-Comme ça, Aïda Mbacké, la femme qui a brûlé vif son mari, Khadim Ndiaye, souffrirait de “troubles mentaux graves”. C’est ce queson médecin traitant aurait déclaré, d’après le journal “Libération”. L’on apprend même que son audition risquerait d’aggraver son cas. Son inculpation et son placement sous mandat de dépôt, n’en parlons pas.
Entendons-nous bien, nous sommes mal placés pour douter du diagnostic d’un médecin. Nous n’en avons ni les études, ni les aptitudes. Et nous savons qu’au moment d’être admis à exercer la médecine, le médecin promet et jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité. Son premier souci devrait être de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. Mais aussi, de respecter toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. Il doit intervenir pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Toutefois, même sous la contrainte, il ne devrait pas faire usage de ses connaissances contre les lois de l’humanité.
C’est pourquoi, pauvres journalistes que nous sommes, nous n’aurons jamais l’outrecuidance de contredire un toubib, un spécialiste, qui doit faire du serment d’Hippocrate son bréviaire.
Nous pouvons, toutefois, nous poser des questions « légitimes ».
La dame a-t-elle une fois de sa vie souffert de troubles psychiques ? A-t-elle eu des antécédents de troubles mentaux qui pourraient justifier son acte criminel ?
Les troubles qui seraient diagnostiqués par son médecin-traitant se sont-ils manifestés avant ou après son acte ?
Ne cherche-t-on pas, sans le dire expressément, a faire bénéficier à cette dame de bonne famille des dispositions de l’article 50 du code pénal ?
Nous n’avons aucune réponse à ces questions. Ce que nous savons, en revanche, c’est qu’il est fréquent de voir un prévenu ou un accusé faire le fou devant une juridiction. Ou même un avocat de la défense invoquer la démence pour tirer d’affaire son client.
C’est parce que l’article 50 du code pénal sénégalais dispose que «il n’y a ni crime ni délit lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l’action, ou lorsqu’il a été contraint par une force à laquelle il n’a pu résister».
À la lecture de cet article, on se rend compte que la démence n’est pas seulement perçue par le législateur comme un état, mais comme une maladie spécifique. Dans les stades évolués de la démence, les personnes atteintes peuvent être désorientées dans le temps (ignorant le jour, la semaine, le mois ou l’année), et dans l’espace (ignorant où ils se trouvent), ne plus reconnaître des personnes familières, ou encore ne plus se rappeler les actes commis.
C’est pourquoi, la démence, en droit, justifie la mise en place d’une mesure de «tutelle» ou de «curatelle» (mesures prononcées par un juge et permettant à un tuteur de protéger et d’administrer les biens d’une personne dont les capacités physiques ou mentales sont altérées) et l’annulation d’un acte juridique. Elle constitue une cause d’irresponsabilité pénale.
Une personne inculpée pour un délit ou un crime est libérée, s’il est prouvé qu’elle était en état de démence au moment des faits, n’est pas responsable pénalement, même s’il lui est fait obligation de réparer les conséquences matérielles et morales de ses actes dommageables.
Mais on n’en est pas encore là, en ce qui concerne le cas Aïda Mbacké. La pilule de sa démence sera d’ailleurs difficile, très difficile, à faire avaler aux Sénégalais épris de justice.
IGFM