En Angola, le président José Eduardo dos Santos, au pouvoir depuis 37 ans, ne briguera pas de nouveau mandat lors des prochaines élections. C’est son ministre de la Défense, João Lourenço, qui sera en tête de liste aux prochaines législatives et qui deviendra, par conséquent, chef de l’Etat si son parti, le MPLA, l’emporte. Certains analystes parlent d’une stratégie de partir pour mieux rester.
Le président angolais l’a confirmé officiellement, vendredi 3 février, lors de l’ouverture du congrès extraordinaire du MPLA, parti au pouvoir. Il avait déjà laissé entendre, à plusieurs reprises, qu’il pourrait laisser la main mais, jusqu’à présent, ces annonces ne s’étaient jamais concrétisées. Au contraire, le chef de l’Etat avait sanctionné ou écarté ceux qui avaient saisi l’occasion pour exprimer leurs propres ambitions. Alors pourquoi la situation est-elle différente cette fois-ci ? Qu’est-ce qui a poussé José Eduardo dos Santos à se retirer ?
Joint par RFI, Ricardo Soares de Oliveira, professeur de Sciences politiques à l’université d’Oxford, émet l’hypothèse d’une stratégie, de la part du président angolais, pour mieux contrôler le pays à long terme.
« Il a sans doute pensé à la possibilité de rester jusqu’à sa mort mais compte tenu de tous ses intérêts – pas seulement ceux de sa famille mais aussi les intérêts d’une élite qui dépend de lui – ce serait une transition extrêmement traumatique. Aussi, c’est sans doute une stratégie de partir pour mieux rester parce qu’il veut protéger ses intérêts à long terme. Dans ce contexte, il faut voir ce qu’il est en train de faire depuis deux, trois ans au niveau de l’économie et la façon dont il positionne des membres de sa famille à des postes importants : la Compagnie nationale pétrolière est ainsi contrôlée par sa fille, Isabel dos Santos ; le Fonds souverain angolais est contrôlé par un de ses fils, José Filomeno et beaucoup d’autres exemples dans les banques soi-disant privées mais qui sont en fait très contrôlées politiquement. Il est en train de placer ses alliés dans l’échiquier politique et économique pour contrôler le pays à long terme », a déclaré, à RFI, Ricardo Soares de Oliveira.
Garder le contrôle du MPLA
José Eduardo dos Santos ne sera donc plus président dans quelques mois mais il reste, à 73 ans, à la tête du parti majoritaire, le MPLA, ce qui lui permet de conserver un certain nombre de pouvoirs comme celui de nommer les responsables de l’armée ou encore d’intervenir dans le choix des candidats pour les législatives.
Joint par RFI, Alex Vines, du Centre de réflexion britannique Chattam House, constate que, politiquement, l’Angola est plus proche de l’Afrique australe que le l’Afrique centrale.
« Le fait que le président Dos Santos conserve la direction du parti après les élections signifie qu’il conservera une grande influence et qu’il continuera de garder un œil sur son héritage. On assiste à un processus de transition gradué, assez classique de la manière dont fonctionne le MPLA, le parti au pouvoir, c’est à dire de privilégier les changements progressifs, tout en douceur », fait-il remarquer.
« Ce qu’il y de prometteur avec cette désignation, c’est que l’Angola est en train de se rapprocher des scénarios que l’on observe en Afrique australe, un peu moins présidentialistes et cela montre surtout que cela coupe court au scénario dynastique, si tant est qu’il y ait eu cette tentation. Rappelons que ces dernières années, beaucoup pensaient que le président Dos Santos tenterait d’imposer, à sa suite, l’un de ses enfants. Cela n’arrivera pas. De ce point de vue, l’Angola est différent de ses voisins comme le Congo Brazzaville ou la région des Grands Lacs. On voit bien que politiquement, l’Angola est plus proche de l’Afrique australe que de l’Afrique centrale ».
rfi