D’aussi loin qu’on se souvienne, on a toujours vu Ousmane Tanor Dieng, Moustapha Niasse, Djibo Kâ ou encore Amath Dansokho, sans parler des ex communistes Landing et Bathily, hanter les écrans télé ou les ondes de radio. Ce sont les figures immortelles de la scène politique sénégalaise. De vieux meubles dont on ne peut se débarrasser, soit parce qu’ils sont doués d’une certaine ténacité diable -à quoi carburent-ils, ces vieux bougres ?- soit parce que dans l’imaginaire de l’homme qui nous gouverne actuellement, ils possèdent encore quelque utilité. En fait disons le clairement, Macky Sall veut surtout éviter d’être confronté à un opposant crédible qui pourrait surgir de l’Afp ou du Ps ; du coup Niasse et Tanor sont devenus des Cerbères à sa solde, chargées d’étouffer la moindre velléité d’indépendance au sein de partis qu’ils s’accaparent comme une partie intégrante de leur patrimoine personnel. « Les hommes politiques restent de jeunes loups, jusqu’à ce qu’ils deviennent de vieux renards », disait le très fin Esope.
Sans verser dans un jeunisme primaire- d’autant plus qu’au Sénégal la relève a de quoi faire peur (écoutez attentivement Abdou Mbow, Thèrèse Faye, Barthélémy Dias et Fatou Thiam, vous aurez idée de la nature de mes craintes)- il est tout à fait déplorable de voir ces figures canoniques de la vie publique sénégalaise continuer à courir le diable dans l’espoir de picorer encore quelques miettes de pouvoir. J’estime que lorsque l’on a été candidat à une élection présidentielle à de multiples reprises, et qu’à chaque fois vous avez essuyé le mépris du peuple, la décence voudrait que l’on se retire pour aller profiter de la nature à Nguéniène ou planter des choux dans le Saloum. L’élection de Macky Sall à la présidence de la République était symbolique en ce sens que c’était la première fois que le Sénégal élisait un homme né après les Indépendances. Si l’élection de Wade répondait à une aspiration démocratique, celle de Macky était une promesse de renouveau. Renouveau générationnel, s’entend.
Cela, Messieurs Dieng, Kâ, Dansokho, Niasse n’ont pas eu la subtilité de le comprendre. Après l’élection de Sall, ils auraient dû avoir la finesse d’esprit de comprendre que pour eux, « the game is over ». C’est que le pouvoir rend accro, et se débarrasser d’une addiction relève de travaux d’Hercule. Demandez au golfeur Tiger Woods qui a dû requérir un internement en clinique pour vaincre une addiction au sexe.
Au fond, la maladie de ces dinosaures c’est la démesure égotique. Ces vétérans se croient irremplaçables, confortés qu’ils sont dans leur certitude de détenir la vraie compétence. Il suffit de les écouter verser leur eau tiède à longueur d’interviews, avec une morgue insupportable, pour avoir idée de la haute idée qu’ils ont d’eux-mêmes. Ils en arrivent même, ces illusionnistes, à nous persuader de leur divine compétence. Ainsi quelques analystes politiques nous répètent à longueur d’années que Djibo Kâ est un génie. Un génie de la lose, oui, certainement, tant cet apprenti Talleyrand a la passion de l’erreur et des stratégies foireuses. Le seul talent de nos immortels c’est de savoir s’accrocher. S’accrocher opiniâtrement au moindre privilège en vue et faire obstacle à toute de tentative de régénération.