C’est un interrogatoire de plus de 2h d’horloge que la Commission vérité, réconciliation et réparation (Trrc) a dirigé ce jeudi 10 décembre 2020. Ce long interrogatoire avait pour but d’amener un ancien garde du corps de Dawda Jawara à livrer sa version des faits sur le coup d’État du 22 juillet 1994 qui avait vu le renversement l’ancien président du Parti progressiste du peuple (PPP).
Alagie Gaye, face à l’avocat principal, a juré la main sur le Coran, de ne dire que la vérité dans ‘le film’ des événements qui ont abouti au coup d’Etat orchestré par le prédécesseur de Adama Barow.
Dans sa version des faits, en passant par les différentes étapes qui ont précédé le coup d’Etat que Yahya Jammeh orchestrait, l’ancien garde du corps de Dawda Jawara expliquant la suite des événements après l’entrée en jeu des putschistes au sein du palais présidentiel dirigé par l’officier, Yahya Jammeh, en bon soldat, a décidé de poursuivre quoi qu’il puisse lui coûter, à défendre la résidence (State house) et ceux qu’il est chargé de protéger.
Le soldat, racontant les heures de torture et son acheminement à Tanger par les gens de NIA de Yahya Jammeh, donnera des noms qui ont été les plus remarqués en cette période où les manœuvres de coup d’État étaient en cours. « Je suis torturé, malmené et maltraité par ces compagnons de l’ancien président Yayah Jammeh qui voulaient me faire parler. Ils m’ont torturé pendant 5 jours d’affilée par les mêmes personnes sauf le 4e jour où j’ai remarqué une différence. En effet, Ousmane Bodian m’a dit qu’il y a un ou des proches de Yayah Jammeh qui viendront m’accompagner à Tanger, là où il est prévu de me torturer », raconte l’ancien garde rapproché de Dawda Jawara.
C’est en ce moment que Alagie Gaye s’est dit profondément convaincu que l’ancien président gambien Yayah Jammeh, connaît sa situation et que je suis entre les mains de ses collaborateurs. Il affirme également devant le conseil que « Yayah Jammeh avait bien intérêt d’avoir réellement des informations sur lui pour bien mener son coup d’État. »
Interrogé sur le déroulement des événements, Alagie Gaye ira jusqu’à citer des hommes politiques sénégalais qui seraient impliqués dans cette tentative de coup d’État. Alagie Gaye de raconter : » Quand un jour je suis allé au Mali, il y’a un homme qui s’appelait Dialy Mankhan Cissokho qui m’a dit : ‘ Kukoï Samba Sagna (auteur du coup d’État manqué contre Daouda Diawara en Gambie en 1981) est venu ici au Mali. C’est en ce moment que Yayah Jammeh a envoyé des gens dans le but de tuer Kukoï Samba Sagna chez Babading Cissokho. D’ailleurs, Babading a même confirmé mon interlocuteur ». Relancé sur les gens qui auraient été mandatés pour exécuter Kukoï Samba Sagna, le garde rapproché ajoute : « Il y a une photo sur laquelle je n’ai pas pu bien les identifier. Mais ce qui est à signaler est que Babading a même refusé que ce souhait de Yayah Jammeh soit accompli chez lui ».
Par contre, devant les enquêteurs de la commission vérité, réconciliation et réparation, il serait normal de clarifier la question suivante : « Si Yayah Jammeh voulait tuer Kukoï chez Babading, est ce qu’il serait pertinent de le dire à ce dernier? »
L’interrogé va cependant évoquer quelques noms d’hommes politiques sénégalais. À quelles fins? La commission vérité qui demande pourquoi évoquer les noms de l’ancien président Abdoulaye Wade, Farba Senghor… L’ancien garde rapproché de Dawda Jawara révèle : » Abdoulaye Wade aurait remis à Farba Senghor un montant de 100 .000.000 de francs CFA payé à Kukoï Samba Sagna. Mais c’est une somme de 10.000.000 de francs CFA seulement qui aurait été remis à Kukoï pour faire tomber le gouvernement de Yayah Jammeh. Kukoï aurait par la suite refusé de participer à cette opération ».
Ainsi, « au même moment où Yayah Jammeh agit pour tuer Kukoï, l’ancien président Abdoulaye Wade manœuvrait également pour la chute du natif de Kanilai », a expliqué l’interrogé, Alagie Gaye.
Ce dernier enfin estime, après tout ce qu’il a subi à cause de son patriotisme, « que l’abolition de la torture soit effective en Gambie ». Il est l’heure pour l’Afrique de se tourner vers l’unité…