L’article 286 du Code général des Impôts a été changé et nous dit dorénavant, que l’exonération de 3 ans qui commençait à la date de délivrance du permis d’exploitation a été changée pour commencer 3 ans à compter de la première année de production. Le Sénégal dispose du gaz de qualité, et changer ce code pour être concurrentiel n’est pas trop sensé vu que les géants pétroliers et gaziers ne calculent que leurs intérêts, donc c’est à nous aussi de mettre l’intérêt de notre nation avant celui des multinationales.
Ces derniers jours, nous avons constaté beaucoup de sorties, disant que le Sénégal pourrait avoir jusqu’à 50 %, voire même 60 % du pétrole et ou du gaz. Selon nos codes, cette assertion peut sembler vraie, cependant, ce que nous oublions, c’est que nous ne contrôlons qu’une partie, et l’autre partie est contrôlée par ces géants pétroliers et gaziers. Certains parlent du rapport de l’IGE, d’autres parlent des pots-de-vin, je pense que le sujet le plus important est l’évasion fiscale de ces multinationales qui coûtent à l’Afrique des montants exorbitants. Pensez-vous que le Sénégal sera épargné ?
Selon l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), les pertes dérivées de ces évasions peuvent dépasser 50 milliards de dollars. Ce montant est supérieur à l’aide au développement accordée à l’Afrique. Pendant ce temps, la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique estime le montant à 100 milliards de dollars. Quoiqu’il en soit, l’Afrique est en train d’être exploitée sous le regard complice de ses leaders.
Pour éviter de payer des impôts, les multinationales et le secteur des ressources naturelles recourent à de nombreuses tactiques. Pendant la négociation des contrats, ces géants utilisent leur pouvoir de négociation, des clauses contractuelles pas très maîtrisées par nos leaders et surtout la corruption pour pouvoir être exemptées de certains impôts, que ce soit pour une longue durée ou dans certains cas pour une durée indéterminée. Ces géants sont prêts à ne pas payer des impôts dans leur pays d’origine, encore moins en Afrique. En 2013, le géant pétrolier Total, qui avait fait un bénéfice net ajusté de 10,8 milliards d’euros au niveau mondial, n’a pas payé d’impôts sur les sociétés en France durant cette même année. La raison évoquée, n’est autre que ses activités dans l’Hexagone étaient déficitaires. Si Total est en mesure de faire cela en France, que pensez-vous que Total, BP, Kosmos et autres feront au Sénégal ?
Dans l’article 43 de code pétrolier Article. 43. De l’impôt sur les sociétés : le titulaire de contrat pétrolier ainsi que les entreprises qui lui sont associées dans le cadre de protocoles ou d’accords sont soumis sur les sociétés tel que prévu par le Code général des Impôts. Cependant, plusieurs moyens sont utilisés par ces géants pour ne pas payer les impôts. Dans les pays développés, notamment aux Etats-Unis, ces sociétés pétrolières et gazières ont la possibilité de reporter les paiements d’impôts. C’est ainsi qu’en 2014, suite à un rapport publié par Tax payers, on y note que les 20 plus grandes sociétés pétrolières et gazières ont différé leurs paiements, allant jusqu’à la moitié de leurs impôts fédéraux sur le revenu. Ces sociétés peuvent aussi déduire une partie de leurs revenus grâce à une disposition fiscale connus sous « déduction par épuisement. »
Une autre astuce pour ne pas payer les impôts est ce qu’on appelle les prix de transfert erronés. La compagnie vent le produit extrait à une filiale située dans un paradis fiscal à un prix largement inférieur au prix du marché. Cela lui permettra de réaliser peu de bénéfices dans le pays où le produit est extrait et conséquemment, de ne payer peu ou pas d’impôts du tout. Ces entreprises sont pour la plupart domiciliées dans ces paradis fiscaux pour des raisons fiscales. Cette astuce sera utilisée pour contrecarrer la Sous-section 3. Lieu d’imposition et l’article 35.1 du Code : l’impôt est établi au nom de chaque société pour l’ensemble de ses activités imposables au Sénégal, au siège social ou, à défaut, au lieu du principal établissement.
Dans la Sous-section 4 du code de l’impôt Article 36 : le taux de l’impôt sur les sociétés est fixé à 30 % du bénéfice imposable. Toute fraction du bénéfice imposable inférieure à mille francs est négligée. L’autre astuce utilisée pour contourner l’article 36 est la double imposition qui peut servir à éviter de payer les impôts. La société choisit le pays où elle sera imposée, soit dans le pays où se trouve son siège social ou dans le pays où elle réalise ses bénéfices. Le but est d’éviter d’être taxé deux fois. La plupart des contrats dans les pays africains ont cette clause et souvent ces entreprises reçoivent la garantie de la part des leaders africains, de se soumettre à la loi désirée. Ces entreprises vont souvent dans les paradis fiscaux, comme les iles Caïmans ou aux Bermudes pour tirer profit de cette non-imposition. Disons que le Sénégal et l’Australie ont une convention fiscale, BP va en Australie pour y créer une filiale et l’argent gagné au Sénégal est envoyé en Australie. Vu que le taux d’imposition est de 0 %, l’argent que BP a gagné au Sénégal pourrait être versé dans la filiale d’Australie sans déduction. Savez-vous combien de milliards de dollars l’Afrique perd par année à cause de cette tactique ?
Prenons l’exemple sur Kosmos, cette compagnie a été constituée aux Bermudes sous le nom de Kosmos Energy Ltd en 2011 pour devenir une filiale de Kosmos Energy Holdings. Cette dernière a été créée en 2004 en tant que société exemptée, conformément à la législation des iles Caïmans. La loi de 1966 des Bermudes a donné à Kosmos ainsi qu’aux autres géants sur son sol, l’assurance que même si une loi est promulguée qui imposerait un impôt sur les bénéfices ou le revenu, que cette imposition ne sera pas applicable à ces entreprises, leurs activités, leurs actions et leurs obligations jusqu’en 2035.
En regardant le tableau des faits financiers, on voit qu’entre 2015 et 2017 que le Net loss (perte Nette) de Kosmos a accru d’une manière extraordinaire, de 69 836 000 dollars à 283 780 000 dollars avant de descendre un peu à 222 792 000 dollars. Si on se base sur ces chiffres, cette entreprise n’a pas réalisé de bénéfices, donc ne peut pas être imposée. Ces entreprises peuvent aussi faire appel à leur inventaire qui est défini comme la quantité et la valeur des articles en stock. Il comprend entre autres les matières premières en attente ou en cours de production. Dans leur cas ainsi que BP, il s’agit des gisements de gaz non encore exploités. Ce qu’elles peuvent faire, c’est surévalué le stock pour affecter le revenu en surestimant les gains de la période comptable. L’autre manière d’économiser en montrant que l’entreprise a fait une perte est d’offrir aux dirigeants la possibilité d’acheter des actions à un prix inférieur. L’autre manière d’économiser en montrant que l’entreprise a fait une perte est d’offrir aux dirigeants la possibilité d’acheter des actions à un prix inférieur.
Pour éviter que les grandes entreprises constituées dans des pays étrangers ne bénéficient d’exonérations fiscales, le congrès des Etats-Unis a adopté une législation qui reformerait les lois fiscales, pour qu’elles s’appliquent à certaines entreprises qui se réfugient dans les pays étrangers, mais qui ont un bureau aux Etats-Unis. Ces niches fiscales ont été bouchées, car ce sont des milliers de dollars en impôts non recouvrés. Pourquoi ne pouvons-nous pas créer une loi qui puisse aussi nous protéger de ces évasions fiscales au Sénégal ?
Pour Kosmos, il faut noter que le taux d’imposition aux Etats-Unis a été d’environ 433 % pour l’exercice de 2017. À part les Etats-Unis, durant la même période, presque toutes les juridictions où Kosmos et d’autres géants mènent des activités, ont eu un taux d’imposition de 0 %. La première raison est que certains pays ont légalement permis d’opérer sans payer d’impôts, la seconde est la manipulation avec les chiffres pour monter qu’elles ont subi une perte.
En regardant l’état financier de Kosmos durant les exercices de 2015, 2016 et 2017, il n’y a qu’aux Etats-Unis que Kosmos affiche un bénéfice. On remarque des pertes aux Bermudes et dans les pays étrangers. Cela ne peut pas être une coïncidence, d’autant que si vous remarquez, ils ont affiché une perte générale malgré les bénéfices affichés aux Etats-Unis. Le Sénégal et les autres pays perdent beaucoup d’argent, malgré l’entrée relativement importante en argent. En 2017, aux Bermudes, Kosmos affiche une perte de $ 66 914 000, aux Etats-Unis, un bénéfice de $ 6 068 000, dans toutes les autres juridictions, une perte de $ 177 855 000. Au total, en 2017, Kosmos a affiché une perte de $ 117 855 000. Cette perte, est-elle réelle ou manipulée ?
Cela étant dit, tant que nous ne changeons pas et faisons comme les Etats-Unis, nous pouvons être sûr que ces multinationales ne paieront pas d’impôts au Sénégal. Nous nous en limiterons à la part de PETROSEN (10 %) et de quelques autres insignifiants avantages. Il est temps de dire trop, c’est trop, nous devons toujours mettre l’intérêt du Sénégal et des Sénégalais en avant dans toutes négociations, et ne pas être contraint de signer un contrat qui est à la faveur des multinationales. Le Sénégal ne doit pas faire partie de ces pays dont le sous-sol est riche et la population très pauvre. Décomplexons-nous et prenons les choses en main pour combattre la mortalité infantile, le chômage, la pauvreté, la précarité. Ces milliers de milliards que nous perdons au profit de ces multinationales sont une trahison envers toute une nation. Il n’est pas encore trop tard pour rectifier le coup vu que la production n’a pas encore commencé !
Mohamed Dia