Libération révèle que les autorités judiciaires françaises soupçonnent un trafiquant de drogue, Joel Saudron, né le 27 avril 1979 à Les Abymes (Guadeloupe), d’avoir blanchi plusieurs milliards dans des projets immobiliers et fonciers au Sénégal. Joel Saudron qui avait réussi à obtenir une carte d’identité et un passeport sénégalais, a été arrêté au Mali après avoir quitté précipitamment notre pays. Dans une commission rogatoire envoyée au Sénégal, les magistrats français révèlent une série de biens et de sociétés que le trafiquant, qui était marié à une Sénégalaise, posséderait.
Sur les traces d’un parrain
Soudron utilisait aussi les services de la société Demeco marine déménagement. Lors d’une perquisition au siège de cette entité, les enquêteurs ont mis la main sur 41 pains de cocaïne, soit 44 kilos et une somme de 288.000 euros conservée dans une pièce qu’occupait Sarah Demay. Joel Soudron bénéficiait également de la complicité de Yannick Chapiteau, qui disposait d’une embarcation puissamment motorisée qui était manifestement utilisée pour la récupération des ballots de cocaïne en pleine mer. Ce dernier a été confondu par l’identification de son Adn et d’une de ses empreintes digitales dans une pièce de stockage de la cocaïne dans les locaux d’Agedem international. Depuis lors, Yannick Chapitau a été mis en examen dans le cadre de l’information judiciaire ouverte à Paris pour association de malfaiteurs, blanchiment de stupéfiants et blanchiment en bande organisée.
Lors d’une perquisition au domicile de David Demay, frère de Sarah Demay qui a quitté précipitamment la Guadeloupe tout comme Saudron, les enquêteurs ont mis la main sur une série de documents qui révélait toutes les facettes de cette mafia. Il n’en fallait pas plus pour que le juge Hervé Robert décerne deux mandats d’arrêt internationaux contre les fugitifs.
Localisé à Dakar, aux Almadies…
Grâce à un travail acharné, les enquêteurs apprendront plus tard que Joel Saudron se la coule douce entre le Mali et le Sénégal. Mieux, il disposait d’une Carte d’identité nationale sénégalaise numéro 1781200800689 au nom de Jamal Olivier Kane et de deux passeports sénégalais (numéros A00052 et A00206491) au nom de Jamal Kane.
D’après les enquêteurs français, ces papiers ont été obtenus grâce falsification des registres de naissance d’Antigua. Après des mois de recherche, Saudron sera finalement localisé à la «Résidence Marrakech» sise aux Amaldies. En effet, le trafiquant- qui a finalement divorcé- s’était marié avec une Sénégalaise, N.B.D, avec qui il a d’ailleurs eu deux ans.
Il attaque le Mali devant la Cedeao et jure qu’il s’appelle Jamal Kane, né au Sénégal
Par on ne sait comment, Joel Saudron a appris que les autorités sénégalaises avaient été saisi pour son arrestation. Il quittera le territoire national pour le Mali. Sa cavale sera de courte durée puisqu’il y sera arrêté par Interpol et déféré au parquet du tribunal de grande instance de la Commune III du district de Bamako. Ecroué dans l’attente de son extradition, Joel Saudron portera plainte contre le Mali devant la Cour de Justice de la Cedeao prétextant qu’il était Sénégalais et que son nom était bel et bien Jamal Kane (voir fac-similé). La manœuvre n’allait pas prospérer puisqu’il sera débouté avant que le Président IBK ne signe son décret d’extradition.
L’argent de la drogue blanchi dans l’immobilier ?
Mais en pistant l’argent amassé par Saudron grâce à la drogue, les juges apprennent que «Jamal Kane» avait, au Sénégal, des parts dans une société immobilière très connue (nous y reviendrons) qui disposait de comptes (Société général et Banque atlantique) alimentés par la société S4MB à l’instar du compte suisse ouvert par Joel Saudron sous sa fausse identité sénégalaise. D’après toujours les magistrats, cette société immobilière avait un projet à la fameuse Cité Tobago, situé sur la Vdn qui devait regrouper à terme 45 villas standing, 50 appartements, des bureaux et des locaux commerciaux. La justice française révèle aussi que Joel Saudron était proche de la gérante d’une autre société immobilière qu’elle suspecte de blanchiment mais aussi de l’homme d’affaires sénégalais A.N qui s’adonnerait à la même pratique.
Outre la société immobilière, Joel Saudron serait, sous sa fausse identité, propriétaire de «Mood Ag Sarl Btp et décoration ; de la société Business hôtel Dakar Sa dont la gérance serait au nom de Peter Wiget (nom apparaissant aussi dans la société Mood) ; d’un terrain en vue de mer sur la Corniche qui devait accueillir un complexe résidentiel de 9 étages ; d’un terrain à Tivaouane Peulh destiné à la construction de 500 logements ; d’un terrain à Mermoz ; d’un terrain jouxtant le complexe hôtelier Sunugal mis en vente et d’une une auberge à Ndioum », selon le listing des juges qui ont transmis une commission rogatoire au Sénégal.
Ce, pour ouvrir une enquête sur tous les comptes bancaires ouverts dans notre pays par Joel Saudron sous sa fausse identité et procéder à leurs saisies. Les autorités judiciaires françaises demandent aussi au Sénégal d’ouvrir des enquêtes sur toutes les sociétés dans lesquelles Saudron détiendrait des parts mais aussi procéder à des perquisitions au siège ces structures.