Samedi 18 juin 2016. Il est 10h 30 à Boutoute, un proche bourg à l’entrée Est de la ville de Ziguinchor. Sur les terres de ce village mythique de la Casamance est installée, depuis des décennies, la seule centrale à turbine qui permet à Ziguinchor d’avoir de l’électricité. Boutoute, c’est aussi le village du caporal-chef Yves Kanfany, ce soldat d’une quarantaine d’années, assassiné ce jeudi 16 juin, par des éléments encore dans la nature. Retour sur les traces des assassins du soldat Kanfany….
Yves…Kanfany. Un nom. Une histoire et une légende. Le nom, celui que porte des dizaines de familles mankagnes éparpillées entre la Guinée-Bissau et le Sénégal. Mais de tous les Kanfany, l’histoire de Ziguinchor a été marquée par l’empreinte de Marc. Tonton Marc Kanfany. L’un des tous premiers représentants de la loi à aller s’implanter à Boutoute, au tout début de la rébellion casamançaise. Marc, c’est l’homme de la légende, le fondateur de la dynastie Kanfany. Il est, aussi, celui par qui va passer la malédiction: avant Yves, c’est le père, Marc Kanfany, qui a été tué dans les mêmes circonstances. «C’était il y a 16 ans. Mon père a été assassiné de la même manière et jamais ses assassins n’ont été retrouvés», s’est indignée une des sœurs du caporal-chef.
16 ans plus tard, ça recommence
Mai, de l’an 2000. Il faisait très chaud à Ziguinchor et les premières gouttes de pluie n’avaient pas encore commencé à arroser la Casamance. «Au petit matin, on nous a appelés pour nous dire qu’on venait de découvrir le corps de tonton Marc, à Boutoute», se souvient un neveu du défunt policier. Égorgé, le policier avait été abandonné dans les carrières de sable de Boutoute. Et les tueurs ont simulé un meurtre exécuté par les rebelles.
À en croire les témoignages recueillis auprès de ses proches, le policier était parti de chez lui avec une mallette dont personne ne connaissait le contenu. Mais, lorsque son corps a été découvert, la mallette avait disparu. Ce qui laisse entrevoir une piste crapuleuse. «Où un rituel, car l’égorgement étant un acte de sacrifice suprême en milieu païen», a témoigné une source judiciaire ayant requis l’anonymat. «Aussi, a-t-il poursuivi, tout laissait croire que Marc avait été tué ailleurs et son corps ramené sur les lieux de la découverte ».
Quoi qu’il en soit, dans les heures qui ont suivi la découverte du corps de Marc Kanfany, la police judiciaire avait ouvert une enquête criminelle. «Mais jusqu’aujourd’hui, personne n’a été condamnée dans cette affaire. Le dossier ayant été classé. Si, 16 ans après, la même chose se reproduit, il est temps que les autorités judiciaires fassent leur travail, cherchent, retrouvent les assassins et les traduisent en justice», implore le vieux Boissy, un oncle du caporal-chef. Hier c’était le policier, aujourd’hui le soldat..
Ils le tuent et appellent sa famille au téléphone
Espérant que cela allait conjurer le mauvais sort, à 11h32 minutes, le téléphone de Désiré a sonné. Et, au bout du fil, le caporal-chef lui a déclaré être arrivé dans le cantonnement à Bofa. Mais, 30 minutes plus tard, c’est un coup de fil de Nazy K –un ami de Yves- annonçant la mort d’Yves Kanfany qu’a reçu Désiré. «J’ai d’abord pensé à une plaisanterie de mauvais goût. J’ai rappelé Yves à plusieurs reprises. Et, à chaque fois, je suis tombé sur la boite vocale», déclare-t-il.
Au préalable, après avoir abattu, par balle, le caporal-chef, le -ou les- assassin avait -avaient- appelé, à Dakar, l’un des frères de l’épouse du militaire pour lui annoncer son assassinat. «Aussi, c’est eux qui ont appelé la radio Sud Fm pour annoncer le décès du soldat», a témoigné une source judiciaire. Suivant les indications des tueurs, une patrouille de l’armée a découvert le corps de caporal-chef, à l’entrée de Guidel –où Djidel-, à une dizaine de kilomètres de Bofa, juste après Bambadinka. «S’ils pensaient qu’en tuant Yves ils auront réglé le problème de l’héritage de mon père, s’ils pensaient pouvoir accaparer nos biens, ils se trompent. Nous sommes nombreux et très soudés», a averti une des sœurs du défunt.
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