La nomination du Pr. Ismaïla Madior Fall comme garde des Sceaux, qui intervient dans un contexte particulier, charrie un faisceau de commentaire. Pourtant, de Serigne Diop à Me Doudou Ndoye, le ministère de la Justice du Sénégal a souvent été dirigé par des constitutionnalistes émérites.
Ce qui est, par contre, incongru, c’est de voir l’ex-ministre conseiller auprès du président de la République conserver son fauteuil de président du Comité national chargé de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie). Il y a, sous ce rapport, un réel conflit d’intérêt au profit du gouvernement sénégalais.
Car, l’Initiative pour la transparence des industries extractives (Itie) se veut « une norme à vocation internationale qui veille à une meilleure gouvernance dans les pays riches en ressources naturelles à travers la vérification et la publication complète des paiements effectués par les entreprises et des revenus perçus par les gouvernements provenant du pétrole, du gaz et des minerais ». « L’objet de cette Initiative est d’accroître la transparence dans les transactions entre les gouvernements et les compagnies extractives du secteur des hydrocarbures et des mines afin d’améliorer la gouvernance des pays dépendant de ces ressources avec tout ce que cela peut avoir en termes de répercussions politique et socioéconomique », explique-t-on.
Ainsi, compte tenu du scepticisme de l’opposition et de certaines organisations de la Société civile envers le gouvernement (dont fait désormais partie Ismaïla Madior Fall) relativement à la gestion de la manne pétro-gazière, le professeur de droit doit quitter la tête du comité national de l’Itie.
Il s’y ajoute que l’adhésion récente de Fall à l’Alliance pour la République va lui attirer un procès en suspicion légitime de la part de ses pairs juristes.
En février 2016, soit à la veille du référendum de la même année, 45 professeurs de droit et de science politique des universités sénégalaises ont publié un manifeste, sous forme de réquisitoire, pour dénoncer l’avis du Conseil constitutionnel et l’interprétation qui en a été faite par le Président Macky Sall. A l’époque, Ismaïla Madior Fall, qui pouvait se targuer d’une relative neutralité, est monté au créneau pour bétonner la thèse du leader de l’Alliance pour la République ; soucieux de revenir sur sa promesse de réduire son mandat de sept à cinq ans.
Le constitutionnaliste, rendu célèbre par son combat contre la candidature pour un troisième mandat de Wade, a aussi adopté une posture surprenante quand il s’est agi d’appliquer les recommandations issues des Assises nationales, que Macky Sall a signées, et transmuées en propositions de réforme par la Commission nationale de réforme des institutions (Cnri) présidée par Amadou Makhtar Mbow.
Itou pour l’acte 3 de la décentralisation, objet d’une vive polémique, à la conception duquel il n’a pas eu le beau rôle.