“Des agressions, des meurtres, des cas de viol en cascade. La vie dans la banlieue de Dakar est ainsi rythmée par ces tares de la société sénégalaise”. Diagnostiquant le mal, Babacar Mbaye Ngaraf, ans un entretien avec Senego, ce jeudi, estime que cette recrudescence de l’insécurité meurtrière est de «la responsabilité entière, total et exclusive de l’Etat».
“Il ne se passe plus une semaine sans qu’un être humain soit froidement éliminé, dans l’indifférence la plus totale des autorités étatiques. Et lorsqu’elles s’impliquent, c’est pour essayer de faire la lumière au moment où l’irréparable est déjà commis”. Ce constat est du “militant infatigable” de la cause des populations de “cette partie délaissée de la capitale”, Babacar Mbaye Ngaraf.
«Nous, habitants de la banlieue de Dakar, nous ne voulons pas d’un médecin qui, après la mort, tente de faire la lumière sur les faits de meurtre. Ce que nous voulons, c’est de prévenir les crimes et de les juguler à l’état embryonnaire par la prévention active et dissuasive», indique-t-il. Vivre dans la banlieue de Dakar, selon Ngaraf, est devenu “un véritable risque pour les enfants, cibles de kidnapping et les femmes, victimes de viol et d’élimination. Cette situation qui fait de la banlieue une zone de non droit est de la responsabilité entière, totale et exclusive de l’Etat pour plusieurs raisons….”
«Le ministre de l’Intérieur pense qu’il est ministre des Élections»
Convaincu que l’Exécutif n’est pas “préoccupé par le calvaire des populations victimes de l’insécurité galopante” dans la banlieue de la capitale, notre interlocuteur rappelle la dénomination du «ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Publique» pour dire que “le ministre, Aly Ngouille Ndiaye, pense qu’il est ministre des Elections. Il ne s’occupe et ne parle que d’élections, au moment où les enfants et les femmes sont violés et massacrés au quotidien dans la banlieue de Dakar».
En vérité, souligne-t-il, «ce problème d’insécurité et de recrudescence des meurtres n’est pas au cœur des préoccupations des autorités étatiques. Alors qu’il y a quelques temps, lorsqu’une fausse alerte à la menace terroriste avait été lancée, l’Etat avait engagé toutes les forces de sécurité, toute la Nation et le président de la République, chef suprême des armées en parlait chaque jour. Pourtant, depuis, aucun sénégalais, même pas un petit chat, n’a été tué par les terroristes, alors qu’ici, tout près, en banlieue, le terrorisme des agresseurs font des morts chaque jour».
Ses agents qui sont loin de la proximité…
Aujourd’hui, estime M. Mbaye, il convient de s’interroger sur l’utilité de l’Agence de sécurité de proximité (Asp). «Voilà une agence qui engloutit d’énorme ressources pour voir ses agents, loin de la proximité avec les populations, s’occuper d’autres missions dans la circulation routière ou en tant que chauffeurs ou encore coursiers», déplore-t-il, non sans souligner qu’il urge de redéfinir les prérogatives des Agents de sécurité de proximité (Asp).
Quid des postes de police de proximité ? “De simples bureaux ouverts un peu partout dans la banlieue de Dakar, sans personnel, sans équipements adéquats, avec de vieilles guimbardes qui, pour démarrer, ont besoin de la force manuelle. Parce qu’il faut les pousser à l’allumage», révèle notre interlocuteur. «Au même moment, les agressions ont été banalisées à cause de la longue liste macabre des assassins ambulants qui circulent dans la banlieue de la capitale. De nombreux jeunes, des femmes, des enfants, des pères de famille sont agressés et se retrouvent avec des handicaps et personne n’en parle», a-t-il poursuivi.
Paradoxe dans l’investissement anti-émeute et la sécurisation
“La sécurisation des Sénégalais et de leurs biens n’est pas une priorité dans les plans d’investissement de l’Etat”. C’est du moins l’avis de Mbaye Ngaraf qui signale «qu’au Sénégal, des milliards ont été dépensés pour l’acquisition d’équipements anti-émeutes, pour réprimer des Sénégalais auxquels la Constitution accorde le droit de marche. Alors que la sécurisation des personnes et de leurs biens aurait pu commander l’acquisition d’équipements pour les forces de polices de proximité et leur renforcement en ressources humaines qualifiées à la mesure de la mission qui s’offre à elles».
In fine, pour Babacar Mbaye Ngaraf, il urge de prendre d’autres mesures qui permettraient de mettre l’accent sur la prévention de manière efficiente. «Cette recrudescence de l’insécurité meurtrière en banlieue est aussi liée à la prolifération des lieux de déviance, de débauche et des bars qui sont ouverts à chaque coin de rue sur autorisation de l’autorité. Il convient aujourd’hui de revoir les autorisations ainsi délivrées».