L’autopont Cheikh Ahmadou Bamba sera redéployé sur un autre site, alors que le matériel est déjà disponible et de grosses sommes d’argent dépensées. Démarré depuis janvier 2019, le chantier est abandonné avec son lot de désagréments pour la circulation des biens et des personnes. Une décision de l’Ageroute qui suscite moult interrogations.
Sur des dizaines de mètres, les trous sur les trottoirs rendent délicate la marche des piétons. Avec des embouteillages monstres, la route dont l’exiguïté saute aux yeux concentre véhicules et individus où chacun vaque à ses occupations. A Castors et Dieuppeul, les travaux pour la réalisation de l’autopont Cheikh Ahmadou Bamba sur l’avenue Bourguiba sont à l’arrêt depuis un mois. Sur place, riverains, ouvriers et automobilistes ne comprennent pas cette décision de l’Ageroute. A l’angle de la station Total qui mène aux Hlm, des lignes de barricade entourent les tracés.
De l’intérieur, les tuyaux de canalisation de la Sen’Eau et de l’Office national de l’assainissement sont exposés à l’air libre. Les grosses lignes de la Senelec sont étalées le long des trottoirs, occasionnant du coup un réel risque d’électrocution pour les populations. Peinture volatilisée, murs fissurés, poussière enveloppant les bâtiments décorent les façades des immeubles.
Dans ce quartier de la commune de Dieuppeul-Derklé, des dizaines d’arbres vieux de plus de 50 ans ont été abattus le long de l’avenue Bourguiba. Les murs fissurés des maisons riveraines résultent, selon les populations, des vrombissements des bulldozers qui rasaient tout sur leur passage. «On balaie tout le temps, mais vous voyez la poussière qui se pose sur la terrasse», déplore Moustapha Gaye dont la résidence jouxte la banque Sgs. Ses voisins et lui habitent dans ce quartier depuis l’indépendance. Sur la route étroite, des éléments de la police tentent de gérer la circulation. C’est une queue d’automobiles qui s’étale sur presque plus d’un kilomètre, allant de la Cité des Eaux à la Banque of Africa de Dieuppeul. L’autre banque, à savoir la Sgs, voit impuissamment les lignes de barricade barrer la voie à ses clients. Même les agents de la banque n’ont pas où stationner leurs véhicules. La circulation est compliquée dans cet espace étroit d’où les marchands ambulants ont été déguerpis.
L’autopont Cheikh Ahmadou Bamba, raccordé sur 403 mètres de brettelles, fait partie des 13 autoponts lancés en janvier 2019 par le Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne. Les autoponts de Saint Lazare et de la Cité Keur Gorgui achevés, Yoff est en phase terminale. A Bourguiba, le matériel a été acheté, mais le chantier est abandonné. Certains tuyaux d’assainissement, à ciel ouvert à cause des chantiers, commencent à déverser du liquide. Où en est l’Ageroute ? Les populations sont dans l’émoi à cause de l’arrêt subi des travaux qui leur ont causé des nuits blanches.
Le directeur de l’Ageroute : «Redéployer l’ouvrage sur un autre site»
En réalité, ce chantier est tout bonnement arrêté. Le Quotidien a pu disposer d’une lettre du directeur général de l’Ageroute, envoyée à la société Matière Sas. «Au vu des contraintes de démarrage de tous ces projets au niveau de l’agglomération dakaroise, on note des difficultés accrues de circulation dans la capitale. C’est en ce sens que je vous demande de redéployer l’ouvrage de Cheikh Ahmadou Bamba sur un autre site qui vous sera défini dans les plus brefs délais, conformément au contrat qui nous lie», dit la missive.
En attendant, il est demandé à la société Matière Sas d’évaluer les dépenses effectuées. «Vu que le démarrage de cet ouvrage est entamé, je vous demande de transmettre un état récapitulatif des dépenses déjà engagées et l’ensemble des détails inhérents pour appréciation. Concernant le métal et les murs préfabriqués, ils seront utilisés sur un autre site. Cette instruction est prise en compte sur l’avenant qui sera mis en place ultérieurement pour entériner toutes les modifications initiées d’un commun accord», a écrit le directeur général de l’Ageroute à Thomas Rivalta, chef de projet à Matière Sas, une entreprise située à Fann Hock.
Aujourd’hui, les désagréments sont nombreux : Limitation de la circulation, trous creusés devant leurs maisons… Les populations de Castors et de Dieuppeul ne savent plus où donner de la tête. Elles ne comprennent pas le sort réservé à ce projet. «L’Ageroute a arrêté les travaux. Les portes de nos maisons sont creusées et les travaux sont abandonnés. L’hivernage, c’est dans quelques mois. On n’a pas été dédommagé parce que nous savions que ce projet était important. On a été républicain. Nous avons bien traité ceux qui géraient ce chantier. Tout d’un coup, on l’arrête», déplore Moustapha Gaye, dont les murs de la maison traînent les séquelles des travaux.
Dans ce projet entamé il y a près de 4 ans, des études de faisabilité ont été réalisées pour valider sa réalisation. «Ils nous ont dit qu’il n’y avait aucun risque. Mais apparemment, ce n’était pas la vérité. Nous avons voté pour Macky Sall qui a gagné ici en 2019. Nous ne méritons pas ce sort», insiste Moustapha Gaye, la mort dans l’âme. «J’ai mon véhicule, mais cela fait un mois que je suis obligé de prendre un taxi pour aller au travail parce que je ne peux pas sortir à cause qui ces trous creusés devant nos maisons», dénonce Aïda Gaye. Pour le moment, leur calvaire est loin de connaître son épilogue.
Quotidien