«Macky Sall a piétiné son rang et son statut en revenant sur sa parole donnée au peuple, en revenant sur son engagement de réduire son mandat de sept à cinq ans ». C’est la conviction, Babacar Diop, secrétaire la Jeunesse pour la Démocratie et le Socialisme (Jds). Dès lors, M Diop a, dans cette interview qu’il a accordée à la Rédaction de xibaaru.com, déclaré sans détour que « Le PS n’a aucune raison de rester dans la mouvance présidentielle ». Il a, dans cet entretien, donné les raisons. Les cas Aissata Tall Sall, Khalifa Sall, au sein du Ps et la destitution de Aida Mbodji de son poste présidente de conseil départemental sont, entre autre sujets, que ce jeune socialiste, par ailleurs enseignant au département de philosophie de Faculté des lettre et des sciences humaines (Flsh) de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) de Dakar, a donné son avis.
Xibaaru : Ces temps-ci, vous êtes en train de théoriser un compte visant à « Réinventer la gauche » au sein de la classe politique au Sénégal. Comment peut-on y arriver dans un pays où ce sont souvent des alliances qualifiées «contre-nature » qui sont mis en place, à l’approche des élections pour conquérir le pouvoir?
Nous pensons que la politique doit cesser de signifier simplement élire des gens ou bâtir un cartel électoral pour occuper des places et des positions au sein des institutions de l’Etat. La politique n’a pas pour but, simplement, la conquête du pouvoir. Seuls les hommes politiques médiocres ont cette conception de la politique. Le but de la politique, c’est de rendre la cité meilleure, c’est de rendre l’Homme beau et bon. Il faut donc réinventer la gauche pour préparer une alternative concrète et radicale dans notre pays. La gauche doit construire une nouvelle plate-forme politique qui doit mobiliser les forces progressistes de notre pays en vue d’une transformation politique, économique et sociale. La politique n’est plus un enjeu de pouvoir, elle est un enjeu de transformation. Et cela notre classe politique doit le comprendre. Sinon, le peuple ira chercher ailleurs.
Xibaaru : Est-ce que ce vous développez n’est pas en contradictions avec les orientations du Ps où vous militez?
Le Parti Socialiste doit revenir à ses sources et à ses valeurs. Au début de notre Parti, il y avait Léopold Sédar Senghor, mais il y avait aussi Mamadou Dia. Le Parti Socialiste est un arbre de deux racines : Senghor et Dia. Il faut revenir aux sources. Notre Parti était le Parti du peuple, le Parti des paysans, des pasteurs et des pêcheurs. Il était la voix du peuple oublié et opprimé. C’était cela le combat de Senghor et de ses compagnons. Mais aujourd’hui, le Parti s’éloigne de plus en plus de la ligne tracée par Senghor. Le Parti néglige l’orientation idéologique et politique. Le Parti est devenu un parti qui cherche des postes pour caser des militants. Le Parti doit reprendre le travail de Senghor. Le Parti doit porter une grande ambition pour notre pays et pour toutes les couches défavorisées. Le Parti doit revisiter son projet. Sinon, il trahira l’héritage de Senghor.
Xibaaru : Votre parti est miné aujourd’hui par des contradictions internes avec ce qu’on peut appeler les cas Aissata Tall Sall et Khalifa Sall qui rament à contre-courant des orientations du parti et le maintien parfois contesté dans la mouvance présidentielle. Est-ce que ces facteurs n’hypothèque les chances du Ps social à revenir aux affaire ?
« Le Parti Socialiste doit quitter le Benno Bokk Yakaar pour mettre en place une nouvelle coalition avec les forces de gauche, avec les forces progressistes ».
Je ne suis ni le porte-parole de Khalifa Sall ni celui de Me Aissata Tall Sall. Je ne peux pas parler à leur place. Par contre, ce que je peux dire, c’est que le Parti Socialiste doit quitter le Benno Bokk Yakaar pour mettre en place une nouvelle coalition avec les forces de gauche, avec les forces progressistes. Le PS n’a aucune raison de rester dans la mouvance présidentielle. Le président Macky Sall a fini de déchirer les cahiers de doléances du peuple des Assises nationales, Macky Sall a déchiré la Charte de bonne gouvernance des Assises nationales, Macky Sall a déchiré le projet de constitution d’Amadou Moctar Mbow, Macky Sall a piétiné son rang et son statut en revenant sur sa parole donnée au peuple, en revenant sur son engagement de réduire son mandat de sept à cinq ans. Que fait le PS encore dans cette coalition ? Franchement, je ne comprends plus rien. Nous devons être plus ambitieux et plus audacieux. Notre vocation n’est pas d’accompagner Macky Sall. Notre vocation est de conquérir le pouvoir et de proposer aux Sénégalais une alternative radicale et concrète. La direction du parti doit se souvenir que nous sommes le Parti de Senghor. Nous ne sommes pas comme les autres.
Xibaaru : Qu’est-ce qui vous différencie alors des autres ?
Notre Parti est différent des autres parce que nous avons gouverné ce pays pendant quarante ans. Nous avons donné à ce pays des institutions républicaines solides. Donc, nous devons avoir la vocation de poursuivre l’œuvre de Senghor et non de s’accrocher aux basques d’un Macky Sall sans projet et sans vision.
Xibaaru : Votre parti a donné une consigne à ses militants à voter pour « Oui » lors référendum dernier. Quel bilan vous tirez au sortir du référendum qui a vu certains ténors du parti outrepasser les consignes de votre formation ?
Le référendum est un échec pour toute notre classe politique. C’est une preuve éloquente de la rupture qui existe entre le peuple les hommes politiques. Plus de 60% de nos compatriotes n’ont pas jugé nécessaire de voter. Ils se sont détournés de la politique et des hommes politiques. Cette situation nécessite une introspection. Léopold Senghor avait l’habitude de dire : « La révolte la plus grave n’est pas celle des bras armés, c’est celle des bras croisés : du refus ». C’est la raison pour laquelle la dernière Conférence nationale de la JDS avait pour thème : Oser réinventer la politique. Nous en appelons à une refondation de la politique dans notre pays pour redonner confiance au peuple.
Xibaaru : Aujourd’hui, l’image de l’homme politique est fortement écornée. Qu’est est à l’origine de cette perception du peuple qui n’accorde pas beaucoup de crédit aux activités politiques ?
« Le pays est gouverné par les mêmes logiques, le clan, la famille et le népotisme ».
Aujourd’hui, c’est toute la classe politique de notre pays qui est discréditée. Il y a une fracture entre le peuple et la classe politique. Le peuple aspire au changement, alors notre classe politique veut rester dans le statuquo, elle veut rester dans cette conception traditionnelle de la politique qui signifie, entretenir une clientèle, chercher des prébendes, chercher des places pour ses amis et sa famille. Macky Sall a réussi le coup de force de reconduire le système d’Abdoulaye Wade. Le pays est gouverné par les mêmes logiques, le clan, la famille et le népotisme. C’est pourquoi, j’invite encore notre Parti à préparer un projet politique alternatif avec les forces de gauche.
Xibaaru : Quel est votre point de vue sur le cumul de mandat qui est à l’ordre du jour aujourd’hui au Sénégal ?
« Ablaye Diouf Sarr est un apprenti dictateur, il doit revenir à la raison »
Le cumul ne doit pas être encouragé, mais ce n’est pas un prétexte pour faire régler des comptes. Le président doit commencer par balayer dans sa propre maison. Il devait commencer par respecter la charte de la bonne gouvernance démocratique qui interdit à un Président de la République d’être en même temps chef de parti. Le premier cumulard de ce pays s’appelle Macky Sall. C’est pour dire que la destitution de Mme Aida Mbodj est purement politique. La décision du ministre est arbitraire et attentatoire à l’Etat de Droit. Si un ministre peut se lever et destituer un président de Conseil départemental élu par ses concitoyens, c’est parce que notre démocratie est malade. Ablaye Diouf Sarr est un apprenti dictateur, il doit revenir à la raison.
Réalisé par Sarah Dramé pour xibaaru.com
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