Bruxelles a autorisé mercredi certains pays de l’espace Schengen à prolonger le contrôle à leurs frontières, face à l’afflux de migrants. Mais une telle mesure contrevient à l’esprit même de l’UE qui promeut la libre circulation des personnes.
Bruxelles a proposé mercredi 25 janvier de prolonger les contrôles aux frontières de cinq pays de l’espace Schengen : l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, la Suède et la Norvège. Ces contrôles sont encadrés, précise la Commission européenne, et portent sur des lieux précis : pour l’Autriche, par exemple, ils concernent les frontières terrestres avec la Hongrie et la Slovénie. Et pour l’Allemagne, il s’agit de la frontière terrestre avec l’Autriche.
Juridiquement, cette mesure n’a rien d’illégal. L’article 2 de la Convention Schengen autorise à la remise en place des frontières nationales d’un de ses États-membres, durant une période limitée, quand celui-ci fait face à une situation exceptionnelle.
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Et situation exceptionnelle il y a, puisque depuis un an et demi, les pays de l’espace Schengen souffrent de l’afflux de centaines de milliers de migrants en provenance du Moyen-Orient et d’Afrique. Le hic est que Bruxelles ne cesse d’accorder des dérogations. En mai 2016, la Commission européenne avait déjà accordé une prolongation exceptionnelle de contrôles aux frontières, au-delà de la durée normalement autorisée. Puis en novembre 2016, elle avait donné son accord à une nouvelle dérogation qui expire à la mi-février. Cette autorisation du 25 janvier est donc une troisième exception…
Ces dérogations « ne se prolongeront pas pour toujours »
Selon les textes, il est en principe impossible de rétablir de manière définitive les contrôles aux frontières intérieures. Mais en accordant cette énième dérogation, la Commission ne remet-elle pas en question l’esprit Schengen qui promet — et promeut — la libre circulation des biens et des personnes à l’intérieur de sa zone ? Pour le moment, on tente de rassurer. Le commissaire en charge des Migrations, Dimitris Avramopoulos, a affirmé que ces dérogations « ne pourront pas se prolonger pour toujours ».
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Reste que la Commission a délivré mercredi un tout autre message en affirmant qu’il pourrait y avoir une révision du « cadre juridique » de la Convention Schengen afin de tenir compte des « nouveaux problèmes de sécurité apparus ces dernières années ».
Certains élus au Parlement européen, à l’instar de Tanja Fajon, eurodéputée social-démocrate slovène, regrettent déjà cette perspective : « D’un côté, la Commission parle d’un retour complet de l’espace Schengen, l’une des plus grandes réussites de l’Union européenne, et de l’autre elle agit complètement différemment », a-t-elle déclaré.
« Renégocier » les accords
De nombreuses personnalités politiques de l’UE ont déjà, de leur côté, enterré Schengen. Les europhobes des partis d’extrême droite notamment, comme Marine le Pen en France, ou encore Geert Wilders, le chef de file du Parti pour la liberté néerlandais, n’ont jamais caché leur ressentiment face à l’idée d’une Europe sans frontières. Mais pas seulement. François Fillon, le candidat des Républicains à la présidentielle française, a promis de « renégocier » les accords de Schengen s’il est élu à la tête du pays.
Plus d’un million de réfugiés, fuyant en majorité le conflit syrien, sont arrivés en Europe en 2015. Si leur nombre paraît faible rapporté à la population européenne, 500 millions d’habitants, leur arrivée a provoqué des désaccords entre les États incapables de s’entendre sur leurs conditions d’accueil.
Ce n’est pas la première fois que l’espace Schengen rétablit ses contrôles aux frontières intérieures. Ce fut par exemple le cas en Allemagne lors de la Coupe du monde de football en 2006, en France après les attentats du GIA en 1995, ou encore après les attaques contre le World Trade Center en 2001.
Avec AFP