C’est suite à des tiraillements entre les populations de Ndendory et de Amady Ounaré, les deux principales localités qui abritent le gisement, que le Président Abdoulaye Wade avait décidé de les nommer Phosphates de Matam. Ainsi la Société d’études et de réalisation des phosphates de Matam (Serpm) a été créée le 26 février 2007 pour sa valorisation industrielle. Le parcours a été long. Mais aujourd’hui, l’on s’interroge sur la gestion du marché des engrais lancé dans la foulée de la Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (Goana), qui a été l’élément déclencheur tombé entre les mains du patron de Tse, Cheikh Amar. D’une crise alimentaire politiquement compromettante est née, le 25 avril 2008, l’ambitieux projet agricole dénommé la Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (Goana). A la gloire de ce programme pour «la fin de la faim au Sénégal», le Président Abdoulaye Wade mettra sur la table 344,7 milliards de francs Cfa pour atteindre l’autosuffisance alimentaire en 5 ans. 197 milliards de francs Cfa de ce budget doivent être consacrés à l’engrais, renseignait à l’époque le ministre de l’Agriculture d’alors, Amath Sall, lors d’un atelier de partage. Il se trouve que ce produit s’était raréfié à l’époque, du fait de la faillite des Industries chimiques du Sénégal (Ics). Face à un hivernage qui presse, les autorités sénégalaises ont cédé un marché de l’engrais à la Société d’études et de réalisation des phosphates de Matam (Serpm Sa). Celle-ci a bénéficié d’un permis d’exploitation de trois ans délivré par arrêté ministériel du 29 mai 2008.
La Serpm Sa s’offre les services du patron de la Tracto Services Equipements (Tse). Cheikh Amar décroche immédiatement un financement de près de 3 milliards de francs Cfa de ses partenaires américains qu’il va consacrer à l’extraction de ce phosphate de Matam qui constitue un engrais naturel prêt à être utilisé sans la moindre composante chimique. A l’époque, on parlait d’une exploitation conjointe entre l’Etat et le «Bolloré sénégalais». La direction de la Serpm Sa a préféré une sous-traitance.
Le nom de Cheikh Amar se confond aujourd’hui avec la Serpm Sa dont il a pris le contrôle de la majorité des actions. Au début, il était juste un partenaire stratégique à l’image de la Sonatel avec France Telecom. Fallait-il lancer un appel à candidatures ? Pour les spécialistes on a affaire à une délégation de service public qui suppose également «un appel d’offres en vertu de l’article 80 du Code des marchés publics». Et si la Serpm était une société anonyme, «l’Etat devait recourir à un appel à candidatures».
Qu’à cela ne tienne, Cheikh Amar est devenu un minier. Et trone majestueusement sur l’exploitation de cette mine . Certes, la Serpm Sa est la seule habilitée à exploiter les phosphates de Matam. Et elle est entre les mains d’un homme d’affaires. donc prétendre à ce marché.
UNE SOCIETE PUBLIQUE OU PRIVEE ?
Le lancement d’un appel d’offres pour l’exploitation des phosphates de Matam devait avoir lieu. Et c’est la Serpm Sa qui devait être l’autorité contractante. D’autant que l’arrêté du ministère des Mines et de l’Industrie du 29 mai 2008 a attribué une «autorisation d’exploitation d’une petite mine de phosphate sur le périmètre dénommé ‘’Lobe Sud-ouest de Ndendory’’ pour une production d’engrais naturel simple ou composé à la Société d’études et de réalisation des phosphates de Matam (Serpm)», pour une durée de 3 ans. Le caractère anonyme de la société n’était pas pris en compte par l’arrêté.
Le montant des investissements était évalué à 2 milliards de francs Cfa. Dans ce cadre, l’article 9 du Code des investissements exige «l’égalité de traitement». Ce texte insiste sur le fait que «les personnes physiques ou morales visées à l’article premier du présent Code peuvent, dans le cadre des lois en vigueur, acquérir tous les droits de toute nature en matière de propriété, de concession et d’autorisation administrative ; et participer aux marchés publics». Par conséquent, «quand est-ce que la Serpm a été privatisée ?», se demande-t-on. Actuellement, l’Etat ne possède que 10% des actions. Le reste appartient au privé national.
La contradiction qui légitime des interrogations découle du fait que l’Etat du Sénégal a financé les recherches complémentaires des phosphates de Ndendory grâce à des financements de l’Us Trade and development agency (Ustda), puis de la Banque islamique de développement (Bid). Des sources persistent qu’elle était, au début, un établissement public.
Qu’à cela ne tienne, depuis 2009, la production annuelle officielle gravite autour de 25 000 tonnes. Le produit est exporté dans les pays de la sous-région comme le Mali en raison de 60 000 francs Cfa la tonne. Et l’ambition est à 160 000 tonnes par an. Nous reviendrons sur les récréminations des travailleurs, des populations qui dénoncent ce scandale que des autorités de l’Etat connaissent bien mais préférent fermer les yeux ?