De l’Arabie saoudite à l’Égypte, de la Bosnie au Maroc, les dignitaires musulmans appellent à « une action commune et soutenue » contre le terrorisme.
Après l’attaque anti-terroriste, incertitudes sur le sort d’Abdelhamid Abaaoud Comment les Européens peuvent-ils contribuer à l’effort militaire français ? « Les Français jouent un rôle clé dans la communication de Daech » Les dignitaires musulmans mettent en garde contre une compréhension erronée du « djihad ». Une fatwa contre Daech ! Dès le lendemain des attentats de Paris, le Conseil supérieur des oulémas du Maroc a émis un avis juridique pour criminaliser l’État islamique, qui a revendiqué ces attentats, et pour rappeler ce qu’est le « djihad légitime ». Celui-ci est « du ressort exclusif du grand imam à qui l’islam a donné le droit exclusif de le proclamer, d’y appeler et de l’organiser », peut-on lire dans un communiqué des oulémas relayé par l’agence de presse marocaine MAP. « DIEU N’AIME PAS CEUX QUI ATTAQUENT » « L’islam ne permet à aucun groupe ou individu de proclamer le djihad de leur propre chef », précise encore ce texte, soulignant que le « djihad légitime » se mène « contre soi-même à travers l’éducation, par la pensée, par l’écriture et par l’argent en faveur du bien et du développement socio-économique ». Ce qui n’en relève pas est du « terrorisme, de l’agression, de la terreur et du massacre d’âmes innocentes, actes formellement bannis par la religion islamique », conclut le Conseil des oulémas en citant deux versets coraniques : « N’attaquez pas, Dieu n’aime pas ceux qui attaquent » et « Quiconque tuerait une personne non coupable d’un meurtre ou d’un délit, c’est comme s’il avait tué toute l’humanité » (5,32). Les oulémas du Maroc rappellent encore que le « djihad par les armes » n’est un recours qu’en cas d’« extrême nécessité » lorsque les musulmans sont « attaqués par leurs ennemis et que toutes les voies pacifiques échouent ». ACTES « INHUMAINS ET NON-ISLAMIQUES » L’Union mondiale des savants musulmans (CEFR), qui condamne « avec fermeté » les attentats terroristes à Paris, cite cette même sourate 5 et réclame « la poursuite des auteurs de ces actes et leur traduction devant la justice afin qu’ils paient le prix de leur horrible crime ». Avant d’affirmer que de tels actes « ne sont approuvés par aucune religion, aucune conscience, aucune morale ». Ce n’est pas la première fois que des dignitaires musulmans lancent une fatwa contre Daech. En septembre, un millier de dirigeants de mosquées et d’institutions musulmanes indiennes en avaient signé une, élaborée par l’imam de Mumbai, Mohammed Hasan Misbahi, qui condamnait les actions de l’EI et dénonçait des actes « inhumains et non-islamiques ». Le grand mufti de Bosnie, pays comptant 40 % de musulmans (dont une minorité radicale qui prêche en faveur de l’EI), a affirmé samedi 14 novembre que les attentats de Paris étaient « un péché contre Dieu » et que leurs auteurs ne représentaient pas l’islam. « Le terrorisme ne peut aucunement être justifié, ni d’un point de vue moral, ni religieux, ni politique », a martelé Husein Kavazovic. « S’UNIR POUR FAIRE FACE À CE MONSTRE » De même, au Caire, le grand imam d’Al-Azhar, considéré comme la principale autorité de l’islam sunnite, a appelé « le monde entier à s’unir pour faire face à ce monstre ». De son côté, l’Égyptien Nabil al-Arabi, secrétaire général de la Ligue arabe (organisation à statut d’observateur auprès de l’ONU, 22 États membres) a demandé à ce que « tous les efforts soient menés afin de combattre le terrorisme ». Quant à l’Organisation de coopération islamique (basée à Jeddah, en Arabie saoudite), elle a lancé dimanche 15 novembre, selon les mots de son secrétaire général, le Saoudien Iyad Madani, « un appel urgent à engager une action commune et soutenue dans une lutte sans merci contre le fléau du terrorisme, devenu l’ennemi principal de l’humanité tout entière ». Sans toutefois, là encore, préciser la nature de ce terrorisme. Dans leurs communiqués, les autorités musulmanes refusent en effet de qualifier d’islamiste ce terrorisme, estimant qu’il n’a rien à voir avec l’islam. CLAIRE LESEGRETAIN