Barthélémy Dias ne va pas bien. Il est malade. Il a chopé « une saloperie » à Rebeuss. La révélation est de son père, Jean-Paul Dias. Qui, dans cet entretien avec Seneweb, s’est aussi prononcé sur le rejet de la demande de libération immédiate de Khalifa Sall
Jean-Paul Dias, comment se porte votre fils, Barthélémy Dias, qui est actuellement en détention ?
Il est sérieusement malade. Il y a 2000 détenus à Rebeuss, mais il n’y a pas un médecin à demeure. Ce sont des infirmiers qui sont là-bas. Il est tombé malade.
De quoi souffre-t-il ?
Il a été contaminé par un de ses codétenus. Parce qu’ils sont dans des chambres avec au moins 15 personnes. Avec la chaleur, la saleté, la promiscuité, il a été contaminé par un codétenu. Et le médecin-colonel est venu l’examiner, il n’a pas été en mesure de le soigner, il est question que Barthélémy soit vu par un spécialiste, un pneumologue. Il est au risque d’avoir une bronchite ou une tuberculose. Voilà la situation.
Avez-vous saisi l’administration pénitentiaire ?
Ce n’est pas mon rôle. Tout ce que je peux dire, c’est qu’il a été obligé de payer les services d’un spécialiste à l’extérieur. Il a vu un pneumologue et il a payé de sa poche. Le service de santé de l’administration pénitentiaire a été obligée de l’autoriser à voir un médecin en ville. Mais il a payé de sa poche.
Donc, il est sorti de prison pour aller voir un médecin ?
Mais on l’a accompagné. Il était à un niveau où il avait besoin de voir un spécialiste. Et l’administration pénitentiaire l’a accompagné voir un spécialiste. Mais il a payé de sa propre poche. C’est une saloperie qu’il a prise là-bas . Il est pourtant entré en bonne santé en prison. Il était solide en y entrant. Mais il a pris une maladie là-bas.
Rejet de la demande de libération de Khalifa Sall : « On a fait des contorsions judiciaires pour arriver à ce résultat. Moi je dis que c’est une décision irresponsable. »
Comment jugez-vous le rejet de la demande de libération de Khalifa Sall ?
Je suis un peu déçu par cette décision de justice. On a fait des contorsions judiciaires pour arriver à ce résultat. C’est fâcheux et désolant. Parce qu’une décision comme celle de la Cedeao, quand elle est intervenue, ce n’était pas pour qu’on aboutisse à de la liberté provisoire. Non. C’est pour qu’on libère l’individu. Dès qu’on vous dit : ‘vous, Sénégal, vous avez pris quelqu’un, vous ne lui avez pas permis d’avoir un procès équitable…’. Lorsque la Cedeao vous dit que vous n’avez pas respecté votre Constitution en emprisonnant un député, lorsque la Cedeao vous dit que vous n’avez pas respecté des engagements communautaires tels que l’assistance d’un avocat dès le départ, lorsqu’on vous dit que vous n’avez pas respecté vos propres lois, mais il ne faut pas dire que la Cour de la Cedeao n’a pas dit qu’on ne doit pas le libérer. Qu’est-ce qu’on nous dit, ici ? On nous dit : ‘on doit lui payer 35 millions pour le préjudice qu’on lui a causé’. Ce n’est pas sérieux. Ce n’est pas du Droit.
Mais la Cedeao n’est pas allée jusqu’à demander la libération de Khalifa Sall…
Toutes les branches du Droit ont progressé grâce à la Jurisprudence. La loi française interdit de recueillir des migrants illégaux et de les assister. Le Conseil constitutionnel, il y a un mois, a dit que lorsque quelqu’un le fait sans en tirer un bénéfice pour lui-même on ne peut pas le considérer cet acte comme un délit. Toutes les branches du droit ont progressé parce que le juge a estimé les choses en fonction des contextes. Ici, tout le monde dit : ‘on s’en fout, il faut que Khalifa reste en taule’. Mais imaginez qu’une émeute populaire se déclenche dans le pays, qu’est ce qui va se passer ? Moi je dis que c’est une décision irresponsable et je la désavoue.
Comment avez-vous accueilli le réquisitoire écrit du procureur général près la Cour d’appel ? D’aucuns considèrent qu’il a reprécisé sa pensée tandis que d’autres parlent d’un virage à 180°. Vous penchez de quel côté ?
Il n’a pas reprécisé sa pensée, il est revenu dessus. Je voudrais rappeler aux gens du parquet que la règle de base c’est que la plume est serve. C’est-à-dire que la plume est esclave. Mais la parole est libre. Cela veut dire que même si ce procureur est revenu pour écrire ce qu’on lui a ordonné d’écrire, il aurait dû prendre la parole au tribunal pour maintenir sa position. Et personne n’aurait rien pu contre lui. Et c’est cela être indépendant. J’ai toujours soutenu que le parquet est indépendant. Et je le maintiens. Le parquet est indépendant lorsqu’il fait le réquisitoire. Vous lui demandez d’écrire et il écrit. Mais lorsqu’il prend la parole il prend la parole autrement. C’est ce qui fait que vous avez des procureurs qui prennent la parole après que le parquet ait poursuivi, pour dire : ‘je demande la relaxe’.
« J’ai été président du Conseil des ministres de la Cedeao. Si à cette époque une chose pareille était arrivée, j’aurais démissionné. C’est honteux de la part du Sénégal. »
Vous semblez suggérer que la question de l’indépendance de la justice est d’abord individuelle…
Nous avons un problème avec nos juges. On a un problème avec notre justice. Parce que ce sont ses magistrats eux-mêmes qui disent qu’elle n’est pas indépendante. Imaginez une femme mariée qui dit à son mari qu’elle veut être fidèle, mais que ces temps-ci, elle n’y arrive pas parce que ce sont les hommes qui lui courent après. Vous croyez que c’est une excuse. Si chaque magistrat décide d’être indépendant la magistrature sera indépendante. C’est leur devoir.
Certaines autorités ont agité le drapeau de la souveraineté pour ignorer l’arrêt de la Cour de justice de la Cedeao. Ce posture pourrait-elle avoir un impact sur le leadership du Sénégal dans la sous-région ?
C’est choquant, inacceptable et inadmissible. J’ai été président du Conseil des ministres de la Cedeao. Je suis convaincu que si à cette époque une chose pareille était arrivée, je vous garantis que j’aurais démissionné. Car c’est honteux de la part du Sénégal. Ce que je ne vous ai pas dit, c’est que c’est après les années 90 qu’on a procédé à une réforme de la Cedeao du point de vue des institutions. Et c’est là que, entre autres institutions, la Cour de justice a été créée. La Cour est une institution comme le parlement. Mais, la Cour dit quelque chose et eux ils nous parlent de souveraineté. Ils sont en train de tomber dans des contorsions judiciaires. Ce n’est pas digne du Sénégal. A cette époque-là, le Sénégal avait poussé pour qu’on crée ce genre d’institution-là. Parce qu’il y a avait des pays qui ne respectaient rien du tout. Donc le Sénégal était tête de pont de ces choses-là. Et parmi les éminentes personnalités, il y avait des gens comme Ibrahima Fall.