Dès le lendemain de la course folle de Mohamed Lahouaiej Bouhlel qui a fait 84 morts sur la Promenade des Anglais à Nice, soit le vendredi 15 juillet, des officiers de police judiciaire ont fait un rapport au ministère de l’Intérieur sur les caméras de vidéosurveillance ayant filmé le drame, rapporte « le Figaro ». Aujourd’hui, la justice demande à la ville de Nice de supprimer ces images. Pourquoi ? « L’Obs » fait le point.
Que demande la SDAT ?
La ville de Nice est équipée de 1.256 caméras de vidéosurveillance, contrôlées en temps réel au Centre de supervision urbain de la ville par la police municipale, la police nationale, la gendarmerie et le parquet.
Mercredi 20 juillet, la sous-direction antiterroriste (SDAT) a envoyé aux agents du Centre de supervision urbain de Nice une demande officielle pour un « effacement complet » des enregistrements entre le 14 juillet 22h30 et le 15 juillet 18h pour « toutes [les] caméras ayant vues sur la scène de crime ».
« Nice-Matin » rapporte que, dès le vendredi 15 juillet, les officiers de police judiciaire auraient demandé verbalement au personnel du Centre de supervision urbain d’effacer les images de l’attentat.
La volonté de cacher des preuves ?
La requête sidère les agents niçois. « C’est la première fois que l’on nous demande de détruire des preuves », précise une source proche du dossier au « Figaro ».
« Le centre de vidéosurveillance et la ville de Nice pourraient être poursuivis pour cela et d’ailleurs les agents en charge du dispositif n’ont pas compétence pour se livrer à de telles opérations. »
Sauf que les images ne vont pas totalement disparaître. Vendredi 15 juillet, la SDAT a entrepris de récupérer et de copier les 30.000 heures de vidéosurveillance liées à l’attentat sur ses serveurs. Une vaste opération de sauvegarde qui serait terminée, selon « Nice-Matin ».
La police nationale rappelle au « Figaro » que « 140 caméras installées à Nice présentaient des éléments d’enquête intéressants. La police judiciaire a récupéré 100% des vidéos de ces dernières. »
« Il faut bien comprendre que dans ce genre d’affaires, la police judiciaire a entre déjà les mains toutes les vidéos des caméras qui ont filmé l’attentat », renchérit une source policière sous couvert d’anonymat à « L’Obs ». « Ces données, dans ces cas-là, sont immédiatement saisies après les faits et sont versés au dossier. Les preuves ne sont donc pas détruites. »
Pourquoi demander d’effacer ces images ?
La demande « a été faite pour éviter la diffusion non contrôlée et non maîtrisée de ces images », répond le parquet de Paris au « Figaro ». Même son de cloche du côté de la police nationale :
« La PJ [police judiciaire] et le parquet ont demandé d’effacer les images de ces caméras afin d’éviter l’utilisation malveillante de ces dernières par souci de la dignité des victimes et pour éviter la reprise de ces images par les sites internet djihadistes à des fins de propagande. »
« Nice-Matin » s’interroge sur « un tel empressement » de la sous-direction antiterroriste, rattachée au ministère de l’Intérieur. Surtout que ce type d’images sont automatiquement détruites au bout de 30 jours, selon limite légale, et sont rarement conservées plus de 10 jours pour des questions de coût et de temps nécessaire à la recherche d’un événement.
« Il ne faut pas voir des complots partout », tranche une source policière à « L’Obs ». « Cela me semble plus être une mesure technique. »
Que va faire Nice ?
L’avocat de la ville de Nice, Me Philippe Blanchetier, annonce à « Nice-Matin » que la mairie ne va pas accéder à l’injonction reçue, mais aussi qu’elle s’apprête à demander au procureur de la République de Nice de mettre sous séquestre ces images « afin de ne pas hypothéquer les éventuelles autres procédures qui pourraient voir le jour au-delà de l’enquête antiterroriste en cours ».