Accusé d’avoir fomenté un coup d’état contre lui en 2014, Cheikh Sidya Bayo a été expulsé du Sénégal où il menait ses activités politiques d’opposant au régime de Yahya Jammeh. Comme beaucoup d’anciens adversaires, voire ennemis de l’ancien homme fort de Banjul, il a assisté à la cérémonie d’investiture de Barrow comme nouveau président de la Gambie. Un moment historique mis à profit par le jeune leader politique pour inviter le peuple gambien à la réconciliation. Venant de lui, ça parait invraisemblable. Il a livré ses raisons à Dakaractu.
Cheikh Sidya Bayo vous avez, avec verve, combattu le régime de Yahya Jammeh dont la fin est matérialisée aujourd’hui par la prise officielle de pouvoir de son successeur. En participant à la prestation de serment d’Adama Barrow, que ressentez-vous ?
Beaucoup de fierté. C’est une victoire du peuple gambien puisque c’est la voix du peuple qui a parlé et qui fini par régner sur la terreur que Yahya Jammeh nous avait imposée pendant 22 ans. Mais aussi, il faut reconnaître que c’est la victoire de la Sénégambie parce qu’honnêtement depuis le début de la crise électorale, le Sénégal a vraiment joué un rôle de locomotive dans la pacification et dans la démocratisation de la Gambie, sous la houlette de la CEDEAO qui a initié le processus. Le chef d’orchestre de cette victoire reste la Sénégambie. C’est une victoire de deux pays qui sont en réalité une nation.
Cette alternance redistribue sans doute les cartes dans le landerneau politique gambien. Quelle est la position actuelle de Cheikh Sidya Bayo?
Je suis avec le président Adama Barrow puisque ce n’est pas simplement la volonté du peuple gambien qui a été exprimée dans les urnes. Aujourd’hui, nous sommes à l’heure de l’unité. Il est important pour tous les Gambiens de s’unir derrière le président Adama Barrow pour l’aider à démocratiser la Gambie et à l’unifier.
Quel avenir pour Yahya Jammeh ?
Le plus important pour moi, c’est que la volonté du peuple gambien soit mise en exergue. La Gambie est en train de connaitre une nouvelle ère et nous devons nous concentrer sur les priorités de l’heure. En ce qui concerne Yahya Jammeh, il est parti en négociant par l’intermédiaire des chefs d’Etat de la sous-région. On verra bien si les juridictions internationales réussiront à prouver qu’il a commis des crimes en Gambie. Mais je crois que nous devons d’abord, entre Gambiens nous pardonner. Des membres de l’ancien régime sont présents dans cette tribune à l’instar des nouvelles autorités du pays. Ça démontre que la Gambie est un peuple uni. Yahya Jammeh est un cas exceptionnel. Le moment venu, la gouvernance mondiale fera ce qu’il faudra s’il mérite d’être traduit devant les cours et tribunaux.
Nous vous avons vu donnant une accolade au général Badji, un baron de l’ancien régime. Que signifie ce geste ?
A travers ce geste, j’ai voulu démontrer que ce que je disais dans les médias depuis 3 ou 4 semaines ne sont pas de vains mots. Quand je dis qu’il faut pardonner à Yahya Jammeh, je veux protéger et ma génération et les futures générations. La réconciliation doit passer par les protagonistes qui ont amorcé la crise postélectorale qu’on a connue en Gambie, je veux nommer le président Barrow et son prédécesseur. Mais aujourd’hui, il est difficile d’omettre le chef d’état major des armées, Ousman Badji qui a été un élément stabilisateur dans cette crise. Nous devons avoir un comportement sage pour préserver la paix et la stabilité en Gambie, mais surtout dans la Sénégambie…