Le jugement en appel de l’affaire Ndiaga Diouf-Barthelemy Dias prévu, hier mercredi, n’a pas eu lieu. Evoqué devant la Cour d’appel de Dakar, le dossier a été renvoyé sur demande de l’un des prévenus, en l’occurrence Cheikh Makiyou Siby, dont les avocats étaient absents à l’audience.
C’était le procès de la semaine. Le jugement en Appel le plus médiatisé, le plus redouté aussi. Tant la sécurité du pays était engagée. On craignait même le réveil des démons de mars derniers, quand de violentes manifestations avaient éclaté à Dakar et peu partout dans le pays, suite à l’arrestation du député Ousmane Sonko accusé de viols répétés sur la masseuse Adji Sarr. Pour éviter tout débordement, les forces de l’ordre étaient parées au plus pressé. L’Etat avait pris toutes les dispositions utiles pour faire face.
Car, le contexte politique, avec l’investiture de Barthelemy Dias, principal accusé du meurtre de Ndiaga Diouf, comme candidat à la Ville de Dakar par la principale force de l’opposition, n’a fait que compliquer ce dossier de l’attaque de la mairie de Mermoz/Sacré-Cœur en 2011 qui traîne toujours devant la Cour d’appel de Dakar. A l’époque, des échauffourées entre le maire du Parti socialiste (Ps), Barthélémy Dias, et des «nervis» du Parti démocratique sénégalais (Pds), au pouvoir, avaient abouti à la mort de Ndiaga Diouf, tué par balle.
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Le dossier a été jugé en 2017 devant la Chambre correctionnelle de Dakar. Le juge avait rendu son jugement le 16 février 2017. Dans son délibéré, la Chambre avait déclaré Barthélémy Dias coupable des délits de coups mortels, d’association de malfaiteurs et de détention d’arme sans autorisation administrative. Le maire de Mermoz/Sacré-Cœur avait écopé d’une peine de 2 ans, dont 6 mois ferme. Ses co-prévenus, son garde du corps Habib Dieng et l’agent municipal Babacar Faye, ont écopé de la même peine. Barthélémy et Cie sont aussi condamnés à payer solidairement la somme de 25 millions de FCfa à titre de dommages et intérêts à la famille de Ndiaga Diouf. Quant aux «nervis» du Parti démocratique sénégalais (Pds), Samba Diouf alias Ndiol, Cheikh Mbakiyou Siby dit Cheikh Diop, Seydina Omar Mangane, Bocar Sy Doucouré, Badara Guèye, Bocar Sy, ils ont pris 2 ans avec sursis. Leurs camarades, Abdoulaye Diène, Amath Guèye et Malick Tiombane, ont été relaxés. Insatisfait de la décision rendue, le procureur de la République qui avait requis une peine ferme de 10 ans, a interjeté Appel. Aussi Barthélémy Dias a-t-il attaqué le verdict, faisant appel sur les intérêts civils.
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Le procès en Appel qui était prévu, hier mercredi, à la Cour d’appel de Dakar, n’a pas pu se tenir. Le dossier a fait, encore une fois, l’objet d’un renvoi. Motif, l’un des prévenus, Cheikh Makiyou Siby, ancien garde du corps de Me Abdoulaye Wade, souhaite être jugé en présence de son avocat. Ce qui a poussé le président Bara Guèye à décider de renvoyer le jugement au 1er décembre prochain.
Seul Cheikh Makiyou Siby et le père du défunt Ndiaga Diouf, partie civile dans cette affaire, ont comparu. Après avoir vidé ses dossiers mis en délibérés, le juge a évoqué en premier lieu le dossier de Barthélémy Dias, appelant tous les prévenus à la barre. Mais, Barthélémy et ses co-prévenus étaient absents. «Maître, où sont vos clients», demande le juge à Me Khoureysi Bâ, l’un des avocats de Barthélémy Dias. «Il devait être là. Peut-être, il (B. Dias) est coincé par le trafic», suppose la robe noire. Le président de séance a requis les observations du Procureur général. Et le maître des poursuites propose que l’affaire soit mise de côté, en attendant l’arrivée du prévenu principal, Barthélémy Dias. Toutefois, le juge demande à Cheikh Makiyou Siby s’il a un conseil pour sa défense. «Je n’ai plus de nouvelles de mes avocats. Il y avait Me Amadou Sall et autres. Mais, on ne s’est pas revu depuis le premier jugement», a déclaré Makiyou. «Vous voulez être jugé en l’absence de vos avocats», charge le président. Mais Cheikh Makiyou Siby ne veut pas prendre ce risque. Le prévenu souhaite constituer un conseil pour mieux préparer sa défense. Le président Guèye n’a pas hésité à renvoyer le jugement au 1er décembre prochain. La suite du procès s’est jouée dans les rues de Dakar entre Barthélémy Dias, Ousmane Sonko, Malick Gakou et les forces de l’ordre.
CHEIKH MAKIYOU SIBY, COMPAGNON DE NDIAGA DIOUF : «J’avais conduit Ndiaga Diouf et mes autres camarades à la marie de Barthélémy Dias»
Interpellé à la sortie de l’audience, Cheikh Makiyou Siby, l’un des prévenus de l’affaire Barthélémy Dias, s’est confié à L’Observateur. Se présentant comme un garde du corps de l’ancien Président de la République Me Abdoulaye Wade, il faisait partie du commando qui avait opéré une descente à la mairie de Mermoz/Sacré-Cœur. De son physique d’athlète, il a tenté de situer sa responsabilité dans la mort du lutteur Ndiaga Diouf.
«J’ai toujours répondu à la convocation du tribunal. Même lors du dernier renvoi, j’étais venu à l’audience. D’ailleurs, j’étais à la barre avec Barthélémy et le père de Ndiaga Diouf. Cette fois-ci, j’ai été convoqué par téléphone le 3 novembre dernier. Et le gars m’avait demandé mon adresse pour me remettre la convocation. Je lui ai indiqué mon domicile. Il m’avait dit qu’il allait venir le samedi 6 novembre. Mais, il m’a rappelé le jour pour me dire qu’il ne pourra pas venir. Parce que sa voiture était tombée en panne. Malgré cela, j’ai déféré à la convocation ce matin (hier).
Seulement, je souhaite être jugé en présence de mes conseils. Il y avait Me Amadou Sall et autres dans le pool d’avocats. Mais, je n’ai plus leur contact. Je suis prévenu dans cette histoire. C’est pourquoi, je souhaite commettre un nouvel avocat pour préparer ma défense. Je suis à la disposition de la Cour.
A l’époque des faits, je faisais partie des gardes du corps du Président Abdoulaye Wade. Ce jour-là, c’est moi qui avais conduit Ndiaga Diouf et mes autres camarades à la mairie de Mermoz/Sacré-Cœur, que je connais bien d’ailleurs. J’ai toujours assumé avoir conduit des gardes du corps là-bas. Mais, on n’avait pas l’intention de l’attaquer pour le tuer.
Durant cette période préélectorale, Barthélémy se rendait, avec ses jeunes, chez des autorités pour les remettre des lettres de menaces. Nous aussi, en tant que gardes rapprochés, nous avions eu l’idée de rencontrer des leaders politiques pour les inciter à l’apaisement. C’est dans ce cadre qu’on avait ciblé Barth. Je le connais, j’avais pris l’engagement de lui remettre la lettre. Pourtant, pendant ce temps, d’autres étaient chez Alioune Tine pour lui donner une lettre. Quand on est arrivé devant la marie de Mermoz, Barthélémy a été informé par ses proches. Il croyait qu’on était venu pour l’attaquer. Il a dégainé son arme et a tiré sur nous. Cinq parmi nous ont été touchés. Ndiaga Diouf qui avait de graves blessures, est finalement décédé.»
DOUDOU DIOP