Comment Idrissa Seck a orchestré sa communication via le Groupe Futurs Médias

C’est un secret de polichinelle. Idrissa Seck a toujours accordé un soin particulier à sa communication. Dans le choix du canal, des cibles, des mots et du moment, rien n’est laissé au hasard par l’ancien maire de Thiès quand il se décide à placer ses pions sur l’échiquier. Sans surprise, sa dernière sortie à travers les différents supports du Groupe Futurs Médias est entrée dans la même veine. Idy a minutieusement préparé son coup.

Le moment

Longtemps resté en hibernation, Idrissa Seck est sorti du bois toutes griffes dehors. Après avoir passé plusieurs jours à attaquer le régime de Macky Sall, Idrissa Seck, alors en tournée à l’intérieur du pays, a fini par se poser en principal challenger du patron de l’Apr grâce à ses multiples diatribes. Sans doute secoué par la vague de flèches et peu rassuré par les réactions épidermiques et peu efficaces de ses affidés, Macky Sall a envoyé son Premier ministre au combat après s’être prêté au jeu d’une interview fade avec Babacar Fall sur la matinale de la RFM. Dimanche, ce fut donc au tour de Mahammad Boun Abdallah Dionne de se présenter au Grand Jury de la RFM et défendre le bilan de six ans d’exercice de son leader. Pour Idrissa Seck, le timing est parfait. Après avoir attaqué en série, il n’a pas donné aux tenants du pouvoir l’occasion de voir leur réaction avoir un effet. Dès le lendemain, sa grande interview occupe toute la place médiatique, noyant du coup la sortie du PM. Chance ou calcul, le moment ne pouvait pas être mieux choisi.

Le canal

Même si l’indépendance de la plupart de ses journalistes ne fait l’objet d’aucun doute, il demeure que le Groupe Futurs Médias reste catalogué proche du pouvoir, notamment du fait que son promoteur, Youssou Ndour, est un des fidèles alliés de Macky Sall. Le groupe de presse leader du Sénégal relaie également très fréquemment les grandes sorties des tenants du pouvoir, ce qui ne fait pas taire la polémique. Dans la même semaine, le président de la République, qui parle très rarement à la presse locale, s’est exprimé via Rfm Matin dont il avait été l’invité, et son Premier ministre a été invité du Grand Jury. Deux grandes exclusivités accordées à la même radio, ça ne court pas les rues. Mais, en ouvrant les portes de sa maison à tout le groupe de presse (la radio, le journal L’Observateur, la Tfm et le site web iGfm), Idrissa Seck gagne doublement. D’abord en passant par les canaux le plus suivis du pays mais ensuite en jetant le doute dans la tête de certains qui soupçonneraient un jeu double de Youssou Ndour, qui lui aussi a fait naître une petite polémique en communiquant à travers sa télé et son journal, annonçant être déçu sur son compagnonnage avec Macky Sall, sans plus de détails. De même, son clin d’œil à Youssou Ndour dans sa volonté de faire changer l’hymne national n’est pas anodin. Mieux, si Idrissa Seck a pu reprendre du poil de la bête et revenir au devant de la scène, c’est en partie grâce au quotidien L’Observateur qui a relayé ses différentes critiques lors de ses tournées dans le pays. Ainsi, en s’appuyant sur le groupe de Youssou Ndour, Idrissa Seck met le doute au cœur du camp présidentiel à moins d’un an de la prochaine élection présidentielle.

Les cibles et les mots

C’est connu : il y a du Wade en Idy. L’ancien chef de l’Etat communiquait en français pour évoquer certains sujets techniques mais virait en wolof pour jouer sur la fibre émotionnelle. Idrissa Seck a pris la même voie. Sa grande interview, relatée en deux parties, lui a permis d’aborder, dans la partie française, des sujets portant sur l’économie, la gestion du pétrole, la diplomatie, notamment sur les accords avec la Mauritanie et, dans la partie wolof, d’évoquer la cabale dont il se dit victime et dont il accuse Macky Sall d’en avoir été le chef d’orchestre, de parler de l’hommage que ce dernier devrait rendre à Wade et qu’il promet lui-même de faire une fois élu, de saluer la réalisation par Macky Sall de résidences dans les cités religieuses ou encore de faire un clin d’œil à l’électorat de Khalifa Sall et de Karim Wade… En gros, de chercher à toucher la fibre sentimentale de la majorité des Sénégalais qui accordent plus d’importance à l’émotion et à la victimisation qu’à certains aspects techniques qu’elle ne maitrise pas.

Les points noirs

Malgré son coup d’éclat qui risque de faire parler de lui durant toute la semaine, Idrissa Seck n’a pas non plus été irréprochable. De grosses zones d’ombres subsistent même après ce grand oral relayé lundi dans les colonnes de L’Observateur, mardi à la Tfm, puis à la radio… En refusant d’aborder dans le fond le sujet de son patrimoine (refus de le déclarer tant qu’il ne serait pas élu), il traîne toujours ce boulet de son enrichissement qui serait illicite. Par son ton parfois méprisant, il continue de porter le costume de leader hautain voire snob que lui ont taillé ses différents adversaires politiques. De même, en s’exprimant par moments comme un président élu, il se départit difficilement de cette étiquette de rêveur qui lui est collé. Même dans la disposition du plateau occasionnel, ce défaut persiste : chez lui, dans son salon, comme un maître face à ses élèves, alors qu’il aurait été sans doute plus simple et plus commode qu’il se déplaçât dans les locaux du Groupe Futurs Médias plutôt que d’inviter tout un groupe de quatre organes différents pour les placer dans une posture plutôt gênante pour un entretien de cette longueur. Mais, tout cela, c’est du Idy, tout craché !

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