Le rejet de listes par les autorités administratives en vue des élections territoriales a suscité la réaction de certains experts qui sont revenus sur ce qui peut fonder ces décisions au regard de la loi. Selon Ababacar Fall, les raisons du rejet des listes sont liées, entre autres, à l’investiture de candidats inéligibles, au non-respect de la parité mais aussi aux listes non complètes. Cependant, des voies de recours sont prévues pour permettre à ces listes de procéder à des corrections.
En direction des élections territoriales du 23 janvier 2022, beaucoup de listes ont été rejetées par les autorités administratives. Les responsables desdites listes ont accusé les autorités administratives d’avoir fait preuve d’un excès de zèle. Cependant, la loi prévoit des conditions de rejet et de recevabilité des listes électorales. Ababacar Fall, expert électoral, Secrétaire général du Groupe de recherches et d’appui à la démocratie participative et à la bonne gouvernance (Gradec), citant le Code électoral, indique qu’il y a les conditions de recevabilité de la candidature qui déterminent aussi celles d’irrecevabilité d’une candidature aux élections territoriales. L’expert électoral rappelle que lorsque les responsables d’une liste investissent des candidats non éligibles (condamnés par la justice par exemple) et ne les remplacent pas après le contrôle d’éligibilité de l’autorité administrative, cela est un motif d’irrecevabilité de la liste. Le non-respect de la parité est également une des causes d’irrecevabilité d’une liste. Pour leur recevabilité, le Code électoral exige aussi que toutes les listes présentées soient complètes tant au niveau du mode de scrutin majoritaire que proportionnel.
Ababacar Fall d’expliquer qu’au scrutin majoritaire, le nombre de suppléants doit être égal au nombre de titulaires. Concernant le scrutin proportionnel, le nombre de suppléants est la moitié du nombre de titulaires. Pour chaque liste, 45% des investis doivent l’être pour le scrutin majoritaire et 55% pour le scrutin proportionnel. Les responsables doivent ainsi bien faire le calcul pour éviter d’avoir des listes incomplètes.
Possibilités de modification après le dépôt
Toutefois, la loi permet aussi aux partis et coalitions de procéder à des modifications après le dépôt d’une liste rejetée. Cependant, cela est encadré par le Code électoral (article L286). Dans un post publié sur sa page Facebook, Moustapha Diakhaté, ancien président du groupe parlementaire de Bby, est revenu sur ce que dit la loi électoral sur la modification de liste de candidats. Il indique qu’en vertu de l’article L.286 du Code électoral, les seules modifications légales sont : le remplacement de candidats inéligibles sans préjudice de l’ordre d’investiture ; la substitution de pièces périmées ou comportant des erreurs matérielles ; la couleur ; le sigle et le symbole. Selon l’ancien député, une liste comportant moins de candidats titulaires comme suppléants ou non paritaire est irrémédiablement irrecevable.
Joint au téléphone, l’expert électoral Ababacar Fall fait noter que dans le processus de dépôt d’une liste, il y a deux étapes. La première, c’est celle de la recevabilité matérielle devant la Commission de réception des candidatures avec les mandataires des différents partis. Dans cette étape, l’autorité administrative vérifie les attestations de versement de la caution, les déclarations d’investiture et de candidature avant de remettre un récépissé de dépôt qui ne préjuge pas de la recevabilité du dossier mais juste de son dépôt. Pour la deuxième étape, quarante-huit heures après le dépôt, c’est l’étape de la recevabilité juridique. Il s’agit de vérifier, notamment le respect de la parité, l’investiture de candidats éligibles et la justesse des filiations (être sur la liste électorale de la collectivité territoriale, authentification des documents des investis…). En cas d’erreurs matérielles, la Commission notifie cela au mandataire et lui accorde un délai de 48 à 72 heures pour faire des corrections comme le remplacement de candidats inéligibles ou de documents non authentifiés. Au-delà des 72 heures, si le mandataire ne procède pas aux corrections, son dossier est rejeté.
Recours devant la Cour d’appel puis à la Cour suprême
Pour les dossiers incomplets rejetés, Ababacar Fall poursuit qu’après la notification écrite du préfet, les responsables des listes peuvent attaquer la décision devant la Cour d’appel dans un délai de 72 heures. La Cour d’appel peut demander à l’autorité administrative de reprendre une liste ou peut simplement confirmer sa décision. À partir de ce moment, les responsables des listes peuvent se pourvoir aussi en cassation que devant la Cour suprême.
Revenant sur les nombreux rejets notés la semaine dernière, le secrétaire général du Gradec pense qu’il y a un manque de maîtrise des procédures de certains responsables politiques. Cependant, il est aussi d’avis que certaines autorités administratives ont fait preuve « d’excès de rigueur ». Il a invité l’administration à être tolérante pour qu’on puisse avoir des élections inclusives et apaisées.
Oumar KANDÉ