L’affaire de la cession polémique à l’APR d’une partie du terrain de Dakar Dem Dikk (DDD), refait surface. Dans un rapport particulier rendu public hier mardi par la Cour des comptes concernant les exercices 2017-2020, plusieurs manquements aux règles de transparence ont été relevés.
Revenant sur les raisons de cette session, le rapport signale qu’elle intervient dans le cadre du projet intitulé « mise en valeur de la façade ouest du dépôt de Ouakam sise sur l’avenue Cheikh Anta Diop ».
Ainsi, poursuit le document, « Dakar Dem Dikk a procédé à la cession de son droit au bail inscrit sur le TF 18935 portant sur un terrain nu d’une superficie totale de 8 000 m2 ». La direction générale avait motivé ces cessions par la recherche de ressources financières pour faire face aux besoins d’investissement de l’entreprise et le conseil d’administration a donné un avis favorable au projet en mai 2016 en recommandant « d’allouer les ressources aux projets tels que l’édification du siège, du magasin central, la mise à niveau des infrastructures et ateliers, la modernisation des équipements ».
D’après la cour, un rapport d’expertise immobilière daté du 18 novembre 2015 a été produit par un expert agréé qui a déterminé la valeur vénale du terrain à 600 000 F CFA le mètre carré.
A cet effet, poursuit le rapport, « quatre opérations de cessions ont été notées : « En juin 2017, DDD a cédé son droit au bail sur un terrain de 2 000 m2 à Diamond Bank au prix d’un milliard F CFA, soit 500 000 F CFA/m2. En janvier et avril 2018, un terrain de 2 000 m2 a été cédé à l’Alliance pour la République (APR) au prix d’un milliard F CFA, soit 500 000 F CFA/m2. En octobre 2018, un terrain de 3 000 m2 a été cédé à l’ambassade de Chine pour 1,8 milliard F CFA, soit 600 000 FCFA/m2. En décembre 2018, DDD a accepté de céder 1 000 m2 au CETUD au prix de 500 000 F CFA/m2, soit 500 millions F CFA qui seront défalqués des arriérés de la contribution au FDTU. Mais les formalités sont toujours en cours ».
L’APR a payé hors vue et hors comptabilité du notaire
Toutes les opérations susmentionnées disposent d’actes notariés de cession du droit au bail et les règlements ont été faits à la comptabilité de notaires à l’exception de l’APR qui, signale le rapport, « a payé hors la vue et hors la comptabilité du notaire. Cependant, les écritures y afférentes ont été bien enregistrées par la comptabilité de l’entreprise, au titre de la gestion 2018 ».
Livrant les détails de la transaction, la cour indique que « l’APR a émis deux chèques de 600 000 000 F CFA et 178 000 000 F CFA et a payé le reliquat de 222 000 000 F CFA par espèces ».
« Ce paiement en espèces, d’un montant de 222 000 000 F CFA viole les dispositions de la loi 2004-15 du 4 juin 2004 portant sur les mesures de promotion de la bancarisation et de l’utilisation des moyens de paiement scripturaux.
Interrogé sur la non-actualisation du rapport d’expertise immobilière élaboré en novembre 2015, le directeur général sortant, Me Moussa Diop, a estimé « qu’il n’a pas jugé nécessaire de la faire quelques mois après la première cession », lit-on, alors que « les cessions visées par la cour datent de 2018, soit trois ans après l’expertise ».
Concernant le paiement par l’APR hors la comptabilité du notaire, Me Diop affirme : « Les notaires ne sont intéressés par le paiement, à travers leur comptabilité, que lorsqu’ils sont dubitatifs sur la bonne foi de l’acquéreur qui risque d’encaisser le chèque sans payer leur étude et que face à des clients comme Dakar Dem Dikk, la question ne s’est pas posée et la cession est bien réelle dans la comptabilité de l’entreprise puisque le produit de cette cession est bien comptabilisé pour l’exercice. »
Endettement élevé de DDD
Autre manquement relevé par la Cour des comptes dans son rapport, c’est le niveau élevé d’endettement de DDD qui se situe à 101 710 545 014 F CFA au 31 décembre 2020. « Cette situation constitue une réelle menace pour la survie de la société », fait constater la cour. Ces emprunts et dettes assimilées « d’un montant de 24 371 714 916 F CFA sont composés de l’emprunt pour l’acquisition des bus Sunlong d’un montant de 6 308 463 616 F CFA ; des dettes de crédit-bail pour l’acquisition des Ashok Leyland d’un montant de 12 433 251 300 F CFA ; de l’emprunt auprès de la BIS d’un montant de 5 630 000 000 F CFA pour le financement du Plan d’urgence de relance de DDD (PURE) ».
Quant aux dettes à court terme, souligne le rapport, « elles s’élèvent à la somme de 77 338 830 098 F CFA répartie entre les dettes fiscales (21 982 929 871 F CFA), les dettes sociales (11 363 418 586 F CFA) et les dettes fournisseurs (43 992 481 641 F CFA). Le défaut de paiement des dettes fait supporter à DDD des pénalités qui alourdissent ses charges ».
D’autres irrégularités ont été également décelées et concernent des chèques irrégulièrement libellés au nom de personnes physiques : « Chèque CBAO n°277934 d’un montant de 810 000 F CFA du 5 mai 2017 au nom de Momar Talla Bao au lieu de la Direction du matériel et du transit administratif ; chèque CBAO n°278100 de 8 500 000 F CFA du 7 août 2017 au nom d’Amadou Mamadou Diallo au lieu de CAPIO Voyages ; chèques CBAO n°278301 d’un montant 1 900 000 F CFA et n°278320 d’un montant de 1 000 000 F CFA des 19 et 22 décembre 2017 libellés au nom d’Oumy Fall au lieu du fournisseur GIE Bamar Lebougui traiteur ; chèque BRM n°0327394 d’un montant de 195 000 F CFA du 28 janvier 2019 au nom de Fatimatou Mbaye au lieu de Génie Technologie. »
De même, des transactions avec des fournisseurs ne disposant pas de NINEA ainsi que des dépenses irrégulières qui se chiffrent à des dizaines de millions de francs CFA, ont été découvertes.
Épinglé dans ce rapport particulier de la Cour des comptes, l’ancien DG de Dakar Dem Dikk, Me Moussa Diop, a convoqué la presse cet après-midi pour se prononcer sur ces nombreux manquements relevés sur sa gestion.