L’affaire de vente illicite d’armes d’un montant de 45 milliards F CFA est au-devant de l’actualité sénégalaise. Malgré la sortie du gouvernement pour apporter sa part de vérité des faits, les réactions se succèdent. La dernière est celle du coordonnateur de la plateforme Avenir Sénégal Bi Nu Begg, Docteur Cheikh Tidiane Dièye. Selon lui, à travers un communiqué reçu, ce jeudi 27 octobre, le président Macky Sall doit «démettre les anciens ministres Abdoulaye Diallo et Abdou Karim Sall de toutes leurs fonctions, par mesure conservatoire, en attendant qu’une enquête soit diligentée sur l’affaire du marché de gré à gré du ministère de l’Environnement pour l’achat d’armes de guerre». Voici l’intégralité de son texte !
La presse nationale et internationale a révélé un scandale de corruption présumée d’une gravité insondable. Le journal «Le Monde», en France, «Libération», «Les Échos» et Impact.sn au Sénégal ont cité le nom de Monsieur Abdoulaye Daouda Diallo et Monsieur Abdou Karim Sall, tous deux anciens Ministres de la République du Sénégal, dans l’attribution d’un marché de près de 45 milliards de CFA pour l’achat d’armes en faveur du ministère de l’Environnement du Sénégal.
Face au tollé général suscité par cette sombre et dangereuse affaire, le Gouvernement est sorti de sa réserve pour enfoncer des portes ouvertes et confirmer tout ce qui lui est reproché. Non seulement il confirme que le marché de gré à gré à bien eu lieu, même s’il se trompe sur le montant, mais il ne dit rien sur la qualité du sulfureux bénéficiaire de ce marché. Pourquoi a-t-on donné ce marché d’armes de guerre à des individus et des groupes dont on connait le manque de sérieux et la mauvaise réputation ?En outre, le Gouvernement peinera à convaincre s’il veut faire croire que la norme relative au « secret-défense » pourrait être un alibi pour justifier toutes sortes de pratiques attribuant des contrats d’armement à des réseaux mafieux au risque de compromette la sécurité de notre pays.
Le décret 2020-876 du 25 mars 2020, complétant l’Article 3 du décret 2014 – 1212 du 22 septembre 2014 portant Code des marchés publics, modifié par le décret 2022-22 du 7 janvier 2022 qui exclut du champ d’application du Code des marchés publics les travaux, fournitures, prestations et services et équipements réalisés pour la défense et la sécurité du Sénégal et classés « Secret défense » mentionne bien les corps concernés : il s’agit des « forces armées », de la « police nationale » et la « brigade des sapeurs-pompiers ». Les Eaux et forêts ne sont mentionnées nulle part dans ce décret comme corps pouvant voir ses achats soustraits du code des marchés publics. Depuis quand les « Eaux et forêts » font-elles partie des forces de défense?Le même décret cite d’ailleurs, en son article 2, pour plus de précision, les ministres chargés de son exécution, à savoir le ministre des Forces armées, le ministre de l’Intérieur et le ministre des Finances et du Budget. Le ministre de l’Environnement n’y apparait nulle part. C’est pourtant lui qui est cité dans la signature du contrat offert à « Petit Boudé ».La volonté de lutter contre la coupe et le trafic illégal de bois ne peut justifier l’acquisition par le ministère de l’Environnement d’un arsenal de guerre qui ferait pâlir d’envie les armées de certains pays. La coutume dans notre pays, notamment en Casamance, c’est que l’armée et la gendarmerie appuient les Eaux et forêts dans leurs opérations. Ce n’est pas de doter ces dernières d’un arsenal militaire massif.
l y a tout juste 48 heures, dans un communiqué rendu public à l’issue de la réunion de son Secrétariat politique national, la Plateforme Avenir Senegaal Bi Nu Begg attirait l’attention de l’opinion sur l’ampleur de la corruption qui gangrène le Sénégal et empêche toute possibilité de développement. Les scandales à répétition, les malversations et abus de toutes sortes qui émaillent la gouvernance de Macky Sall sont restés presque tous impunis. Cela a contribué à renforcer et à entretenir le système de gouvernance opaque qui a rendu possible le détournement des deniers publics et l’enrichissement sans cause d’une classe de politiciens et d’agents de l’administration publique en collusion avec des réseaux privés, parfois mafieux, nationaux et internationaux.La banalisation des scandales de corruption, qui sont facilités par la faiblesse, voire l’absence organisée de mécanismes de contrôle, a amené de nombreux citoyens à se dire que le mal est désormais trop profond pour qu’il soit possible d’y remédier.Ce serait cependant une erreur de prendre ce nouveau dossier de corruption présumée comme un cas de plus, un cas banal. Ce cas est d’autant plus grave qu’il porte sur un objet sensible, les armes, et implique des acteurs internationaux dont l’un, au moins, est connu pour être un sulfureux vendeur d’armes peu recommandable. Déjà impliqué dans des malversations dans son pays, le Niger, et recherche au Nigeria, selon le journal « Le Monde », c’est au Sénégal qu’il serait venu continuer ses affaires douteuses, en dégradant l’image et la réputation de notre pays, avec la complicité des autorités.
La Plateforme Avenir Senegaal Bi Nu Begg exige qu’une enquête soit ouverte, sans délai pour tirer cette affaire au clair. La plateforme demande à ce titre aux Députés de la 14e législature, en particulier ceux de l’opposition, de proposer la constitution d’une commission d’enquête parlementaire et à entendre les ministres impliqués sur la nature de cette implication et sur leurs complices à titre de mesure conservatoire, la Plateforme Avenir Senegaal Bi Nu Begg invite le Président Macky Sall à démettre de leur fonction ces personnes présumées impliquées dans ce scandale en attendant que les résultats de l’enquête indépendante ne viennent les compromettre ou les blanchir.Plus généralement, la Plateforme Avenir Senegaal Bi Nu Begg interpelle le président Macky Sall sur les mécanismes d’acquisition des armes par l’État du Sénégal, étant entendu que, normalement, le Ministère des forces armées est la seule entité habilitée à acheter et à introduire des armes dans le pays à travers des procédures encadrées et sécurisées de bout en bout. La question de fond est, dès lors, de savoir pourquoi et en quoi le ministère de l’Environnement a-t-il lancé ce marché de gré à gré pour l’achat d’armes pour un montant aussi important? Le président Macky Sall était-il lui-même au courant de cet achat? Si oui pourquoi a-t-il laissé faire, sachant le caractère illégal et dangereux de ce marché? Quelle est la nature du besoin ou des menaces qui justifieraient un tel achat hors des procédures légales par un ministère qui n’a pas qualité à le faire ?