent qu’aux recettes».
En attendant la réaction du ministre du Tourisme guettée avec «beaucoup d’intérêt» par rapport à la mise en œuvre de ces mesures d’accompagnement au profit du secteur, Issa Barro souhaite qu’elles soient «adaptées à la réalité et au fonctionnement» des hôtels. Pour lui, il n’est pas question que cet accompagnement financier soit sous forme de prêt, car «il sera difficile, pour une entreprise, de s’endetter encore pour pouvoir garder son personnel».
Le constat a été fait également par la Société d’aménagement et de promotion des côtes et zones touristiques du Sénégal (Sapco). Laquelle est chargée de gérer les hôtels qui sont dans les stations touristiques de Saly (Mbour) et du Cap Skirring (Ziguinchor).
En effet, selon son directeur général Abdoulaye Sow, tous les réceptifs hôteliers du pays sont fermés à cause de la pandémie de Covid-19.