Le résultat du référendum britannique sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne a provoqué de nombreuses réactions chez les politiques français, qui semblent désormais tous animés d’une même volonté : ne plus oublier les eurosceptiques.
Décidément, Manuel Valls n’en finit pas de vouloir rassurer la partie de l’électorat de gauche inquiète des dérives libérales de l’Union européenne (UE). Aprés avoir affirmé pour la 1 ére fois, dimanche 26 juin, qu’il était contre le traité transatlantique, le Premier ministre a menacé, une semaine plus tard, de ne plus appliquer la directive sur les travailleurs détachés. « Si ce n’est pas possible de convaincre, il faudra revenir là-dessus », a-t-il affirmé sur TF1, critiquant un « dispositif européen qui fait des ravages majeurs, terribles, dans le monde des salariés, le monde ouvrier ».
Pour la gauche gouvernementale, il s’agit de reprendre à son compte certaines critiques adressées à Bruxelles par son aile gauche. Manuel Valls ne fait en réalité qu’adopter la ligne de son ancien ministre de l’Économie Arnaud Montebourg, n’hésitant pas à affirmer à propos du référendum britannique qu' »un choix a été fait » et qu' »à partir de ce choix, il faut refonder le projet européen ».
C’est à la même logique qu’a obéi François Hollande lors de sa première réaction officielle au lendemain du Brexit. « La décision britannique exige aussi de prendre lucidement conscience des insuffisances du fonctionnement de l’Europe et de la perte de confiance des peuples dans le projet qu’elle porte », a-t-il déclaré, vendredi 24 juin. « Un sursaut est nécessaire, a-t-il ajouté. L’Europe, pour aller de l’avant, ne peut plus faire comme avant. »
Dix jours après le vote britannique, les conséquences du Brexit se font ainsi d’abord sentir en France dans le discours des politiques. Qu’ils soient de gauche ou de droite, tous ont été contraints d’accepter qu’une partie non négligeable de la population européenne n’était pas en phase avec la façon dont l’UE se construisait. Et chacun, depuis le référendum britannique, tente désormais d’adapter sa rhétorique pour toucher cet électorat eurosceptique.
« Si on regarde la répartition territoriale, le vote du ‘leave’ au Royaume-uni est clairement celui des victimes de la mondialisation, explique à France 24 le politologue Thomas Guénolé, auteur de « La mondialisation malheureuse », à paraître chez First le 15 septembre. C’est le vote des territoires désindustrialisés de l’Angleterre qui pourrissent depuis 30 ans. Or cet électorat existe aussi en France. C’est celui qui avait voté ‘non’ au référendum sur la Constitution européenne en 2005. Les politiques tentent aujourd’hui de s’adresser à lui. »
Flou artistique et cacophonie dans les réactions politiques
Mais ce qui frappe à écouter les réactions et propositions à gauche comme à droite, c’est le flou artistique. « La plupart des politiques ont manifestement été pris de cours par la victoire du ‘leave’ et ont improvisé leurs positions, note Thomas Guénolé. Le fonctionnement en flux continu des médias de masse a conduit la classe politique à dire quelque chose à tout prix et à multiplier les positions bâclées et inconsistantes. Tout le monde parle de construire un nouveau projet européen mais personne n’a dit précisément ce qu’il voulait. »
Les eurosceptiques, grands gagnants du Brexit
Les seuls n’ayant pas eu besoin de faire évoluer leur discours sont finalement ceux qui n’ont pas attendu le Brexit pour critiquer l’Europe. « Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Arnaud Montebourg sont clairement les trois grands gagnants du résultat du référendum britannique », affirme Thomas Guénolé.
Arnaud Montebourg est sur une ligne de rejet des politiques d’austérité et critique régulièrement les insuffisances démocratiques de l’UE. Marine Le Pen prône depuis longtemps un référendum sur la sortie de la France de l’Union européenne. Le Brexit lui permet d’enfoncer le clou. Et, contrairement à 2012 où il était dans l’ambigüité, Jean Méchenchon s’est lui aussi positionné récemment pour une sortie de l’UE au cas où il n’arriverait pas à mettre fin aux politiques d’austérité.
Surtout, le Brexit a créé un précédent en montrant que le choix d’une autre voie était possible. Et si la livre sterling et l’économie britannique devaient éviter dans les prochains mois l’effondrement qui leur était promis, cela donnerait des arguments aux eurosceptiques qui gagneraient alors en crédibilité.
Le ton pourrait bien être donné pour 2017. Le Front national ne devrait en effet plus être seul à tenter de convaincre cet électorat déçu par le projet européen. Marine Le Pen avait notamment jusqu’ici un monopole sur la thématique de la sortie de l’UE. « La clarification de Jean-Luc Mélenchon change la donne, estime Thomas Guénolé. Cela devrait empêcher Marine Le Pen de continuer à gagner des électeurs sur le rejet de l’Europe, ce qui obligera le FN à se ‘relepéniser’ en stigmatisant les musulmans. »