L’avocat spécialiste des questions foncières marque son désaccord avec la décision de suspendre les constructions dans plusieurs domaines du pays notamment sur le littoral. D’après Me Doudou Ndoye qui s’est expliqué dans le Grand Jury de ce dimanche 5 mai, le problème se trouve dans la démarche.
L’Etat du Sénégal, en suspendant les travaux dans certaines parties du pays, est dans une totale « illégalité ». Une affirmation de Me Doudou Ndoye. D’après l’avocat, il était nécessaire de procéder d’abord à des enquêtes avant de parler de suspension ou de destruction. L’ancien ministre de la Justice (1983-1986) explique que « même le procureur n’a pas le droit » d’agir de la sorte. « Ce dernier a pour rôle de constater une infraction et de le faire juger par un juge. Tant qu’un juge n’a pas jugé et dit que l’infraction existe, il n’y a pas d’infraction. C’est ce que l’on appelle la présomption d’innocence. » a-t-il laissé entendre.
En ce qui concerne le littoral dakarois, Me Ndoye a tenu à faire un rappel de l’histoire. « C’est l’Etat du Sénégal depuis le temps de Léopold Sédar Senghor, qui en a le droit aussi, qui a donné régulièrement des baux en bail emphytéotique à des gens pour donc 10 ans, 20 ans, 30 ans. Quand vous avez un bail, vous avez le droit d’occuper ce sol, de construire dessus ». L’ancien président de conseil national de réforme foncière considère que l’Etat doit d’abord chercher les violations de la loi.
«Le littoral marin qui doit faire 110 mètres à partir de la plus haute marée, c’est sur cette partie qu’il est interdit absolument de construire, analyse-t-il. Ceux qui parlent, est-ce qu’ils ont été voir la plus haute marée et mesurer en passant par les rochers pour savoir où se trouve la première construction, la plus proche de la plus haute marée pour dire qu’on construit sur le littoral. C’est à étudier. Je n’affirme rien. A partir de là, qu’est-ce qui existe. Aujourd’hui vous voyez des immeubles. Moi-même j’ai vécu une époque où il n’y avait pas d’immeubles mais des maisons construites en dur. C’était des maisons titrées. Ce sont des titres fonciers dont l’essentiel appartient à l’Etat du Sénégal. Donc ce n’est pas le domaine maritime. On ne titre pas le domaine maritime. La plus haute marée c’est lorsque l’eau vient jusqu’aux terres, là où elle s’arrête pour retourner à la mer. C’est à partir de là qu’on peut mesurer 110 m. C’est ça le domaine maritime et c’est inconstructible. Mais tout le reste est du domaine terrestre. On peut faire ce qu’on veut là-dessus sauf les règlements d’urbanisme et là, on n’est plus dans le droit foncier on est dans le droit de l’urbanisme. C’est la hauteur des constructions, les prospects, les vues, la manière dont on rentre et on sort, le droit de l’urbanisme, ce n’est pas de la propriété foncière, ce n’est pas de l’occupation du sol. »
Suivant l’avocat, s’il n’existe pas de violation du droit maritime, il faudra chercher du côté du droit de l’urbanisme et ainsi de suite. En tout état de cause, Me Doudou Ndoye estime important de mener des enquêtes et prouver qu’il n’est pas en règle avant de « toucher au bien de qui que ce soit ». Il rappelle que « le droit de propriété est protégé par la Constitution » et que toute atteinte aux libertés est punie par la loi. Par ailleurs, il évoque le fait que les fonctionnaires qui abusent de leur pouvoir sont passibles de poursuites.
Me Doudou Ndoye s’est également interrogé sur l’origine de la mesure de suspension. « J’ai vu dans un journal ou entendu le colonel qui dirige cette gendarmerie (Dscos) dire : « selon les instructions reçues ». Mais il n’a pas dit de qui. Il dit que selon les instructions reçues nous arrêtons tous les travaux. Le décret qui crée cette gendarmerie, la Direction de surveillance des sols (…) dit que cette direction peut être saisie par le président de la République, par le ministre des Forces armées, par n’importe quel ministre. Lequel des ministres ou du président de la République a donné instruction à la Dscos », s’interroge-t-il.
Avec Seneweb