Diallo Pithie. La seule évocation de ce nom renvoie à un personnage célèbre qui doit sa notoriété au commerce des oiseaux. Votre canard préféré vous plonge à travers ce dossier dans la vie de cet homme atypique qui a su se tracer un chemin dans une jungle où les forts écrasent les faibles. Sous ce rapport, nous avons mis le focus sur lui pour inspirer la jeunesse. Car rien de grand ne peut se faire ni ne se fera sans générosité ni héroÏsme. Diallo, c’est l’histoire d’un jeune entreprenant et ambitieux qui a quitté en 1933 son Fouta natal pour débarquer à Dakar dans l’anonymat le plus total et devenir célèbre grâce à la vente des oiseaux.
Âgé de 15 ans, il commence déjà à se débrouiller sur le débarcadère de l’île de Gorée où il plongeait pour récupérer des pièces de monnaie jetées par de touristes. Plus tard, il sera employé comme contremaître dans une usine de pêche.
Cette étape va changer le cours de sa vie car c’est dans cette usine que le déclic va arriver. Amadou Diallo remarque que beaucoup d’amis de son employeur venaient chez lui pour admirer des oiseaux. Il flaire un bon filon et décide d’aller attraper des oiseaux pour les vendre aux Européens. Il commence par les oiseaux de Dakar avant de s’étendre peu à peu à l’intérieur du Sénégal.
Diallo Pitchie raconté par ses enfants
Ses enfants, Alassane (69 ans) et Mamadou, retracent sa fabuleuse aventure. C’est à l’adolescence (16 ans) que « Diallo Pithie » débarque à Dakar. À l’époque, il est accueilli par la famille léboue de Amadou Alassane Ndoye. Il s’essaie à la natation et au cyclisme et travaille parallèlement chez un Français comme travailleur de maison. Il y apprend à parler français et y connut ses premières amours avec les oiseaux.
« En voyant les toubabs s’émerveiller à la vue des oiseaux, cela a créé un déclic chez lui. Et c’est là qu’il s’est demandé pourquoi ne pas essayer de ramener d’autres espèces en dehors de celles qui sont dans la maison », raconte Amadou, un de ses fils.
Diallo Pithie, sans le savoir, se lançait ainsi sur un chantier qui allait le rendre riche. Il parcourt les régions du Sénégal à la recherche d’espèces rares. De retour à Dakar, il se rendait au marché Kermel pour vendre ses oiseaux aux Européens, qui se les arrachaient. Le commerce commençait petit à petit à porter ses fruits. Et il commençait à asseoir une petite renommée à Dakar.
A la conquête du marché international
Les rêves pleins la tête, l’argent commençant à couler à flots, il décide de conquérir le marché international. Diallo Pithie décide de se rendre en Europe. « C’était dans les années 30, c’est-à-dire entre les deux guerres mondiales. Il s’est confectionné une grande cage. Il y a mis les oiseaux et a embarqué dans la cale du paquebot qui faisait la navette Dakar-Marseille-Dakar, avec de la provision en mil. Arrivé à Marseille, il a sorti sa cage d’oiseaux et s’est installé sur le quai », explique son fils. Les oiseaux se vendent comme du petit pain.
Après cette première expérience, il retourne à Dakar et décide de faire la navette Dakar-Marseille. Sur le vieux port, il se fait connaitre comme « l’Africain qui venait avec les oiseaux ». « Il s’est dit si ça a marché à Marseille, pourquoi ne pas essayer de chercher plus loin. Il a alors décidé d’aller à Paris. Le voyage suivant, il a pris ses oiseaux et y est allé ». Pour faire une économie de temps, il décide de faire le trajet par avion. « Il est alors allé voir, à l’époque, le chef d’agence de la compagnie Air France et lui a manifesté son désir de faire voyager ses oiseaux par avion, raconte son fils Alassane. Le monsieur a bondi de sa chaise et lui a demandé s’il allait bien. Il ne pouvait imaginer des oiseaux dans un avion. Mon papa lui a manifesté sa disponibilité à accompagner les oiseaux dans la soute de l’avion. Son interlocuteur lui a répondu que cela n’était pas possible d’autant plus que dans les soutes, il faisait un froid extrême. Et que la température était insupportable pour les oiseaux. Mais, cela ne l’a pas dissuadé. Il a alors répondu qu’il est prêt à tenter le coup, quel qu’en soit le risque. Pas trop convaincu, Air France l’envoie balader, avant de lui manifester plus tard, son intérêt ».
« Les oiseaux ont été mis dans une cage. Il s’est payé un billet d’avion et il est parti », révèle Alassane. En dépit de quelques mortalités, Diallo Pithie et ses oiseaux arrivent à destination. « Il s’est dit avec aussi peu de mortalité, mon problème est donc réglé ». Par la suite, il prend contact avec d’autres commerçants et d’autres compagnies aériennes. Après la France, il investit l’Italie. Avec le téléphone arabe, les gens ont commencé à parler des oiseaux du Sénégal. Son succès devient réel. Et dépasse outre-Manche. Il traverse l’Europe, les États-Unis, le Japon, etc. Bref, Diallo Pithie fait le tour du monde.
Pour l’aider dans ses comptes, le vieux Amadou, illettré, voyage avec son fils Alassane. « Le vieux passait récupérer son argent à Paris, à Marseille, à Stockholm, en Italie. Moi, j’ai fait le tour du monde avec lui. Même aux Usa, j’ai été avec lui pour rencontrer les clients, prendre des contacts, de nouvelles commandes. Ce commerce s’est, par la suite, tellement développé que toutes les compagnies aériennes voulaient collaborer avec lui, sachant que les oiseaux payaient tellement cher. Il était finalement choyé comme un roi de sorte que quand il voyageait, on lui offrait même le billet gratuitement du fait du chiffre d’affaires qu’il réalisait à travers le monde », raconte-t-il avec un brin de nostalgie.
DEVENU RICHE GRACE AUX OISEAUX
La plus célèbre route de Thiaroye porte son nom : Tally Diallo. Diallo, c’est l’histoire d’un jeune Foutanké qui a débarqué à Dakar dans l’anonymat pour devenir célèbre grâce à la vente des oiseaux. D’où le sobriquet de «Diallo Pithie».
O.S.E.R. Ces quatre lettres enseignées aux étudiants dans les grandes écoles de Commerce du monde et qui, dit-on, sont à la base de tout entreprenariat, un jeune Toucouleur du nom d’Amadou Diallo, plus connu sous le nom de «Diallo Pithie» ou «Diallo oiseaux», les avait déjà en bandoulière lorsqu’il quitta son Fouta natal pour aller à l’assaut de la grande ville de Dakar. C’était en 1933. Il n’avait que 15 ans. Mais, déjà les premiers jalons d’un «Succès story» qui allait émerveiller plus tard les Sénégalais dont l’ancien président de la République, Léopold Sédar Senghor et son épouse, Collette. Pourquoi Amadou Diallo avait-il choisi Dakar et pas les champs du Fouta où ses camarades s’en donnaient à cœur joie sous un soleil ardent ? «Parce qu’il était très entreprenant. C’est quelqu’un qui aimait le défi et surtout l’originalité. C’est à Dakar qu’il voyait la possibilité d’entreprendre quelque chose et non pas au Fouta», explique un de ses enfants, Il a bien vu et son coup est porté vers le succès. Amadou Diallo commence par les oiseaux de Dakar avant d’étendre son champ de chasse à l’intérieur du Sénégal. Dans de nombreuses localités, il organise les jeunes des villages en leur fournissant tout le matériel nécessaire à la chasse aux oiseaux. Les jeunes s’intéressent davantage à l’activité, car Diallo achetait les prises à un prix fort. La stratégie paie de sorte que des jeunes d’autres localités plongent dans le nouveau business. A l’arrivée, Amadou Diallo a implanté dans plusieurs localités du Sénégal des zones de stockage d’oiseaux.
On le prenait pour un fou
Dans son domaine de Thiaroye, il aménage une grande concession juste pour y abriter des oiseaux. Ses proches se rappellent que les gens en rigolaient. C’est de ces moqueries, d’ailleurs, qu’on lui avait collé le sobriquet de «Diallo Pithie». Certains habitants de Thiaroye étaient même allés jusqu’à le considérer comme un fou. «Ici à Thiaroye, les gens passaient dans la rue en rigolant. Ils disaient qu’il y a un cinglé qui a investi beaucoup d’argent pour construire de grands bâtiments, juste pour y garder des oiseaux», se souvient encore Alassane, le fils de «Diallo Pithie». Ces remarques et ces moqueries, «Diallo Pithie» n’en avait cure. Il pensait plutôt à agrandir ses activités. Ce qu’il avait réussi en voyageant, durant des jours, dans la cale d’un bateau avec sa grande caisse d’oiseaux et ses provisions dans les bras. Sur le quai du port de Marseille, il écoulait ses oiseaux avant de reprendre le bateau pour Dakar.
Reconnaissance internationale
Cette activité lui vaut une reconnaissance internationale. Car, au premier voyage, avant qu’il n’atteigne les rives de l’océan Atlantique au Port de Dakar, les journaux français avaient déjà commencé à s’intéresser au cas de Amadou Diallo. Des articles de presse sont faits sur lui. La légende de «Diallo Pithie» est en construction. La plus grande oisellerie au monde prend forme au Sénégal avec un «stock permanent de 100 mille paires d’oiseaux», confie Alassane Diallo. Les commandes affluent. Du Japon, des Etats-Unis, de l’Europe. Avec en prime, une culture de chasseurs d’oiseaux qui se répand dans la campagne au Sénégal grâce à Diallo. Les affaires marchent pour Amadou Diallo, mais aussi pour les paysans qui voient de moins en moins les oiseaux détruire leurs champs.
Quand la voiture de Senghor s’est embourbée
L’activité de Diallo suscite un intérêt chez le Président Léopold Sédar Senghor qui a eu écho de ce Foutanké qui a séduit l’Europe. Et le chef de l’Etat de décider d’aller visiter l’oisellerie à Thiaroye. Après sa visite, le Président était admiratif et émerveillé. Alors, tous les week-ends lorsqu’il allait à Popenguine, il passait d’abord avec sa famille admirer les oiseaux avant de continuer sa route», rappelle Alassane Diallo, dans sa demeure adossée à l’Océan Atlantique, à Petit Mbao. C’est d’ailleurs durant l’une de ses visites de Senghor que débute l’histoire de la célèbre route de Thiaroye, «Tally Diallo». «Un jour, alors qu’il venait comme d’habitude admirer les oiseaux, la voiture du Président Senghor s’est embourbée. Pour ne plus vivre cette mésaventure, le chef de l’Etat décide alors de construire une route qui mène à l’oisellerie.» Cette route, porte le nom de Diallo. Malgré cette reconnaissance, à Thiaroye les rapports de «Diallo Pithie» avec ses voisins ne vont pas changer. Tous continuaient à le toiser et à le regarder d’en haut. Personne ne pouvait comprendre que des bâtiments en durs puissent être construits juste pour abriter des oiseaux alors qu’à côté, d’autres habitants de Thiaroye vivaient dans des baraques. Même si, plus tard, il a construit plusieurs maisons qu’il a offertes à des habitants de Thiaroye. Sans compter les mosquées.
Diallo et le poisson du restaurant
Son business devenu florissant, «Diallo Pithie» ne cessait de voyager à travers le monde à la rencontre de ses partenaires. Illettré, il se faisait accompagner par ses enfants dont certains ont fait des études supérieures en Europe. C’est justement en compagnie de l’un d’eux, Alassane Diallo, qu’il avait vécu une histoire que le fils se plaît à raconter. «Lors d’un de ses voyages, le vieux décide de déjeuner dans un restaurant à Paris. Avec au menu du poisson. A la fin du repas, «Diallo Pithie» a failli s’arracher les cheveux lorsqu’on lui a présenté l’addition. Il a presque bondi de sa chaise. Le prix qui lui a été fixé pour le poisson était exorbitant. Cela lui fait dire que si le poisson est si cher en Europe, les Sénégalais qui ont une côte poissonneuse peuvent faire une bonne affaire», confie Alassane Diallo. C’est à son retour que «Diallo Pithie» va investir dans le secteur de la pêche, en dépit de l’ostracisme des Toubabs qui contrôlaient à l’époque toute la toute la flotte sénégalaise.
Des obstacles et des croc-en-jambe, il en a subis de la part de ces français qui n’ont pu hélas l’empêcher de disposer au summum de son activité. Avec une flotte riche de 14 bateaux de pêche et de deux autres bateaux de transport maritime, Amadou Diallo s’impose à travers sa Société de pêche sénégalaise (Sopesea). Les Européens désabusés multipliaient les coups bas. Sa production est boycottée. Lui, comme pour les narguer, alignait les succès allant même jusqu’à se payer le luxe de diversifier encore ses activités en se lançant dans l’horticulture.
DIALLO PITHIE, un modèle achevé DE SELF MADE MAN
Après les études, nous attendons toujours d’être recrutés par une grande entreprise pour réaliser notre rêve… Certains même presque le risque d’emprunter clandestinement des pirogues de fortune pour se rendre en Europe ou aux Etats-Unis. Combien de jeunes ont péri dans l’Océan ? Jeune de mon pays , inspire-toi de l’histoire de Diallo Pithie qui s’est réalisé à partir de la vente des oiseaux.
Il a été le premier homme Noir à exporter des oiseaux via Air France. Il fut aussi le premier Sénégalais a acquérir son paquebot pour son propre transport de Poissons à 600 millions de nos Francs et l’a appelé « ’Mame Abdou Aziz Sy ». Ensuite, il s’est payé un deuxième cargo à 800 millions qu’il a appelé « El Hadji Malick Sy ». Il s’est construit à partir de rien pour devenir un grande réussite dans ce pays.
Chaque obstacle est un défi pour «Diallo Pithie» qui n’a jamais voulu baisser les bras jusqu’au jour où il reçut la visite de la grande faucheuse. C’était le 05 mai 1998 à l’âge de 80 ans. Un bel exemple de persévérance qui illumine la marche de la jeune génération si elle se l’approprie.
Mademba Ramata Dia