Vous ne serez jamais sans émotion en sa présence. Peur, pitié ou encore admiration, «Dof Ndeye» ne laisse pas son auditoire indifférent. Il est la preuve que l’inspiration peut venir de partout dans ce monde, même des situations les plus folles.
La vie n’a pas été tendre avec lui. A 12 ans, alors que le gamin qu’il était aspirait à devenir quelqu’un de grand, sa mère a subitement perdu la raison. Il a ainsi vu ses rêves réduits à néant. Pour autant, Alassane Diallo, alias «Dof Ndeye» ne compte pas se voiler la face, en dissimulant ce qui s’apparente, pour beaucoup, à une honte et, par la même occasion, se dérober à son rôle de fils. Loin de là. «C’est pour montrer que je n’ai pas honte que j’ai décidé de faire d’elle mon porte-étendard, mon nom de scène», révèle-t-il fièrement, la main sur le cœur. Il porte la voix, par le Rap, de ceux qui ont perdu les plaisirs d’un amour maternel : «Je veux donner l’exemple à ceux qui vivent la même mésaventure que moi, il ne faut pas cacher cela. Ils doivent se consacrer pleinement à leur mère (ou tout autre parent) comme je le fais. Je m’occupe de sa toilette personnelle, de son linge et de ce qu’elle mange.» «Dof Ndeye» veut changer les esprits. Le regard des gens ne le gêne pas, quand il fait ses courses en compagnie de Awa Kassé dite Awa Guèye, sa maman. Combien de personnes vivent avec des déficients mentaux dans leur famille et le cachent ? Elle a pris une telle importance dans sa vie qu’elle est devenue une force, une source d’inspiration…
«Ma mère, ancienne mannequin qui a perdu la raison»
Awa était mannequin. Du jour au lendemain, elle a eu des crises et perdu la raison. «Les mauvais esprits l’ont touché.» Sérieusement atteinte, aucun des efforts pour la soigner n’a abouti. Dans la famille, les rites pour les esprits existent depuis des générations. L’espoir de la voir guérie existe toujours. Alors, on se fie à la volonté divine : «Si elle doit guérir, elle le sera.» En attendant, «Dof Ndeye» invite fréquemment ses amis chez lui, en présence de celle-ci, pour leur montrer sa vision de son art : «J’aurais pu raconter la partie sombre de ma vie dans ma musique et tenter quelques jeunes par la même occasion. A un moment donné, j’étais dans le game. Mais j’ai décidé de me consacrer aux sujets familiaux et sociaux pour réconcilier les cœurs.» Ses titres «Geureum naala» et «Ndoumbélane» sont très émotifs. Il reçoit beaucoup d’appels par jour de personnes qui l’encouragent. Certains vont même jusqu’à lui raconter leurs propres expériences et, grâce à lui, apprennent à vivre avec leurs parents, déficients mentaux : «Une femme m’a dit qu’elle n’a jamais osé présenter sa mère, restée au village, à son mari, car elle a peur de lui avouer qu’elle est folle. Si mon histoire permet à certain de briser la glace, ce serait un succès.»
Cette nouvelle donne a séduit quelques responsables de son quartier, Grand-Yoff, dont le maire. Celui-ci l’a nommé ambassadeur de la sensibilisation contre le banditisme à Grand-Yoff. Un rôle qu’il prend très à cœur en s’impliquant dans la lutte contre la violence dans sa commune. L’oisiveté étant la mère de tous les vices, il appelle les autorités locales à trouver un emploi aux jeunes, afin de les occuper et les sauver de la rue.
Un passé de délinquant
Son ambition dans la musique n’a pas de limites. Il voit grand et compte le faire comprendre très vite. Son appétit le destine à être «Ten Pac», en lieu et place de «Two Pac». Multiplier l’héritage de ce monstre du Hip-hop pour être au sommet. Mais d’abord, démarrer par le bas, au plus près de ses fans. C’est pour cela que, dans son album de 16 titres encore en studio, 12 ont été offerts à son public, disponible sur Internet. Mais la casquette d’enfant de la rue lui colle encore à la peau. Son allure désordonnée témoigne de son enfance tumultueuse. Son corps porte les stigmates des combats physiques et moraux qu’il a menés. Des cicatrices partout, un regard évasif. Celui qui était en colère contre le monde, est tombé dans la délinquance, dans un «game» qu’il a eu beaucoup de mal à maîtriser. Une adolescence difficile qui a énormément joué dans sa vie : «Quand ma mère est tombée malade, j’ai arrêté mes études. Il n’y avait plus personne pour s’occuper de moi. Mon père a consacré tout son temps à soigner sa maladie. La seule grande sœur que j’avais, était à peine plus âgée que moi.» Heureusement, il avait un talent en lui…
Deux épouses le même jour
Les gênes artistiques de son père, un artiste plasticien doublé d’un peintre. Mais pour lui, cela s’est manifesté à travers le Rap. Il aime relever les défis. Au point d’épouser deux femmes le même jour, il y a deux ans. Un ménage à trois qui a, cependant, fait long feu. La première épouse en a eu marre de jouer le jeu et a fini par divorcer. Aujourd’hui, il vit bien son ménage tout en gardant, dans un coin de la tête, qu’il est le fils de la folle du quartier, comme en atteste ces paroles de sa chanson fétiche : «Je suis le fils de la folle. Je ne laisserai pas ma folle de mère et suivre la vôtre. Je ne veux pas de Marème Faye Sall comme mère. Je ne veux pas de Mimi Touré comme mère. Je ne veux pas d’Aminata Tall. Crazy Mama, la folle du coin, est ma mère…» Voilà qui a le mérite d’être clair !
Source : people.sn