Plus de cinq ans après les faits, l’assassinat de Boutèye Kounta Ndiaye est au menu de l’audience de la chambre criminelle de Dakar prévue ce mardi. La victime, qui vendait une Porsche Cayenne, a été kidnappée, tuée et dépouillée de son véhicule retrouvé en Guinée-Bissau. À la veille du procès, Seneweb retrace le fil de cette affaire qui comporte de nombreuses zones d’ombre. Épisode 1 : le jour où tout a basculé.
Lundi 9 mai 2011, cité Keur Damel. Dans une villa cossue de ce paisible quartier dakarois, Boutèye Kounta Ndiaye et son épouse préparent leurs valises. Ils doivent s’envoler dans la soirée pour Boston (États-Unis) où vivent leurs quatre enfants. Une belle semaine en perspective ! Mercredi 11, leur unique fille, pensionnaire de Salem State University de la capitale du Massachusetts, recevra son diplôme (Bachelor). Deux jours après, vendredi 13, le chef de la famille doit fêter ses 62 ans.
De l’autre côté de l’Atlantique, on se prépare à accueillir papa et maman. Le gâteau d’anniversaire du père est commandé ainsi que les cadeaux qui vont avec, notamment une montre, des lunettes de marque, un maillot des Boston Celtique (NBA), son équipe préférée.
«Un bon prix», au buzzer
Vers 8h 30 mn, le portable de Boutèye Kounta Ndiaye sonne ; le client intéressé par la Porche Cayenne qu’il cherche à vendre depuis quelques mois est prêt à payer «un bon prix». Enthousiaste à l’idée de conclure l’affaire au buzzer, le jour de leur départ pour les États-Unis, il prend congé de sa femme pour aller accomplir la transaction.
Il effectue un crochet au niveau de son parking situé à deux pas de son domicile, en face du complexe Yeungoulène. Et, selon les témoignages de deux de ses employés, il poursuit sa route en compagnie d’un jeune homme de teint noir, de taille élancée et de faible corpulence.
Après s’être entretenue au téléphone une première fois avec son époux, Mme Ndiaye tentera à plusieurs reprises de le joindre à nouveau sur son portable. En vain. «Une voix masculine» répond à la place de Boutèye Kounta Ndiaye. Assurant tantôt que ce dernier avait oublié son téléphone dans leur bureau tantôt qu’il était à la banque, pour les besoins de la transaction.
«Le message était truffé de fautes…»
Finalement la «voix masculine» ne décroche plus. Mme Ndiaye est intriguée. Elle reçoit un SMS «rassurant» censé provenir de son mari. Mais un détail frappe son attention : «Le message était truffé de fautes alors que son mari maîtrisait parfaitement le français», rapporte un témoin. Peu avant 23 heures, ne recevant aucune nouvelle, elle se résout à alerter la police.
Les idées noires l’envahissent. Le départ pour les États-Unis est remisé, mais il ne faut pas informer tout de suite les enfants de la disparition de leur père. Elle trouve un prétexte pour ne pas les affoler : «Delta a reporté le vol.» Son aîné remarque le trémolo dans la voix de sa mère et par l’heure tardive de son appel. Mais, il ne laisse rien transparaître de son inquiétude.
Mardi 10 mai, la police lance un message d’alerte au niveau des différents services de sécurité sur le territoire sénégalais. La Porsche de Boutèye Kounta Ndiaye est interceptée le même jour au niveau du poste frontalier de Kounkane, vers la Guinée-Bissau. De justesse, suite à une crevaison. Pape Mor Djité est au volant ; il était avec trois personnes prises en auto-stop.
Le lendemain, tout ce beau monde est mis à la disposition de la Dic (Division des investigations criminelles), qui hérite du dossier. Deux jours après et des interrogatoires serrés, le principal suspect passe aux aveux. Il avoue avoir commis le crime et jeté le corps.
«Mort par asphyxie mécanique»
Le cadavre de Boutèye Kounta Ndiaye sera retrouvé quatre jours après sa disparition à plus de 70 kilomètres de son domicile. Ligoté avec une corde et un madrier et mis dans des sacs de riz en plastique, il a été abandonné derrière l’école polytechnique de Thiès. Il était en état de décomposition très avancée. L’autopsie conclut qu’il est «mort à la suite d’une asphyxie mécanique par strangulation avec une cravate».
Ses enfants attendront «trois longs jours» avant d’apprendre la terrible nouvelle. «Sa fille obtiendra son diplôme, mais elle n’est pas allée à la cérémonie. D’ailleurs personne dans la famille n’y a assisté», indique un proche.
Boutèye Kounta Ndiaye sera inhumé le 14 mai 2011 à Darou Moukhty. Il laisse derrière lui une famille dévastée, un quartier sous le choc et de nombreuses interrogations autour d’une affaire truffée de zones d’ombre.
Plus de cinq ans après les faits, le dossier est au menu de l’audience de la chambre criminelle prévue ce mardi. Pape Mor Djité, qui a avoué le crime, et Talla Diassé, qui aurait aidé l’assassin présumé à se débarrasser du corps, seront dans le box des accusés. Ils sont poursuivis pour assassinat, association de malfaiteurs, recel de cadavre et non-dénonciation d’un crime. Ils risquent jusqu’aux travaux forcés à perpétuité. (À suivre).
Auteur: Ibrahima Fall – Seneweb.com