Excellences, chers frères, Messieurs Cyril Ramaphosa, Président de la République d’Afrique du Sud, Mohamed Bazoum, Président de la République du Niger et Umaro Sissoco Embalo, Président de la République de Guinée Bissau,
Excellence, Monsieur Charles Michel, Président du Conseil européen, cher ami,
Excellence, Monsieur Moussa Faki Mahamat, Président de la Commission de l’Union africaine, cher frère,
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Monsieur le Président de la Commission de la CEDEAO,
Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Je tiens d’abord à remercier chaleureusement nos hôtes de marque, qui ont bien voulu honorer de leur présence cette 7e édition du Forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique, malgré leurs agendas chargés.
Merci à toutes et à tous d’être venus, en dépit du contexte difficile de la pandémie. Je vous souhaite la bienvenue et un agréable séjour au Sénégal.
Je remercie les pays et institutions partenaires pour leur soutien renouvelé au Forum de Dakar.
Après la pause de 2020, due à la crise sanitaire, notre rendez-vous porte cette année sur le thème fort opportun des enjeux de stabilité et d’émergence en Afrique dans un monde post-covid19.
Le sujet dénote plutôt un pari optimiste sur le futur. En effet, si la situation s’améliore par endroits, l’apparition d’un nouveau variant dans plusieurs pays rappelle que nous sommes tous exposés au virus, et pas encore à l’ère post COVID. Mais le thème nous engage aussi à être résilients, déterminés et combatifs.
Il le faut, face aux effets néfastes d’une double crise sanitaire et économique, à laquelle s’ajoutent, pour l’Afrique, la vulnérabilité particulière au changement climatique, l’intensification des attaques terroristes et la recrudescence des coups d’Etat.
L’urgence est là : dans ces pays déstabilisés, en partie occupés et menacés dans leur existence, ces vies humaines perdues, ces personnes déplacées ou réfugiées, ces familles endeuillées, ces écoles fermées et ces économies fortement perturbées.
Depuis 2014, le Forum de Dakar se tient pour diagnostiquer la situation en Afrique afin de contribuer à la recherche de solutions aux maux qui l’affectent.C’est le sens de la participation de Dirigeants, hauts responsables, experts civils et militaires africains ; puisque la sauvegarde de la paix et de la sécurité du continent nous incombe au premier chef.
Nous associons aussi les pays et institutions partenaires, dans un esprit de solidarité et de sécurité collective ; parce que nous partageons des vulnérabilités communes.
Je pense aux périls sécuritaires, environnementaux et sanitaires, au crime organisé, à la piraterie et à la cybercriminalité entre autres ; autant de défis transfrontaliers auxquels aucun pays ne peut faire face tout seul.
Responsabilité nationale, solidarité internationale et sécurité collective ; cela veut dire que la paix et la sécurité en Afrique sont parties intégrantes de la paix et de la sécurité du monde.
Nous devons, par conséquent, continuer de pointer du doigt les causes internes et externes des conflits sur le continent et d’évaluer l’efficacité des réponses nationales, des opérations de paix et autres mécanismes de règlement pacifique des différends.De ce point de vue, on relève que dans la plupart des pays africains, les restrictions budgétaires des années d’ajustement structurel ont eu un impact négatif sur l’équipement des forces de défense et de sécurité.
Or, la sécurité n’a pas de prix. Mais elle a un coût. Face à la montée du péril terroriste, il nous plus de flexibilité budgétaire pour permettre à nos pays de se donner les moyens d’assurer un minimum de défense nationale, avec des armées bien entrainées et bien équipées.
J’invite les pays et institutions partenaires à tenir compte de cet impératif vital.
Nous devons aussi interroger la doctrine des opérations de paix en Afrique. Elles sont 7aujourd’hui sur le continent : 6déployées par les Nations Unies, et une par l’Union Africaine en Somalie (AMISOM), qui compte, à elle seule, plus de 21 000 éléments ; les 7 opérations totalisant plus de 75 000soldats.
Certes, des succès ont pu être enregistrés çà et là. Mais les défis sécuritaires persistent ; d’où la problématique récurrente des mandats et des règles d’engagement des opérations, y compris dans le cadre de l’Architecture africaine de paix et de sécurité et sa Force en attente.
Nous devons, par conséquent, reposer la question doctrinale des opérations de paix au plan régional, à l’Union Africaine et au Conseil de Sécurité.
Sur le front économique, la pandémie COVID-19 a porté un coup sévère à nos efforts de croissance économique et d’émergence.
La chute drastique des recettes et la hausse imprévue des dépenses en riposte sanitaire et résilience socio-économique ont aggravé le déficit budgétaire, alors que nos pays ne disposent pas d’instruments monétaires et financiers d’atténuation de l’impact de la crise, à l’instar des banques centrales des pays développés.
S’y ajoute le ralentissement des apports financiers extérieurs, notamment les investissements directs étrangers et les envois de la diaspora.
Selon le Rapport de l’OCDE intitulé Dynamiques du développement en Afrique 2021;
: transformation digitale et qualité de l’emploi,l’Afrique n’a attiré que 2,9% des IDE en 2019, soit 45,5 milliards de dollars, loin derrière l’Asie (31 %), l’Amérique latine et les Caraïbes (9.9 %).
Les transferts de la diaspora ont également connu un net recul. Je rappelle que ces transferts, estimés par la Banque mondiale à plus de 85 milliards de dollars en 2019, sont de loin supérieurs aux 29,6milliards d’APD pour l’Afrique.
A titre illustratif de l’impact de la crise, pour la première fois de son histoire, un pays comme le Sénégal s’est retrouvé à faire du transfert de fonds dans le sens inverse, en soutien à notre diaspora dans le cadre de notre Plan de résilience économique et sociale.
Alors, dans ce contexte de crise et d’efforts de relance post COVID, quels enjeux et quels défis pour l’émergence du continent ?
Il faut d’abord rappeler l’ordre des grandeurs. L’Afrique, c’est 30 millions de km2 et plus d’un milliard d’habitants.
Selon la BAD, rien que pour les infrastructures, les besoins du continent se situent entre 130 et 170milliards de dollars par an.
C’est dire que si l’aide peut contribuer à régler une urgence sectorielle, elle ne peut satisfaire les énormes besoins en routes, autoroutes, ponts, ports, aéroports, barrages, centrales électriques et autres infrastructures indispensables à l’émergence de l’Afrique.
En plus de nos efforts internes de mobilisation des ressources, il faut repenser la gouvernance économique mondiale pour favoriser les conditions du financement de l’émergence en Afrique.
A mon sens, les réformes doivent porter sur six domaines au moins :
- Un, assouplir les règles de l’OCDE pour les prêts crédits-export, et allonger les maturités pour le financement des projets d’infrastructures du développement.
- Deux, corriger les règles d’évaluation du risque d’investissement en Afrique, puisque la perception de ce risque reste toujours plus élevée que le risque réel, ce qui renchérit les primes d’assurance et réduit la compétitivité de nos économies ;
- Trois, promouvoir davantage les financements mixtes, combinant fonds concessionnels et financements commerciaux ;
- Quatre, alléger et simplifier les procédures d’instruction des dossiers de financement des projets, dans le respect des règles de transparence. Il n’y a pas d’incompatibilité entre la diligence et la transparence.
- Cinq, assurer une transition énergétique juste et équitable, selon le Principe de la responsabilité commune mais différenciée ;
- Six, améliorer les règles du système fiscal international, pour que l’impôt soit payé là où la richesse est créée, c’est-à-dire dans le pays où une société mène ses activités et tire ses profits.
A ce sujet, l’adoption par le G20 de la proposition américaine pour l’instauration d’un impôt minimum de 15%, afin de dissuader le recours aux paradis fiscaux, va certainement dans le bon sens ; tout comme l’émission historique de 650 milliards de dollars en Droits de Tirages Spéciaux.
Ainsi, l’Afrique a pu disposer de son quota de 33 milliards de dollars pour renforcer sa résilience sanitaire, atténuer en partie l’impact de la crise et amorcer la relance économique.
C’était le premier objectif du Sommet de Paris de mai dernier sur le financement des économies africaines.
Travaillons sur le deuxième objectif, pour la réallocation aux pays africains, selon des modalités à convenir, de 67 milliards de dollars, mobilisables sur les DTS des pays riches qui y consentent, pour atteindre le seuil des 100 milliardsconvenus.
C’est ce qui nous rapprochera des 252 milliards de dollars dont l’Afrique a besoin d’ici à 2025 pour contenir le choc de la COVID et amorcer sa relance économique.
D’autre part, l’accès de tous au vaccin et sa production en Afrique restent pour nous une priorité majeure. Je salue les efforts déployés au plan bilatéral et dans le cadre de l’initiative COVAX. Mais beaucoup reste encore à faire pour atteindre nos objectifs de vaccination.
Le Président Cyril Ramaphosa, qui coordonne avec engagement la riposte anti COVID à l’échelle continentale nous en dira certainement plus.
Thank you Cyril. We are certainly eager to hear your update on the critical issue of vaccine. But let me reiterate here my full support against any form of discrimination or isolation in relation with the new variant. This is not acceptable ; and we won’t accept it.
Comme l’a clairement indiqué l’OMS, isoler un pays qui a séquencé un nouveau variant et a fait preuve de transparence, est non seulement discriminatoire, mais aussi contre-productif ; parce que c’est inciter les autres à ne pas publier les résultats de leurs investigations.
Cette pandémie qui frappe tous nos pays doit nous rassembler sur le front solidaire de la riposte, au lieu d’ajouter un nouveau clivage aux relations Nord-Sud.
Rassembler, réfléchir et proposer des solutions, c’est cela l’esprit du Forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique, dont je déclare maintenant ouverte la 7e édition. Je vous remercie.