Times24.info: En République Centrafricaine, dans un pays qui sort à peine de plusieurs années de guerre civile, la visite du pape François en Afrique a pris un tour poignant à sa troisième étape, où il est arrivé dimanche en fin de matinée. Le long de la piste d’atterrissage d’un aéroport supposé sous haute protection, des enfants du camp de réfugiés voisin couraient, saluant l’avion, son passager et l’espoir d’une amélioration de la situation politique très tendue que certains Centrafricains ont placé en sa venue à Bangui.
C’est le cas de Catherine Samba-Panza, la présidente de transition du pays, que le chef de l’Eglise catholique a rejointe en effectuant cinq des neuf kilomètres du trajet entre l’aéroport et le palais présidentiel dans une papamobile découverte, passant devant de très nombreux habitants massés sur les bas-côtés. L’exécutif de Catherine Samba-Panza s’efforce d’éviter l’enlisement du processus politique destiné à sortir le pays de trois ans de violences entre les milices ex-Séléka, à majorité musulmane, et les anti-Balaka, à majorité chrétienne. Des élections présidentielle et législatives sont prévues le 27 décembre.
La présence à Bangui du pontife argentin, que «les menaces sécuritaires réelles ou amplifiées» n’ont pas découragé, a-t-elle affirmé d’emblée, est «une victoire de la foi sur la peur, sur l’incrédulité». Dans la capitale centrafricaine, des voitures blindées des Nations unies, des policiers et des soldats supplémentaires étaient déployés sur le parcours de François, sans que leur présence ne soit trop pesante.
«Tenaillé par la haine»
Catherine Samba-Panza a dépeint à son visiteur «un pays détruit dans ses fondements par plusieurs décennies de crises à répétition», laissant «un peuple tenaillé par la haine et l’esprit de vengeance». Dans un discours tout imprégné de références à Dieu et à la foi, elle a déclaré devant le pape qu’il «revient aux filles et aux fils de ce pays de reconnaître leurs fautes». «Au nom de toute la classe dirigeante de ce pays, mais aussi au nom de tous ceux qui ont contribué de quelque manière que ce soit à sa descente aux enfers, je confesse tout le mal qui a été fait ici au cours de l’histoire et demande pardon du fond de mon cœur», a-t-elle ajouté.
Changement de décor, continuité du discours: après avoir mis en garde les Kényans contre «le tribalisme qui détruit une nation», vendredi dernier, le pape François a exhorté les dirigeants centrafricains à «l’unité». S’exprimant pour la première fois en français, il leur a demandé d’éviter «la tentation de la peur de l’autre, de ce qui ne nous est pas familier, de ce qui n’appartient pas à notre ethnie, à nos options politiques ou à notre confession religieuse».
Puis, d’un lieu de pouvoir le pape est passé sans transition à un lieu de relégation. Dans le camp de déplacer abrité par la paroisse Saint-Sauveur, qui accueille encore quelque 3700 réfugiés, des enfants tendaient de modestes morceaux de tissus sur lesquels avaient été tracés au feutre les mots «paix», «amour», «réconciliation».
Sous les manifestations de joie, François s’est promené, très détendu, au milieu d’eux, embrassant les enfants, serrant les mains des femmes, bénissant des têtes, riant avec ses hôtes. «La paix sans amour, sans tolérance, sans pardon, n’est pas possible. Il faut vivre en paix les uns avec les autres quelle que soit son ethnie, sa culture, sa religion, son statut social», leur a-t-il lancé.
Puis il leur a fait répéter en chœur: «Nous sommes tous frères!» Dans le même temps, quelques femmes avisaient des journalistes: «Ici, il n’y a pas de problème de sécurité, soyez tranquilles!» D’autres faisaient observer que la venue du pape, en dépit des mises en garde sur la sécurité venues du gouvernement français, est un pied de nez à la France.
Le marathon entrepris par le pontife avec un sentiment d’urgence et une grande énergie s’est ensuite orienté vers les communautés religieuses. Même si les affrontements entre factions ont d’abord des motifs politiques, ils ont mis face à face chrétiens et musulmans, malgré l’engagement de certains de leurs représentants dans une coopération interreligieuse. En quelques heures, répétant sans relâche les mêmes mots – unité, paix, pardon, réconciliation –, il s’est successivement adressé aux évangéliques et aux catholiques.
Lundi matin, il s’est rendu dans la mosquée du quartier musulman du PK5, aujourd’hui en situation de quasi-blocus, lançant: «Chrétiens et musulmans sont frères.» «Toutes nos communautés souffrent indistinctement de l’injustice et de la haine aveugle que le démon déchaîne», a-t-il affirmé à la faculté de théologie évangélique.
«Armez-vous de la justice»
Au milieu des catholiques, à la cathédrale de Bangui, François a vanté la vertu du «pardon» envers ses ennemis, qui «prémunit contre la tentation de la vengeance et contre la spirale des représailles sans fin». «A tous ceux qui utilisent injustement les armes de ce monde, a-t-il déclaré pendant son homélie, je lance un appel: déposez ces instruments de mort; armez-vous plutôt de la justice, de l’amour et de la miséricorde, vrais gages de paix.»
Le pape a symboliquement ouvert dans la cathédrale de Bangui une «porte sainte», anticipant le début de l’année jubilaire qui commencera le 8 décembre. D’ordinaire, c’est l’ouverture de la porte sainte de la basilique Saint-Pierre de Rome qui marque l’ouverture d’une année sainte. «Aujourd’hui, Bangui devient la capitale spirituelle du monde», a lancé François.
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