Le Sénégal est le premier pays en Afrique en termes de contribution de l’Internet au Produit intérieur brut (PIB), selon la présidence de la République. Est-ce exact ?
«En Afrique, le Sénégal est classé premier pays africain pour le poids d’Internet dans l’économie (I-PIB) estimé à 3,3%, du fait notamment d’une très bonne connectivité internationale et d’un bon réseau national de transmission», souligne la présidence de la République, dans un articleconsacré à la place des télécommunications au Sénégal.
«Les projections réalisées sur ce volet prévoient également une augmentation du PIB par effet d’entrainement des autres secteurs clés par le numérique de l’ordre de 300 milliards de F CFA», mentionne l’article la présidence.
Le Sénégal est-il le leader africain en matière de contribution de l’Internet au PIB ? Nous avons vérifié.
La source du taux de 3,3% ?
Selon le site web de la présidence de la République, ce classement émane du Forum économique mondial (FEM). Cette organisation a produit en 2016 un rapport sur les technologies de l’information et de la communication (TIC). Dans une rubrique intitulée « Network Readiness Index », les pays sont classés en fonction de l’apport des TIC dans la compétitivité de leurs économies.
Pour plus de précisions, Africa Check a contacté la cellule de communication de la présidence de la République du Sénégal. Le chargé des relations médias, Ousmane Bâ, nous a mis en rapport avec son collègue Ousmane Thiongane.
Joint par téléphone, ce dernier a promis de répondre à notre courriel dès réception, ceci depuis le vendredi 25 août 2017. Mais il n’a pas réagi malgré les multiples relances par téléphone et par courriel. Nous actualiserons notre article dès qu’il réagira.
Le Sénégal est-t-il premier en Afrique ?
A travers son rapport mondial 2016 sur les TIC, le Forum économique mondial (FEM) a examiné l’environnement économique de 139 pays sur la base de dix indicateurs dont les infrastructures digitales.
Celui-ci a une rubrique appelée Network Readiness index où l’impact économique des TIC sur l’environnement des affaires dans les pays est noté de 1 à 7.
Le classement est dirigé par la Finlande. Le premier pays africain, le Kenya, arrive à 54e place.
Toutefois, précise le Forum économique mondial, «le pilier des impacts économiques mesure l’effet de l’internet et des télécommunications sur la compétitivité grâce à la génération d’innovations technologiques et non technologiques sous forme de brevets, de nouveaux produits ou de processus ou de pratiques organisationnelles ».
«En outre, il mesure également le changement global d’une économie vers des activités plus intensives sous l’effet des TIC», ajoute-t-il.
Quel est le poids des TIC dans le PIB du Sénégal ?
La Direction de la prévision et des études économiques (DPEE), dans son rapport intitulé «Situation économique et financière en 2016 et perspectives en 2017», renseigne que le sous-secteur des postes et télécommunications est projeté à 6,5% en 2017 contre 5% en 2016.
«La téléphonie mobile et l’internet continueront de porter le développement du sous-secteur à travers l’innovation continue dans le domaine, dans un contexte d’exploitation de la 4G dont une licence a été vendue au cours de l’année 2016 au premier opérateur de téléphonie ».
D’après la DPEE, les postes et télécommunications ont contribué à hauteur de 632,1 milliards de francs au Produit intérieur brut (PIB), soit plus de 10%.
Pour avoir conduit une étude intitulée «l’impact des télécommunications dans l’économie sénégalaise» en 2014, le Professeur Raoul Karz, directeur de recherches en Business Strategy à la Columbia Business School de New York a conclu que «les télécommunications apportent environ 10,8 % » au PIB.
Quelles données sur TIC et PIB dans le monde?
Africa Check a consulté les données de l’Union internationale des télécommunications (UIT). Cette organisation publie plusieurs rapports sur l’accès des populations aux services internet. Mais ceux-ci ne font pas mention de la contribution des TIC au PIB des pays membres.
Par contre, tous les deux ans, l’Organisation de coopération et de développement économiques(OCDE) produit un rapport «Digital economy outlook». Mais seule la part des TIC sur les PIB des Etats membres y figure.
D’ailleurs, ces données sur les pays membres de l’OCDE sont les seuls disponibles dans le «Rapport sur le développement dans le monde 2016 : les dividendes du numérique», produit par la Banque mondiale.
Néanmoins, l’institution financière y indique que la part des TIC dans le PIB dépasse 5% dans les pays en développement, en 2014.
L’expert en réseaux informatiques et président de l’Association sénégalaise des utilisateurs des TIC, Ndiaga Guèye, a confié à Africa Check, que «la source en matière de part du TIC dans le PIB d’un pays est le ministère de l’Economie et des Finances et accessoirement la Banque mondiale ou le FMI».
«Chaque année, l’Agence nationale des statistiques et de la démographie et la Direction des prévisions et des études économiques produisent des rapports sur la situation économique, sociale ou financière du pays », a expliqué M. Guèye.
«Pour le moment, selon lui, on n’ en connait pas au niveau international mais la part des TIC dans le PIB ne cesse d’augmenter».
Conclusion : l’information n’est pas prouvée
Le site web de la présidence indique que le Sénégal est le premier pays africain en matière de contribution de l’Internet au PIB avec 3,3%.
Le rapport 2016 du Forum économique mondial (FEM) sur les technologies de l’information et de la communication ne renseigne pas sur la contribution de l’internet et des TIC au PIB du Sénégal. L’indicateur du FEM va de 1 à 7 points, alors que la contribution d’un secteur économique au PIB d’un pays est exprimée par pourcentage.
En Afrique, le Sénégal est devancé par le Kenya, l’Afrique du Sud et l’Egypte. Par conséquent, le rang qui lui est attribué est incorrect. A part les pays de l’OCDE, il n’existe pas encore un classement international sur la part des TIC dans le PIB des pays. Selon les données disponibles, le Sénégal est classé 4e en Afrique et 63e mondial sur 139 pays.
En conséquence, l’information de la présidence de la République n’est pas prouvée.
Auteur: africacheck.org – Webnews