J’entends prospérer une curieuse musique concernant le candidat de Pastef que d’aucuns n’hésitent pas à considérer comme LA solution à tous les problèmes du Sénégal. Je n’exagère rien. J’ai lu et entendu ça plusieurs fois. Il s’y ajoute que l’excès de zèle de certains militants de son parti traduit cette conviction qui voudrait que le Sénégal n’attende que M. Sonko pour s’engager définitivement sur les rampes du développement.
Je voudrais attirer l’attention de tous sur la stérilité voire la dangerosité d’une telle conception des choses. Si le Sénégal avait ses solutions entre les mains d’un seul homme cela se saurait. Que de
valeureux concitoyens qui se sont battus pour nous sortir la tête de l’eau. Beaucoup ont été contraints de constater leur échec. Et je ne ne fais pas uniquement allusion aux Présidents de la
République qui n’ont été qu’au nombre de quatre à ce jour. Je ne suis pas wadiste, mais je pense que le leader de Pastef égalera difficilement le Abdoulaye Wade des années 80-90 en termes de vision pour le pays, de sacerdoce pour la Nation et de don de soi pour la patrie. Pourtant, après 12 ans de magistère, le bilan du Pape du Sopi est en demi-teinte compte tenu de nombreux impairs en matière de politiques publiques dont nous payons encore les conséquences aujourd’hui.
Il est bon de faire observer que notre pays a trop souffert de son attente du fameux messie qui viendrait à bout de toutes ses souffrances. On en oublie une vérité presque universelle qui est que la
solution aux maux d’un pays réside dans chaque citoyen pris individuellement, dans le quotidien de celui-ci et dans la contribution qu’il peut apporter à la construction nationale. Le fait est qu’au Sénégal, nous semblons plongés dans une apathie collective que nous devons aux nombreuses déceptions politiques essuyées pendant des décennies. Nous attendons donc passivement quelqu’un
qui, comme par enchantement, sortirait notre pays de l’ornière. Il s’agit là d’un problème majeur que chacun de nous doit s’employer à résoudre en ce qui le concerne.
J’ai eu l’opportunité de discuter pendant près d’une heure avec M. Sonko à Paris en prélude de la présentation de son livre sur le pétrole. Cet échange fructueux m’a permis de voir que certains de ses militants ne lui rendent pas service ou ne saisissent tout simplement pas son message quand ils s’entêtent à voir en lui un « messie ». Je veux croire que le leader de Pastef est à mille lieues de cet
état d’esprit qui traduirait une arrogance sans nom. En effet, l’une des caractéristiques d’un bon dirigeant dans un pays aussi « délabré » que le nôtre doit être l’humilité. L’exercice du pouvoir est sans commune mesure avec sa conquête. Elle est toujours difficile et souvent périlleuse. S’agissant de notre pays, cette humilité s’impose d’autant plus que jusqu’à présent tous ceux qui ont échoué à le mettre sur orbite ont eu comme principal obstacle le Sénégalais lui-même dans son rapport biaisé avec le pouvoir politique et sa curieuse façon d’appréhender son propre sort et celui du pays.
Le défi de tous n’est donc pas de réélire un énième Sénégalais à la tête du pays. En effet, même s’il s’appelle Sonko, nous n’avons aucune garantie sur la conformité de ce qu’il fera avec ses promesses électorales, car, comme le remarque un brillant penseur, « le pouvoir nuit gravement à la perception de la réalité ». Au demeurant, sur ce plan, tous les candidats n’ayant jamais exercé le pouvoir – les vierges comme on dit – sont logés à la même enseigne. On ne peut que leur faire confiance sur parole. Dès lors, au lieu de personnaliser les débats sur telle ou telle personnalité, nous ferions mieux de nous attaquer à ce chantier de refondation nationale qui ne saurait prospérer qu’avec un mouvement populaire d’envergure reposant sur une vision claire chez une majorité de sénégalais du Sénégal que nous voulons laisser à nos enfants et petits-enfants.
La mayonnaise de ce mouvement populaire n’a aucune chance de prendre aussi longtemps que le débat restera un jeu de « punching-ball » intellectualo-intellectualiste dans les salons ou les réseaux
sociaux. En clair, cette dynamique salutaire ne s’enclenchera pas si le paysan, le pêcheur, la ménagère, le maçon, le mécanicien, le marchand ambulant, le tailleur, le chômeur, le mendiant… –
bref le goorgoorlou sénégalais – ne se sent pas concerné. Il apparaît en définitive que le débat est bien plus complexe que les simplifications observées ça et là et qui s’expliquent sans doute par des exigences électoralistes.
PS: je précise que je fais partie de ceux qui ont porté Sonko à l’Assemblée Nationale pour avoir voté et appelé à voter pour lui en juillet 2017.
Seydina Omar Ba