Directeur de l’Institut panafricain de stratégies, Docteur Cheikh Tidiane Gadio était, ce samedi, «l’invité Afrique» de Radio France internationale (Rfi). Analysant les grands évènements de l’année 2015 en Afrique, l’ancien ministre sénégalais des Affaires étrangères a indiqué que l’Afrique est en train de devenir l’épicentre du phénomène du terrorisme.
Pour Docteur Cheikh Tidiane Gadio, il y a une jonction entre les différentes organisations terroristes qui sévissent en Afrique. «Cette jonction pour moi est effective depuis longtemps», dit-il répondant à une question sur le soutien dont pourrait bénéficier Boko Haram qui a subi des pertes énormes en 2015. L’ancien chef de la diplomatie sénégalaise pense même que les Etats africains sont «en retard d’un combat et d’une démarche par rapport à ces groupes».
Car, indique-t-il, «ces groupes ont toujours, toujours, mutualisé, échangé des informations, échangé des ressources, travaillé ensemble pour la même cause. Pendant ce temps, nos Etats sont cantonnés dans leurs convictions que chacun devait surveiller son territoire, régler ses problèmes chez lui». Pourtant, avertit Cheikh Tidiane Gadio, «l’Afrique est le ventre mou du système international, les terroristes l’ont compris – l’Afrique est en train de devenir l’épicentre du phénomène du terrorisme dans le monde. Avant c’était le Moyen-Orient, avant c’était l’Afghanistan, ça continue toujours (en Afghanistan). C’est une catastrophe pour nous, Africains, que nous n’arrivions pas à apporter une réponse au fléau du terrorisme».
Alarmiste, le patron de l’Institut panafricain de stratégies souligne «tous nos Etats vont être fragilisés. Nos jeunes qui n’ont pas de perspectives, n’ont pas d’avenir, ces jeunes vont peut-être prendre la main tendue de ces groupes-là». Ce qui lui fait dire qu’«il faut que nos dirigeants exercent un leadership fort, se ressaisissent et comprennent que le phénomène du terrorisme n’est pas un phénomène périphérique. Ce n’est pas des attaques contre la France, contre les Etats-Unis seulement. C’est même un phénomène qui se concentre sur l’Afrique pour s’installer durablement».
Gadio qui avait organisé, en novembre dernier, un forum pour la paix et la sécurité, rappelle qu’au Mali par exemple, il y a deux lectures possibles. «On peut penser que les groupes terroristes n’avaient pas été défaits et qu’en réalité ils sont peut-être dans toute la sous-région et le Mali n’est que la partie visible de l’iceberg. C’est une lecture possible.
Mais une autre lecture qui est possible : c’est que l’opération Serval et l’engagement des troupes tchadiennes et africaines avaient effectivement réussi à détruire pour l’essentiel les forces qui étaient en place et les avaient démantelées et fait reculer pour l’essentiel, et que maintenant la nouvelle stratégie, effectivement, c’est des attaques ciblées : des hôtels, des lieux de divertissement pour les jeunes et des actions d’éclats. A mon avis ça dénote plus de la déroute de ces groupes que de leur renforcement», analyse l’ancien ministre des Affaires étrangères. Qui attire l’attention sur «la situation interne en Libye est terrible». «Elle cache beaucoup d’autres choses qui n’ont pas encore été abordées. Donc il faut effectivement que des forces multinationales puissent appuyer le peuple libyen, remettre de l’ordre dans le pays et que les Africains puissent aussi jouer un rôle important dans la médiation, pour que les Libyens qui sont un grand peuple et un grand pays puissent se remettre un peu sur pieds», plaide-t-il.