Une semaine après l’incarcération, à Dakar, de l’homme d’affaires Bibo Bourgi malgré un état de santé précaire, la Commission d’arbitrage des Nations unies sur le droit commercial international a ordonné à l’État sénégalais de le laisser se rendre en France pour raisons de santé.
Nouveau rebondissement dans le bras de fer que se livrent l’État du Sénégal et l’homme d’affaires Ibrahim Aboukhalil (surnommé Bibo Bourgi) en marge de l’affaire Karim Wade. Accusé d’avoir été le principal prête-nom du fils de l’ancien président, condamné en mars 2015 par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), Bibo Bourgi avait lui-même écopé d’une peine de cinq ans d’emprisonnement. En raison de deux pourvois successifs formés devant la Cour suprême, celle-ci n’est devenue exécutoire que depuis le 7 mars dernier, date où son dernier recours a été rejeté.
Lourde pathologie cardiaque
Entre-temps, l’homme d’affaires avait saisi trois juridictions arbitrales internationales en vue de contester la confiscation par l’État du Sénégal de plusieurs sociétés dont il est actionnaire. Parmi elles, la Commission des Nations unies sur le droit commercial international (CNUDCI). Le 5 avril, à l’occasion d’une audience préliminaire, les avocats de Bibo Bourgi avaient plaidé pour que l’instance arbitrale, au titre des mesures conservatoires, ordonne à la justice sénégalaise de l’autoriser à aller recevoir des soins en France. Souffrant d’une lourde pathologie cardiaque, Bibo Bourgi est en effet suivi par un service parisien spécialisé.
À plusieurs reprises, depuis sa mise en cause en 2013, l’homme d’affaires d’origine libanaise a produit des expertises médicales attestant que cette pathologie complexe ne peut être prise en charge au Sénégal et que son état de santé est incompatible avec la détention, même dans le cadre d’une unité spécialisée. Une thèse confirmée par un cardiologue sénégalais commis par la CREI, ce qui avait conduit les magistrats à remettre Bourgi en liberté au bout de deux mois, en juin 2013.
Bibo Bourgi écroué sans attendre la décision de la Commission de l’ONU
Sans attendre de connaître la décision de la CNUDCI, la justice sénégalaise a pourtant ordonné, au lendemain de l’audience arbitrale, le placement sous écrou de Bibo Bourgi. Le 7 avril, celui-ci était donc arrêté à son domicile et incarcéré au pavillon spécial de l’hôpital Le Dantec, à Dakar. Or mercredi 13 avril, l’instance arbitrale de l’ONU a implicitement désavoué la décision sénégalaise. Selon une source proche du dossier, la CNUDCI « a ordonné à l’État du Sénégal de prendre toute disposition pour permettre à Bibo Bourgi d’aller se soigner en France et ce, dans un délai de 20 jours ». Une autorisation valable pour un séjour de 30 jours, renouvelables en fonction de l’évolution de l’état de santé de l’intéressé.
Le cas de Bibo Bourgi provoque également des remous au sein du Parlement européen, où la députée socialiste Pervenche Berès vient d’interpeller le président Martin Schulz, lui demandant d’évoquer personnellement la situation de l’homme d’affaires (qui possède aussi la nationalité française) avec le président Macky Sall. Martin Schulz, tout en précisant qu’il avait déjà été alerté à plusieurs reprises sur l’état de santé de Bibo Bourgi, s’est engagé à accomplir cette démarche auprès du chef de l’État sénégalais.
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